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Internet, Google et Ecologie

Publié le 06 décembre 2009 par Benjamin Bradu
L’informatique contribue au niveau mondial pour environ 2% des rejets des gaz à effet de serre selon le cabinet d'analyse Gartner, ce qui est loin d’être négligeable.
Internet, Google et Ecologie

Le processeur est l’organe qui effectue les calculs dans les ordinateurs. Un processeur consomme de l’électricité et dégage de la chaleur. C’est pour cette raison que tous les ordinateurs sont équipés de ventilateurs (parfois bruyants). A titre d’exemple, votre Pentium 4 à 3 GHz exploserait au bout de 28 minutes sans ventilateur !

Nous utilisons tous des ordinateurs de bureau (qui consomment relativement peu) mais également des centaines d’autres ordinateurs à travers le monde lorsque nous surfons sur Internet. De manière générale, nous utilisons des ressources informatiques en termes de calcul et de stockage lorsqu’on accède à une page internet, lorsqu’on télécharge un fichier et lorsqu’on effectue une requête sur un moteur de recherche comme Google. Dans ce cas, on ne parle plus d’ordinateurs de bureau mais de fermes de serveurs (des milliers de processeurs disposés côte à côte en train de faire des calculs), et ce n’est plus des ventilateurs mais bien des stations de climatisation industrielles qui sont nécessaires pour les refroidir.

Pour cette raison, on trouve souvent les centres de calcul à proximité des centrales électriques et des cours d’eau pour l’alimentation électrique et le refroidissement des processeurs.

Internet, Google et Ecologie
Centre de données Google à The Dalles en Oregon au bord de la Rivière Columbia. Ce centre, grand comme 2 terrains de football, consommerait 103 MW pour fonctionner. Photo: Craig Mitchelldyer/Getty Images

L’empreinte carbone

C’est très à la mode de calculer son « empreinte carbone », voir par exemple http://www.calculateurcarbone.org relativement bien fait et facile à faire moyennant une petite demi heure si vous connaissez déjà un peu vos habitudes de consommation.

Résultat : je consomme 1,1t de carbone par an avec 25% d’erreur, soit 4,3t de CO2/an. Ca fait tout de même peur ! La moyenne mondiale est de 4t de CO2/an, la moyenne française de 6t de CO2/an et un américain moyen est à 20t CO2/an. Je suis donc en dessous du français moyen mais au-dessus de la moyenne mondiale, pas de quoi de vanter… Néanmoins, ce test ne prend pas en compte le temps passé sur internet ni l’utilisation de moteur de recherche.  J’ai donc cherché à connaitre l’impact d’internet sur mon empreinte carbone.

Attention, l’utilisation de l’ordinateur seul est prise en compte via ma facture d’électricité et des questions sur mes achats informatiques. Je m’intéresse ici au fait d’utiliser des ressources informatiques délocalisées via internet.

Après le Cochon, la Chèvre et le Mouton, une nouvelle fable contemporaine :

Google, le Carbone et la Tasse de thé

J’ai récemment lu un article sur Le Monde.fr au sujet d’un scientifique dénommé Alexander Wissner-Gross de l’université d’Harvard qui disait que : «  deux requêtes sur Google consommeraient autant de carbone qu'une tasse de thé bien chaud. Selon les travaux de ce scientifique, deux requêtes sur Google généreraient 14 grammes d'émission de carbone, soit quasiment l'empreinte d'une bouilloire électrique (15 g) ». Quid de cette information ?

La différence entre le bon scientifique et le mauvais scientifique c’est que quand un mauvais scientifique voit une information, il l’ingurgite alors que le bon scientifique, lui, quand il voit une information, il la vérifie. Nous allons donc vérifier cette information avant de l’ingurgiter bêtement…

J’ai lu l’article du Times auquel Le Monde.fr se réfère et là, premier problème : le Times parle d’émission de gaz à effet de serre en équivalent CO2 et non équivalent Carbone comme dans l'article du Monde.fr… Il faut déjà se mettre d’accord sur les unités !! En général, on parle en équivalent CO2, ce que je ferai dans la suite de ce billet (pour info, 1kg équivalent CO2 = 0,27 kg équivalent carbone).

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J’ai également pu constater que ce chiffre a été quelque peu déformé au fil d’articles à en croire cet article de Futura-Science. Néanmoins, Futura-Science n’est pas très bon en arithmétique apparemment car l’article dit que « le calcul est dès lors rapide à faire : si l’on admet le chiffre de 7 grammes par requête, ainsi que l’affirme le Times, les serveurs de Google rejettent quotidiennement 2.450 tonnes de CO2 dans l’atmosphère, soit autant que le Japon en six mois ! » Ce dernier calcul a été effectivement fait trop vite par Futura-Science car en prenant ma calculette et en admettant le chiffre de 7g/requête, Google génère bien 2450t de CO2/jour mais cela correspond à 1 minute d’émission du Japon (qui rejette 1236 millions de tonnes de CO2/an) et pas à 6 mois !! Je tenais à rectifier cette comparaison aberrante qu’ils ont publiée. De toute manière, ce chiffre de 7g/requête n’a aucune justification scientifique valable pour l’instant.

