Magazine Finances

Quelle politique de logement dans le Grand Nouméa ? Exemples d’ailleurs, questions d’ici.

Publié le 15 décembre 2009 par Servefa

L’augmentation des populations urbaines dans le Grand Nouméa comme dans les autres pays à urbanisation rapide pose avec une acuité très forte l’épineuse problématique du logement de ces dernières, et plus particulièrement des plus vulnérables d’entre elles. Pendant leurs propres périodes de croissances urbaines, avec des moyens financiers importants, dans une époque économiquement marquée par le keynesianisme et avec des Etats historiquement bien implantés, les pays du Nord ont répondu à la problématique du logement par des politiques marquées par le grand contrôle de l’État. Ces politiques de logement, que nous appellerons « conventionnelles » voyaient en effet l’omniprésence de l’État en tant que donneur d’ordre pour la construction de logements sociaux. Le schéma adopté par la Nouvelle-Calédonie s’apparente à ce schéma conventionnel. Avec la Province Sud dans le rôle habituellement dévolu aux Etats, et les opérateurs sociaux comme bras armés, le tout étant orchestrés à l’aide des conventions passées entre ces deux acteurs, et sous le regard attentif de l’Etat Français qui participe activement en tant que source de financement extérieure. Pourtant, au tournant des années 70, ces politiques ont semblé montrer de nombreuses limites. En premier lieu, leur coût public prohibitif s’est avéré très limitant pour des pays en construction disposant de faibles ressources financières, par ailleurs, il est apparu que ces politiques se sont relevées inefficaces en termes de quantité de logements produits et inéquitables puisque les logements sont apparus inabordables pour les plus pauvres. De plus, ces politiques ont montré d’importantes limites dans l’aménagement de l’espace avec logements mal situés créant des ghettos de populations vulnérables, et ont fait preuve de trop de rigidité pour répondre réellement aux besoins des populations. Leur échec a contribué à l’explosion des zones d’habitat informelles dans les grands pôles urbains tant et si bien que dans certaines grandes villes du Sud plus de 80% de la population vit aujourd’hui dans des quartiers d’habitat précaire. Face à cet échec, de nouvelles politiques publiques, non-conventionnelles, sont apparues. Ces politiques ont eu pour objet de rendre le processus d’habitat plus flexible, en ciblant mieux les besoins de populations dont les aspirations sont prises en compte notamment par l’implication du secteur privé naturellement plus enclin à s’adapter à un marché complexe, le tout avec une volonté forte de maîtrise des dépenses publiques. Dans sa réforme dite néolibérale de la fin des années 70, le Chili a proposé un modèle de politique publique novateur dans lequel l’État doit théoriquement apparaître comme un facilitateur pour la construction de logements sociaux par le secteur privé, en particulier par la fourniture de subventions à l’avance, de manière à offrir des garanties de commandes. Malgré d’importantes limites, que nous approfondirons par ailleurs, les résultats encourageants de la politique chilienne l’ont conduit à être fréquemment citée dans les très catalogues de « bonnes pratiques » des institutions internationales tant et si bien que ce modèle a été importé, et adapté, avec plus ou moins de liberté, dans différents pays. Afin d’ouvrir le débat dans le Grand Nouméa, je vous propose de voir comment s’articule la politique du logement au Chili et dans les autres pays. Si cette question vous intéresse, vous pouvez télécharger la version longue , et non appliquée au cas du Grand Nouméa, de ce texte. Le cas du Chili sera comparé aux « nouvelles » politiques de logement de différents pays, l’Afrique du Sud, la Colombie, et quelques pays d’Amérique Centrale, notamment au travers des actions originales de l’Agence de Coopération et de Développement International Suédoise (ACDIS).
Dans la recherche de financement, des stratégies différentes sont appliquées. Certains pays, comme le Chili et la Colombie, ayant porté avec les finances publiques les programmes de logement, tout en demandant aux particuliers et au secteur privé de partager l’effort, quand d’autres ont préférés multipliés les sources sans affliger leur population défavorisée, ou même ont vu, sous la baguette d’agences internationales, le rôle des finances publiques et du secteur privé minimisés dans une perspective de gestion autonome des communautés.

