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Report : exposition "The Thousands" (Londres) par Mamz'L Ka

Publié le 01 décembre 2009 par Blogcoolstuff

Mamz'L Ka est photographe et organisatrice d'événements artistiques tel que le récent Warsaw Street Art à Lille. Suite à sa visite de l'exposition évènement "The Thousands" à Londres, elle partage ses images comme ses impressions avec les lecteurs de Some Cool Stuff.
Une exposition remarquable sur bien des aspects s'est tenue à Londres mi novembre : "The Thousands". L'intitulé (que l'on pourrait traduire par "Les Milliers") fait allusion aux innombrables artistes ayant fait des immensités urbaines leur support de diffusion mais c'est également une référence littéraire à la nouvelle de Daniel Alarcon qui relate la vie d'une communauté marginale s'installant dans une banlieue de grande ville et dont l'existence repose sur le recyclage de rebuts.
"The Thousands" était d'abord remarquable par le lieu choisi pour accueillir l'exposition. Village Undergound est une ancienne usine transformée en espace dédié aux créateurs où bureaux et ateliers, installés dans d'anciens wagons de métro, dominent un hangar de briques d'une impressionnante hauteur. Remarquable également par sa durée : quatre jours seulement d'exposition (du 18 au 22 novembre 2009) précédés par la sortie du livre "The Thousands, Painting Outiside, Breaking In" (ed. Drago). Remarquable enfin et évidemment par son contenu : pendant que Ink Fetish, Pure Evil et Know Hope investissaient d'anciens emplacements publicitaires sur la Great East Street, le crew local Burning Candy finissait l'immense mural réalisé pour l'occasion et qui marquait l'entrée de l'exposition. Par ailleurs une cinquantaine d'oeuvres rares, peu connues du public car issues de collections privées, rassemblait en un accrochage impeccable les plus reconnus des activistes urbains actuels tels que Banksy, Shepard Fairey, Os Gemeos, Herakut, Gaia, Elbow Toe, Swoon, Faile, Futura 2000... L'exposition de ces peintures, pochoirs et collages était complétée par autant de photos prises par No Lions in England et How About No qui restituaient les productions d'artistes anglais ou étrangers dans le contexte de rues londoniennes. L'ensemble, riche et varié, savamment éclairé et pertinemment légendé, avait de quoi satisfaire l'oeil du néophyte comme du spécialiste.
Burning Candy
Mais si l'exposition "The Thousands" a été autant remarquée c'est également et surtout par la personnalité et l'audace de son commissaire Michael RJ Rushmore. Agé de seulement 18 ans, ce jeune américain originaire de Chicago vit à Londres depuis 4 ans. C'est là qu'il découvre le street art par l'intermédiaire de son père, devenu collectionneur. C'est ensemble qu'ils approfondiront leurs connaissances et assouviront leur passion pour ce genre artistique dont RJ deviendra très vite le spécialiste et le relais. Son point de vue, il le livre dans de multiples posts, photos et vidéos sur le blog .Vandalog qu'il a fondé il y a un an et dont il est le co-auteur avec l'artiste Gaia (N.Y.) et la galiériste Elisa Carmichael (L.A.). Il partage également sa passion du street art à l'occasion de visites guidées à travers la ville de Londres au cours desquelles il énonce ses histoires d'arts et de rues.
"The Thousands" a été montée suite à sa révolte de ne pas voir le monde de la culture accorder au street art la place qui lui revient. Pour RJ, il s'agit d'un mouvement artistique majeur du XXIème siècle, mouvement qui influence et inspire la jeune génération bien plus que les oeuvres des figures reconnues du monde de l'art contemporain. Leur talent, leurs sensibilités et l'impact qu'ils ont sur le public justifieraient selon lui de voir les oeuvres des street artistes exposées dans les musées. C'est avec une sincère conviction et non par goût de la provocation que RJ revendique l'entrée du street art en tant que genre à part entière dans le circuit de l'art contemporain et qu'il espère le voir intégrer prochainement les collections permanentes de la Tate ou du Moma au même titre que les oeuvres d'Andy Warhol ou de Damian Hirst.
