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Pearltrees – Changer l’Histoire, sans la modifier

Publié le 09 décembre 2009 par Vogelsong @Vogelsong

Éditer le web, rien que ça ! Encapsuler des fragments d’Internet, les organiser, les partager, leur donner du sens. Pearltrees, entreprise du net installée à Paris réussit ce pari. Mais Pearltrees c’est aussi une éthique, une approche participative et démocratique en son sein comme avec ses utilisateurs. P. Lamothe CEO, ambitieux et juste assez idéaliste, pour toucher aux buts aborde aussi son projet comme une expérience politique et médiatique. Dans ce cadre, ses réponses loin des poncifs californiens sont une réelle bouffée d’oxygène.

Pearltrees – Changer l’Histoire, sans la modifier

Loin des gesticulations nombrilistes, P. Lamothe aborde posément les questions économiques relatives à la concurrence, aux cotisations sur les salaires et à la gestion interne. Première surprise, à contre-courant des flagellations hexagonales habituelles, il loue le talent et la créativité du net français concentré à Paris.

Il existe un microcosme dans la capitale propice au développement.  Les meilleurs créatifs, capables de penser des ergonomies futuristes y sont regroupés. Mais sévissent aussi les plus brillants mathématiciens (en général masculins) rompus aux codages d’algorithmes complexes.

Il écarte rapidement les lourdeurs financières du marché du travail français. L’équation économique d’une start-up se résout par la prolificité et la faculté d’innover. Ergoter sur le coût du travail n’a pas de sens quand on évolue dans un environnement foisonnant comme les nouvelles technologies. Dans ce registre, il ne s’alarme pas d’une possible concurrence “à bas coûts” de Pearltrees-like qui ne manqueront pas d’émerger. Il martèle que, de la capacité d’adaptation et de création résultera la différence, pas des charges sociales.

De plus, le cadre légal français, souvent dépeint comme contraignant, voire stérilisant n’est pas pour le patron de Pearltrees une source d’angoisses. Il précise même plutôt goguenard que tous les outils légaux sont disponibles pour permettre une gestion de l’activité. Un vrai discours de rupture. Mais la pratique l’est aussi. Le turn-over tant loué par les expatriés ne semble pas être un objectif, ni une habitude. Au fil des échanges, il met l’accent sur la motivation, la participation des salariés. Pas fasciné par les théories managériales, il préfère une approche consensuelle de la prise de décision, “le management, je ne sais pas ce que sais, je l’ai étudié une année, et personne n’a su me l’expliquer“. Il privilégie un fonctionnement interne axé sur la collaboration. Il ne cache pas non plus que Pearltrees connaît ses moments de tensions, ses crises, et dans ces cas il tranche. Il affirme aussi comme une évidence, la “démocratie” est une problématique forte, mais pas une finalité. Question de survie.

La communauté est en croissance constante (+30% par mois). La start-up parisienne a fait le tour du monde, et s’implante fortement aux USA où le nombre d’utilisateurs a rapidement atteint celui de la France. Avec un niveau de pratique mature. De bon augure. Car compte tenu de la taille du marché, c’est bien là-bas que peut se réaliser le coup décisif. Le modèle économique repose sur la ” valeur utilisateur”. Contrairement aux sites d’informations, la récurrence des visites sur Pearltrees décuple l’impact et la valorisation de son espace.

Les questions éthiques traversent le net. L’émergence de réseaux sociaux, espaces où les utilisateurs sont à la source du contenu, soulève des questions de protection de la vie privée. C’est évidemment le cas pour Pearltrees. Depuis le début du projet, l’équipe gère en totale transparence ces aspects. Le web comme espace ouvert et participatif est la clef de voûte du projet d’édition pensé par P. Lamothe et son équipe.

L’utilisateur est responsable de ce qu’il place dans ses perles. L’ouverture prochaine à des API (Application Programming Interface) permettra, comme sur Twitter, d’aborder l’ensemble de l’interface pour y analyser les données. Bien que cette collecte soit “problématique”, elle reste dans les standards des autres réseaux sociaux. La question cruciale concerne la responsabilisation des utilisateurs sur ce qu’ils mettent en ligne les concernant. Par contre, la zone privée de Pearltrees (en développement) disposera de serveurs sécurisés. P. Lamothe affirme que la sûreté des données privées est primordiale. Il propose en ultime recours, si l’environnement hexagonal ne donne pas satisfaction, d’installer des machines en Belgique ou ailleurs.

Il n’y a pas de censure, ni de contrôle sur le contenu de Pearltrees, quelle que soit la thématique des perles. Bien qu’en profond désaccord avec certains sujets, le staff n’intervient jamais. L’approche est similaire pour des informations notoirement erronées. P. Lamothe rétorque que les inepties sont légions sur le net et dans la presse. Pourquoi pas dans Pearltrees ? Toutes les idées ont le droit d’être exposées et l’essentiel est de pouvoir en débattre ouvertement.

Quand on aborde la question de l’échange de fichiers, il a la dent dure contre les instigateurs d’HADOPI. Il faut “pardonner” à des gens qui légifèrent sans connaître l’Internet, ni ses usages. Le partage est un droit, comme celui de regarder la TV. Il est conscient que ces gesticulations n’ont d’intérêts que pour les sociétés gestionnaires de droits, il fait remarquer, un brin amusé, que P. Bruel s’était plaint, pas Mozart.

Pearltrees est un média participatif. Dans un univers sclérosé où une petite minorité fabrique l’information et la diffuse, la vraie révolution poindrait d’une nouvelle pratique. Issue d’une interface qui permettrait de démocratiser la construction médiatique. Dans le flux constant d’informations qui s’évaporent, Pearltrees capte les éléments saillants, les mémorise.

Quoi de plus efficace pour collecter des éléments pour forger un argumentaire fracassant issu des articles de presse, des billets blogs ? Il est alors un outil politique, un outil de diffusion d’idées et de débats.

L’agencement des perles ouvre des schémas pouvant aller de “l’encyclopédie” (des dizaines de perles structurées avec méthodologie) au “tract” (quatre perles argumentaires).

Utiliser Pearltrees, c’est participer à la structuration des évènements, au lieu d’écouter une élite engoncée les déclamer. P. Lamothe lucide sur les lourdeurs de l’environnement médiatique, caresse ce dessein. En ce sens, il mène un projet politique. Il donne des instruments de contre-pouvoirs à tous les utilisateurs du net. Il propose à chacun d’éditer, d’agencer, de partager. Et de changer l’Histoire, sans la modifier

Pearltrees n’est pas un objet à vocation politique unique. Les perles de toutes sortes y foisonnent au gré des humeurs : bandes dessinées, musique, cuisine, voyages, architecture, bonnes ou mauvaises blagues. Pourtant, la création de perles regroupant par thèmes, par exemple, la production quotidienne de Juan de Sarkofrance, les chroniques de guerre de SebMusset constituerait des objets politiques utiles pour comprendre et analyser la situation dans laquelle la France est plongée. Et peut être en sortir.


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