Dans l’allocation des financements, des divergences importantes perdurent. Si dans tous les cas, les subventions, lorsqu’elles existent, sont émises par le gouvernement central, leur allocation se fait suivant des mécanismes institutionnels différents. Dans le cas du Chili, l’allocation des financements est très centralisée avec un système de notation transparent qui établit les populations prioritaires pour recevoir les subvention (avec un fort coefficient pour le montant épargné par ces dernières, qui est signe de leur « mérite ») et une banque d’Etat publique qui compense les frilosités des banques commerciales privées. En Afrique du Sud et en Colombie, l’allocation des fonds se fait par des collectivités territoriales. Les pays d’Amérique Centrale se démarquent par le rôle joué par des agences non gouvernementales sans buts lucratifs (par exemple une fondation au Honduras). Le rôle d’intermédiaires apparaît quant à lui dans presque tous les pays, notamment des intermédiaires communautaires afin de favoriser la création de capital social et la mise en commun des besoins et des moyens. En particulier, en Amérique Centrale, les intermédiaires représentés par les ONG et autres trust-fund sont les pivots de l’allocation des ressources, ce qui souligne l’originalité des orientations de ces pays avec des mécanismes qui reposent sur des organisations issues de la société civile et peu sur des structures institutionnelles classiques (comme l’Etat, les collectivités locales ou les banques privées).