Au sein de l'exposition deux oeuvres très particulières confortent ce paradoxal parti pris : le lapin suspendu peint par l'artiste belge Roa sur un volet vénitien (de sorte qu'il est visible de l'intérieur comme de l'extérieur mais qu'il peut également disparaître selon l'angle de vision et passer ainsi complètement inaperçu) ainsi que des extraits des "Essais Inflammatoires" de Jenny Holzer,une artiste apparentée à l'art minimal et conceptuel qui ré-interroge l'espace public et la place de l'art dans la société. La présence au vernissage des graffeurs vandales mais non moins sympathiques du DDS crew (Diabolikal Dub Starz), qui taguaient ça et là les rares supports disponibles (le parasol et la table de la marchande de glace, la couverture du catalogue ou encore la signalétique extérieure l'expo) apportait sa touche ironique à l'antagonisme inhérent au propos de "The Thousands". Ce contraste entre "l'esprit de la rue" et le statut de "chef d'oeuvre" m'a semblé judicieusement amalgamé par deux oeuvres magnifiées par la scénographie du Village Undergound : le visuel "Los Sitios" réalisé à base de collages et de tags calligraphiés par José Parla et le personnage peint sur du carton ondulé par Adam Neate et sobrement intitulé "Red Portrait".
Know Hope / Ink Fetish / Pure Evil
A l'issue de cette exposition et des lectures affiliées qui ont été publiées sur le net, je me suis trouvée des goûts et une histoire commune avec son jeune commissaire. Mais même si je saisis ses motivations, je n'arrive pas à concevoir ses revendications. Sans doute est-ce dû à l'écart générationnel et géographique qui différencie nos approches respectives du street art. Il me semble en effet qu'en France l'histoire de l'art tout comme son marché contemporain ont déjà intégré le street art dans leur circuit (cf. "Né dans la Rue", présentée à la rentrée dernière à la fondation Cartier) et l'essor de toutes les cultures urbaines semble également en voie d'assimilation en Pologne dont je suis l'actualité artistique ("Fabryka" de M-City présenté cet été au Centre d'Art Contemporain de Torun). Ces tendances relancent d'ailleurs régulièrement la polémique de l'institutionnalisation et de la mercantilisation de ce mouvement aux origines pourtant si rebelles...
En attendant une nouvelle offensive du jeune RJ dans le monde événementiel de l'art - offensive qui, je l'espère, s'attardera non plus sur l'esthétisme et la catégorisation du street art mais développera davantage les valeurs militantes et démocratiques des artistes exposant dans la rue -, je vous invite à consulter l'ouvrage inspiré de l'exposition, richement illustré et commenté par ses participants. "The Thousands, painting outside, breaking in" est disponible dans sa forme standard ou en série limitée accompagné d'une lithographie de Herakut sur le site de l'éditeur DragoLab qui publie également Magda Danysz, Jon One et Ed Templeton. Vous pouvez également vous référer aux nombreuses vidéos librement diffusées sur le net.
Know Hope / Ink Fetish / Pure Evil
Burning Candy
Skwekville / Chris Stain / Elbow Toe / Sam 3 / WK Interact
Hera Kut / Gaia
Faile / Bast / Aiko / Hera Kut / Gaia
Swoon / Jose Parla
Bast / Aiko / Adam Neate / Os Gemeos
Jenny Holzer / Roa / Swoon

Roa / David Ellis / Know Hope
Graffoto
Shepard Fairey
"The Thousands, painting outiside, breaking in" - Drago
"The Thousands, painting outiside, breaking in" - Drago
Diabolikal Dub Starz
Merci à Mighty Mo, dds, RJ et Domitilla.
Texte et photos : Mamz'L Ka pour Some Cool Stuff.

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