Le fameux chercheur interviewé par le Times a en fait publié un article disant que la consultation d’une page web classique consommait environ 20mg de CO2/seconde, soit 72g de CO2/heure. Mais attention, la consultation d’une page très riche en information, style vidéo youtube, multiplie ce chiffre par 10, soit 720g de CO2/heure. Une heure de vidéo youtube correspondrait alors en terme de rejet de gaz à effet de serre à prendre une petite voiture moderne diesel et à rouler 6 km (une petite voiture diesel moderne rejette 115g CO2/km).

Pour une réflexion plus sérieuse sur ce débat, je vous conseille plutôt de lire cet article qui traite la question de fond sous-jacente, à savoir comment diminuer le rejet de CO2 lié à l’informatique dans le monde.

De quoi est-on sûr alors?

Au final, on a du mal à y voir clair et on ne sait plus qui croire. Le Times a fait un erratum à son article en accord avec la réponse de Google ayant répondu qu’une requête Google qui dure en moyenne moins d’une seconde rejette 0,2g équivalent CO2, et pas 7g (voir explication Google). Google rejetterai donc 25 500t de CO2/an à cause des requêtes sur le moteur de recherche, soit autant que 4000 français moyens, ce qui est relativement peu pour une entreprise comme Google.

Cependant, la méthode de calcul me chagrine un peu. Je ne suis pas sûr que toute la chaine soit prise en compte dans ce calcul. A mon avis, la meilleure méthode englobant tout Google serait la suivante :

- Calculer la facture d’électricité de Google en kWh sur une année (l’énergie consommée totale pour Google).

- La multiplier par la quantité de CO2 produite pour produire 1 kWh. On prend comme hypothèse le ratio américain  de 550g de CO2/kWh électrique (contre 90g de CO2/kWh électrique en France).

- Diviser le tout par le nombre de requêtes Google dans une année (estimé à 365*350 millions = 127 milliards de requêtes).

Certes, le nombre final trouvé ne correspondra pas directement à la quantité de CO2 rejeté lors d’une simple requête car il prendra en compte toutes les infrastructures nécessaires à cette requête ainsi que les autres services de Google (car les serveurs ne sont pas dédié qu’au moteur de recherche). Cependant, cette quantité reflètera l’émission totale générée par Google pour traiter une requête tout en incluant les autres services proposés (google earth, google map, google doc, etc.).

L’estimation de la puissance électrique consommée par Google est secrète mais plusieurs personnes (comme ici) et certains journaux (comme Le Monde) ont tenté le calcul et aboutissent autour des 2 TWh/an. Dans ce cas, notre calcul donne le résultat suivant : 8,6g C02 / requête en incluant les services Google. En une année, Google consommerait donc 1 million de tonnes de CO2/an, ce qui correspond à l’émission du Niger, classé 144ème pays le plus émetteur (sur un total de 181 pays).

Pour en revenir à mon bilan carbone annuel, je pense faire environ 5000 recherches Google par an (environ 15 par jour). Si je prends l’hypothèse haute de 8,6g/requête, cela correspondrait à émettre 43 kg équivalent CO2 supplémentaire dans mon bilan, soit une part de 1% de mon rejet annuel. Au premier abord, l’impact de mes recherches Google sur mon empreinte carbone est donc relativement faible.

Ne pas non plus diaboliser Internet et Google

Google essaye de surfer sur la vague éco en consommant le moins possible d’électricité avec des serveurs informatiques les moins gourmands possible. Google explique volontiers les mesures énergétiques prises car cela améliore son image de marque mais ce n’est pas que pour le plaisir mais bien pour gagner plus d’argent car l’électricité est la principale dépense de Google ! Cependant, il est évident qu’ils font des efforts non négligeables sur ce plan.

Internet, Google et Ecologie

Par exemple ils ont équipé le Googleplex de panneaux solaire à hauteur de 1,6 MW, ce qui est une grosse centrale solaire aujourd’hui. Ils construisent également des centres de données en Finlande où il fait froid pour consommer moins d’électricité en refroidissement.

Combien de CO2 pour ce billet de blog ?

Pour ce billet de blog, j’ai effectué 28 requêtes Google, soit 240g CO2 en prenant l’hypothèse haute des 8,6g/requête. J’ai passé 5 heures à faire des recherches et à écrire sur mon ordinateur portable qui consomme 80W (il est gros, vieux et bruyant), soit 400 Wh au total, ce qui correspond en France à 35 g CO2 rejeté. De plus, j’ai dû surfer pendant environ 1 heure sur Internet, soit 72g de CO2 supplémentaire. J’ai donc rejeté au total 347g de CO2 pour vous offrir ce billet.

Si j’avais dû aller à la bibliothèque de Genève en voiture pour faire des recherches (j’habite à la campagne à 35 km de Genève, pas de transport en commun),  j’aurais émis 8 kg de CO2 (avec une petite voiture diesel), soit 23 fois plus, à méditer…

Sources : Rapport 2009 de l’Agence Internationale pour l’énergie (IEA) : http://www.iea.org/co2highlights/co2highlights.pdf


Par Benjamin Bradu - Publié dans : Science et société
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