Dans tous les pays, les ménages sont les cibles de ces subventions. Le Chili et la Colombie privilégient les ménages ayant une capacité d’épargne, quand l’Afrique du Sud et les pays d’Amérique Centrale ciblent clairement les ménages les plus pauvres. Les ménages ne constituent cependant pas les seules cibles des subventions. Au Chili, les banques commerciales ont ainsi pu profiter de la mise en œuvre d’un fonds d’assurance pour assurer les recouvrements, afin de les inciter à véritablement participer à la politique de logement social, en Afrique du Sud des alliances d’organisations de la société civile, des secteurs privé, public et communautaire ont reçoivent des subventions et en Amérique Centrale, les communes perçoivent parfois directement des ressources afin de financer les services urbains de proximité.
Les politiques de logement dans les pays étudiés ont eu des résultats bien différents. Nous allons tenter de les évaluer suivant différents critères (équité, efficacité, durabilité, gouvernance).
On définit ici l’équité comme la capacité à améliorer l’accessibilité au logement, et au crédit au logement, pour les pauvres. Au Chili le système consiste à offrir des subventions de façon dégressive en fonction des classes de revenus. Il permet ainsi de cibler les subventions sur les besoins des populations. Sur ce paramètre l’équité d’un tel système est-elle tout à fait pertinente. Toutefois, la volonté de n’offrir du logement qu’aux pauvres méritoires, c’est à dire à ceux qui sont capable d’épargner ou d’économiser, présente un biais important en excluant les pauvres n’ayant pas de capacité d’épargne et en favorisant les célibataires, qui peuvent épargner facilement, mais qui ne sont pas les cibles naturelles des programmes, sur les familles (Gilbert, p27). Par ailleurs, les prêts du gouvernement aux bénéficiaires du Basic Housing Program, fréquemment non remboursés, sans que l’État n’ose provoquer de révolte en exigeant leurs recouvrements, agissent comme une deuxième subvention pour les populations qui profite de ce programme, générant ainsi une iniquité avec les populations qui profite du Progressive Housing Program, finalement moins subventionnées bien que plus pauvres. En Colombie, les conditions des logements des pauvres ne s’améliorent pas : les subventions se font plus rares (Gilbert, p26), d’autant qu’ici aussi seuls les pauvres « méritants » peuvent accéder aux programmes, avec par ailleurs des subventions peu élevées du fait de la confiance des gouvernements dans un secteur privé qui s’est avéré frileux. De plus, la politique colombienne a souffert de la difficulté à trouver du foncier à prix abordable, ce qui a généré finalement peu de constructions accessibles aux plus pauvres. En Afrique du Sud, en dépit d’une politique de subvention généreuse et universaliste, l’épargne s’est imposée de manière quasi-systématique comme une pratique nécessaire pour l’accession à la propriété, excluant en cela les plus pauvres (Marais & Krige, p127). De plus, malgré la construction massive de logements l’équité est interrogée par la forte mobilité des populations possiblement liée à la nécessité de payer des charges dans les nouveaux logements, ce que les plus pauvres ne peuvent se permettre (Gilbert, p32). Enfin, en Amérique Centrale, les programmes mis en œuvre aident explicitement les populations les plus pauvres à travers des subventions fournies avec une grande flexibilité, que cela soit pour répondre à la demande, ou dans les types de garanties apportées par les populations. Ainsi, les instituts de microfinance joue un rôle d’accompagnement important, en favorisant l’entraide au sein des communautés, et en acceptant des garanties de types très divers (Stein, p59) et en aidant les ménages qui ont acquis des faibles revenus à accéder au crédit formel. Ainsi, les programmes de l’ACDIS apparaissent comme une sorte de première marche d’accès aux crédits tout en invitant les populations à évoluer vers un système financier plus formel.
Il apparaît ainsi que les pays qui ont explicitement suivi le modèle chilien ne disposent pas d’une politique de logement à proprement parler très équitable, même s’ils ont pris, comme l’Afrique du Sud, quelques libertés sur le modèle initial. A l’inverse, le modèle soutenu par l’ACDIS présente des fondements intéressants.
Notre deuxième critère d’évaluation concerne l’efficacité des politiques de logement. Cette efficacité est mesurée suivant deux dimensions. En premier lieu, la capacité effective d’offrir un grand nombre de logements qui acquièrent une valeur immobilière non nulle (comme peut l’avoir le logement social dans de nombreux pays). Mais aussi par l’implication grandissante d’un secteur privé à même d’offrir des services et produits à tous.
L’efficacité de la politique de logement chilienne ne saurait être remise en cause. En effet, une grande quantité de logements a pu être fournie aux populations, et les villes chiliennes demeurent des exemples dans leur maîtrise des habitats précaires (il convient toutefois de remarquer que le Chili n’a jamais connu l’ampleur de bidonvilisation des autres pays à urbanisation rapide). Par ailleurs, de plus en plus de logements sont pris en charge par le secteur privé formel, rassuré par l’édition annuelle d’un nombre connu de subvention, et qui a pu spécialiser ses produits en fonction des programmes de subvention, répondant ainsi à la logique initiale de la politique de logement (Rojas, p9). Cependant, la volonté de construire des logements économiques a eu raison de constructions robustes, tant est si bien que les évènements climatiques fort détruisent à chaque fois une part non négligeable du stock de logement. Ce défaut concerne aussi bien les logements construits par l’État que ceux construit par un secteur privé où la concurrence est rude et les marges réduites (et où les économies s’opèrent donc au détriment de la qualité) (Rojas, p9). Cela conduit à interroger la capacité de ces logements à pénétrer un marché immobilier formel, et remet finalement en cause pleinement l’efficacité de la politique chilienne.
En Colombie, le système s’est avéré globalement peu efficace en raison du manque de financement et du manque d’intéressement du secteur bancaire privé (Gilbert, p28 et 29) et a fourni quantitativement peu de logements. En plus, la faiblesse des financements a conduit à fournir des logements de pauvre qualité (Gilbert, p21) d’autant que le choix a été fait de favoriser la quantité sur la qualité (Gilbert, p24)
En Afrique du Sud, quand bien même le système a émis beaucoup de subventions (mais cela correspond-t-il toujours à des constructions ?) il n’a manifestement pas su intéresser le secteur privé, en particulier pour fournir des logements aux plus pauvres (cf. équité). Par ailleurs, la faible qualité des logements (Guillaume parle de sous-township…) ne leur a pas permis d’acquérir une valeur immobilière et un intérêt pour une introduction sur un marché global du logement.
L’efficacité du modèle proposé par l’ACDIS ne peut être mesuré par la quantité de logements construits, puisqu’il est ici explicitement fait le choix de la valorisation des habitats existants, plutôt que de la création ex-nihilo de nouveaux. Toutefois, l’ampleur des programmes de l’ACDIS, avec l’amélioration des logements de plus de 400 000 familles (Stein, p50) en fait un programme qui dépasse le cadre des projets pilotes habituellement dévolu à ces démarches de type self help. Il convient néanmoins de remarquer que ces programmes n’offrent pas de logement pour la décohabitation et pour éviter ainsi la surpopulation dans les habitats. De plus, il ne permet pas aux logements d’acquérir une véritable valeur immobilière dans les marchés formels, du fait de l’hostilité de ses concepteurs pour de tels mécanismes (de formalisation des habitats informels) qui apparaissent risqués, complexes et non nécessaires (Stein, p60). Aussi, un tel programme ne contribue pas à améliorer l’implication des banques, des promoteurs et des constructeurs formels et à les rendre plus concurrentiels pour les populations défavorisées, mais contribue à accentuer la césure entre le formel et l’informel.

