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"MARIAGES GRIS": un faux débat

Publié le 06 décembre 2009 par Labreche @labrecheblog

1557692963.3.jpgÉric Besson, ministre de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité nationale et du Développement solidaire, du gouvernement de François Fillon a annoncé à la mi-novembre vouloir lutter contre les « mariages gris ». Aussitôt un groupe de travail parlementaire présidé par Claude Greff, députée d’Indre et Loire, est mis en place. Il remettra une série de propositions au ministre dans six mois afin de combattre efficacement cette imposture.

« Mariage gris », terme inventé par Éric Besson, désigne une union, entre un Français (e) et un étranger(e), dans laquelle l’étranger ne serait pas sincère. Il ou elle se marierait dans l’unique but d’obtenir la nationalité française et de rester sur le territoire. Pour Éric Besson il s’agit là « d’une escroquerie sentimentale à but migratoire ».

Manipulation de l'opinion par le ministre

Le groupe de travail ne possède aucun outil de réflexion fiable. On ne sait pas combien de mariages mixtes (entre un Français et une personne étrangère) se sont terminés par des divorces parce que le conjoint, auparavant étranger, n’était pas sincère. Sait-on pourquoi le couple a réellement divorcer ? Comment savoir que c’est le « jeune » Français qui a fauté? Doit-on se méfier des Français naturalisés récemment ?

Par ailleurs, le pourcentage de mariages mixtes diminue en France depuis 2003. Selon l’INSEE en 2007, on en comptait 13% contre 17% en 2003. Plusieurs hypothèses peuvent expliquer cette baisse. Premièrement aucune filière à « mariage gris » ne s’est pas implantée de manière efficace. Deuxièment, tous les immigrés n’ont pas, pour entrer sur le territoire, décidé de se marier avec un Français. Troisièmement, les personnes de nationalité française ne sont pas si dupes. Il ne s’agit pas de nier ce drame personnel mais de montrer que c’est un phénomène limité.

Certains faits confirment l’instrumentalisation de cette question par le gouvernement. D’abord, l’utilisation, par le ministre, du pathos. Il en appelle souvent à l’émotion du public. En effet, le ministre parle « d’escroquerie sentimentale », ou de « Français abusés dans leur confiance amoureuse ». Il a reçu, à ce propos, des victimes à son ministère le 18 novembre 2009 pour qu’elles témoignent. On assiste à une manipulation de la détresse affective des victimes et du mécontentement spontané de l’opinion à des fins électorales. Ensuite, rappelons qu’il existe déjà une loi afin de lutter contre ce qu'il appelle les « mariages gris ». L’article L623-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile spécifie : « Le fait de contracter un mariage ou de reconnaître un enfant aux seules fins d’obtenir, ou de faire obtenir, un titre de séjour ou le bénéfice d’une protection contre l’éloignement, ou aux seules fins d’acquérir, ou de faire acquérir la nationalité française est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. » Faire une nouvelle loi n’est pas utile.

Ainsi, il semblerait que l’on ne vise pas les « mariages gris » mais bien les familles et les mariages mixtes en créant un climat délétère. Éric Fassin, sociologue et professeur agrégé à l’École normale supérieure, spécialiste des questions raciales note que : « Si l’on veut réduire l’immigration familiale, alors qu’elle est légale, il faut introduire le soupçon : ce ne sont pas de vraies familles, ce ne sont pas de vrais couples ! ».

« Une nation assez généreuse ? »

L’emploi de l’adverbe assez signifie que la nation est généreuse autant qu’elle doit l’être et de manière satisfaisante en matière de naturalisation de conjoints de Français.

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Éric Besson laisse même entendre que la législation française est la plus souple. Mais ce n’est pas le cas. En France, le conjoint peut être naturalisé après 4 ans à compter du jour du mariage et uniquement s'il a résidé sur le territoire de manière ininterrompue et régulière pendant 3 ans à compter du mariage. Nicolas Ferran, coordinateur national de l’association des Amoureux au ban public, qui défend les mariages mixtes demande de « se préoccuper de ceux qui n’arrivent pas à faire reconnaître leur mariage célébré à l’étranger, à avoir de visa pour rejoindre leur famille en France. » Rappelons; qu'en Angleterre il n’y a pas de durée de mariage minimale. Il suffit d'y résider depuis 3 ans pour faire une demande de naturalisation. Enfin, en Allemagne, il faut être marié depuis 2 ans et y vivre depuis au moins 3 ans. L’obtention de la nationalité après un mariage est un droit. Il s’agit d’une procédure administrative contrairement à la France.


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