Notre avant dernier critère concerne la durabilité des politiques mises en œuvre. Nous passerons ici sur la durabilité des financements (qui est disponible dans la version longue) pour nous concentrer sur celle des aménagements urbains, au regard de l’environnement et de l’équilibre social des cas étudiés.
Au Chili, au niveau de l’aménagement du territoire, la dérégulation du marché foncier (associée à l’assouplissement des règlements d’urbanisme) n’a pas eu l’effet escompté par les théoriciens libéraux et a conduit à des comportements spéculatifs qui ont plutôt contribué à l’augmentation des prix fonciers (Renard, p3). Ainsi, les mécanismes du marché foncier ont contraint l’État à construire les logements sociaux en périphérie, où le coût des terrains ne grève pas trop le prix des opérations de logement. Aussi, la localisation des constructions sociales constitue-t-il un biais important de cette politique, surtout eu égard des conditions de transport, qui limitent durement les capacités de travail des populations. Ces limites peuvent être aussi imputables à deux orientations des politiques chiliennes : le privilège accordé aux constructions neuves plutôt qu’aux réhabilitation des stocks de logements (dans le but de doper le secteur de la construction), et la crainte du développement de l’habitat informel si ces derniers devaient être réhabilités. De plus, une politique portée uniquement sur l’accession à la propriété n’a pas permis aux populations d’acquérir une mobilité importante pour s’adapter au marché de l’emploi. Comme au Chili, la non maîtrise du foncier en Colombie, liée à la volonté de dérégulation, et les prix importants qui ont ainsi touché ce marché, a conduit à une importante ségrégation spatiale (et donc sociale) au sein des villes.
Plus inquiétant encore, dans un pays en recherche de construction sociale après une période des plus traumatisantes pour une part très importante de la population, les programmes de logement, en Afrique du Sud, ont entrainé la déstructuration du tissu familial et du capital social. Par ailleurs, si le financement des programmes sud-africains restent suspendus aux bons vouloirs des banques, l’aménagement des quartiers souffrent-elles ainsi grandement des faibles moyens avec la création de « sous-townships » en périphérie lointaine (Guillaume, p148) offrant peu d’accès aux services (mêmes scolaires) et réduisant les opportunités d’emploi (problèmes de transport) (Gilbert, p19). La construction de logements sociaux participe ainsi pleinement à la constitution de structures urbaines étalées (Guillaume, p152).

En Amérique Centrale, d’un point de vue urbanistique, les programmes ne semblent pas être intégrés dans les planifications urbaines des pays. Si leur logique de réhabilitation ne contribue pas à générer de l’étalement urbain, elle ne contribue pas non plus à améliorer la localisation des pauvres ou leur capacité à outrepasser les difficultés liées à cette dernière (par exemple par des actions sur les transports). Les bidonvilles apparaissant généralement en lisière de ville, une telle politique assoie donc l’exclusion des populations défavorisées hors de la ville formelle. La durabilité sociale et environnementale d’une telle politique ne manque donc pas de poser question. Par ailleurs, aucun élément n’est fourni sur la qualité des constructions fournie et sur la vulnérabilité des localisations aux risques naturels (alors même qu’habituellement les bidonvilles prennent place dans des lieux vulnérables).
Pour conclure cette évaluation de la durabilité des politiques mises en œuvre, nous remarquerons Guillaume que dans tous les cas il n’est question que de logement et non d’urbanisme. Ainsi, les politiques ne semblent-elles pas aborder l’intégration des programmes de logements dans des dynamiques d’aménagement du territoire préalablement planifiées, d’autant que les logements locatifs, et la réhabilitation des immeubles formels existants n’entrent pas dans les actions des pays. De telles remarques résonnent avec force dans le Grand Nouméa à l’heure de la construction de quartier comme Dumbéa-sur-Mer, qui ne doivent pas abandonner la qualité de leur aménagement à long terme à des considérations financières à court terme.

Enfin, nous tentons d’évaluer la « bonne gouvernance » des politiques de logement, avec le rôle du gouvernement comme facilitateur du fonctionnement des marchés liés au logement, mais aussi sa capacité à soutenir les actions des différents acteurs (du privé, de la société civile, etc.), à réguler plutôt que produire, à cibler ses programmes en fonction des besoins des populations, à être en contrôle de l’exécution de la politique publique d’habitat sur son territoire. Au Chili et en Colombie, l’implication de la population, où même des municipalités, dans les programmes de logement s’avère déficiente, limitant les initiatives de ces derniers, et pouvant avoir eu un impact sur la faible qualité urbanistique des quartiers de logements sociaux créés. Aussi, en en Colombie et en Afrique du Sud, l’existence de phénomènes de blocages de type NIMBY laisse penser que la population a été peu impliquée et amenée à négociacier par les pouvoirs publics. D’un point de vue général, la non-maîtrise du foncier, du fait notamment de la volonté de dérégulariser, apparaît comme problématique pour le bon contrôle de la politique d’habitat, de même que l’impuissance des Etats face aux réticences des banques privées. A l’opposé, les politiques mises en œuvre en Amérique Centrale ont apporté un soin particulier sur la dimension participative de la gouvernance à toutes les échelles. Ainsi, ces programmes visent à agir par influence sur les gouvernements, mais aussi jouent clairement la carte de l’implication communautaire, avec l’intégration des populations dans l’élaboration sur mesure des aides, et des divers programmes de renforcements des populations (Stein, p63). Toutefois, dans ce modèle, les gouvernements des différents pays sont peu en contrôle des politiques mises en œuvre et semblent même désintéressés (Stein, p48).

S’il est possible de faire des analyses transversales des politiques de logement dans les différents pays, il est délicat d’en tirer des conclusions généralisables (ou, pour utiliser le vocable de la Banque Mondiale, « réplicables »), du fait des contextes propres qui diffèrent grandement d’un pays à l’autre (ne serait-ce que sur le nombre de « bidonvillois » lors de la mise en œuvre de la politique). Si les politiques de logement au Chili ont pu connaître un certain succès, quand bien même elles demeurent grandement perfectible, leur application dans d’autres pays, en particulier en Colombie mais aussi en Afrique du Sud, montrent d’importantes limites, avec des politiques plutôt défaillantes. La démarche de l’ACDIS dans les pays d’Amérique Centrale a ainsi ceci de pertinent qu’elle s’adapte grandement d’un pays à l’autre, non seulement aux populations, mais aussi aux institutions, qui ont leur mécanisme propre. L’originalité de la démarche de l’ACDIS vient justement de son adaptabilité. Mais cette démarche présente l’inconvénient de proposer un modèle qui s’affranchit presque totalement de l’implication des gouvernements, les dédouanant en quelques sortes des résultats des politiques de logement. Par ailleurs, dans un souci de pragmatisme, ce modèle d’Amérique Centrale entretient le parallélisme entre les mondes formels et informels et interroge ainsi sur la construction de la ville à long terme. Aussi en aucun cas il s’agit pour la Province Sud de copier-coller les politiques chiliennes. Mais peut-être y-a-t-il moyen de s’en inspirer pour élaborer une politique de logements calédoniennes originale, qui permette de loger tous les habitants du Grand Nouméa. Il faut cependant garder en tête les résultats décevants de toutes les politiques du point de vue de l’aménagement.
En effet, d’un point de vue urbanistique, l’étude des différentes politiques de logement est pour le moins très préoccupante avec des constructions de quartiers absolument non durables. On peut regretter que peu d’efforts aient été portés sur l’aspect foncier, qui constitue toujours un préalable à un aménagement de qualité (Granelle, p51), et qui aurait permis, comme à Singapour, ou Hong Kong (Jenkins, p283), de maîtriser l’évolution des prix du foncier. De la même manière, le peu d’intérêt porté au secteur locatif surprend alors que la réhabilitation des constructions des centres urbains constitue une nécessité dans de nombreuses villes.
L’aménagement des quartiers populaires et des villes constituent en effet une préoccupation sociale majeure afin de faire fructifier les atouts des populations vulnérables. Par exemple l’accession à l’emploi sera contrarié par une habitation lointaine et à faible accessibilité, et des logements mal conçus pourraient déstructurer des liens sociaux. A ce titre, les propositions de Muriel Malfar, d’étendre la ville jusqu’à Tontouta pour profiter de terrains moins chers me paraît tout à fait irréaliste. Non seulement un tel raisonnement méconnait les mécanismes spéculatifs mais il constitue un boulet pour les populations défavorisées qui seront handicapées dans leur mobilité (qui coutera alors fort cher). De plus, une telle proposition néglige contraire les préoccupations environnementales de l’agglomération. Aussi, il me semble préférable de privilégier la densification des aires urbanisées du Grand Nouméa, qui disposent de quelques terrains libres qui devront faire l’objet de programmes concertés. Le soin porté à l’aménagement des quartiers populaires apparaît en effet comme fondamental pour permettre aux populations de sortir de leur vulnérabilité, et aux villes de connaître un développement dynamique. A ce titre, le financement des politiques de logement doit-il faire preuve d’une volonté politique des plus affirmées.

François Serve

Bibliographie (sur demande, je peux vous fournir la plupart de ces textes).
Alvayay, J. et al (1997). Housing and Mortgage Market Policies in Chile. Journal of Real Estate Literature. 5. pp 47-55.
Granelle, JJ. (1998). Economie immobilière. Analyses et applications. Paris : Economica . 534p.
Gilbert, A. (2004). Helping the poor through subsidies : lessons from Chile, Colombia and South Africa. Habitat international. 28 (2004). pp13-40.
Guillaume, P. (1998). Politique du logement et politiques urbaines dans la nouvelle Afrique du Sud. Le cas du Devland (Soweto).
Jenkins, P. et al. (2007). Planning and housing in the rapidly urbanising world. London : Routledge. 368p.
Marais, L. & Krige, S. (1999). Post-apartheid housing Policy and initiatives in South Africa. Reflections on the Bloemfontein-Botshabelo-Thaba Nchu Region. Urban Forum. 1999.
Renard, V. (2003). L’improbable convergence des systèmes fonciers : de la difficulté de transférer des outils de politiques foncières d’un pays à un autre. Etudes foncières n°101.
Rojas, E. (1999). The Long Road to Housing Reform. Lessons from Chilean Experience. Inter-American Development Bank.
Stein, A. et al. (2005). Inovative financing for low-income housing improvement : lessons from programmes in Central America. Environment & urbanization. Vol 17n°1. April 2005. pp47-66.


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Servefa 42 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte