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Un rapide aperçu des systèmes d’indemnisation des victimes dans les systèmes juridiques français et américain

Publié le 13 décembre 2009 par Stebz

Certainement parce que j’ai été en fac de droit en France, avant de partir en stage dans un cabinet d’avocats aux États-Unis, la comparaison des deux systèmes légaux m’intéresse énormément. Ne fuyez pas déjà, je ne vais pas donner un cours de droit, seulement me pencher sur cet article, qui aborde, incidemment, un aspect intéressant du système légal américain.

Pour résumer, pendant un mariage qui avait lieu dans les bâtiments appartenant à un vignoble californien, deux mineurs (au sens de la loi californienne) se sont fait servir de l’alcool, en prétendant avoir oublié leur pièce d’identité dans leur voiture. Lors du trajet de retour, après un arrêt de “ravitaillement” en alcool, les deux fêtards ont eu un sérieux accident de voiture, nécessitant qu’ils soient désincarcérés de ce qui restait de leur véhicule.

Le passager a été le plus sévèrement blessé, il restera probablement handicapé à vie. Sa famille a décidé d’introduire une action en justice contre ceux qu’elle estime responsables du drame dont, notamment, contre le propriétaire du vignoble.

Les parties ont transigé, et la juridiction compétente a approuvé la transaction, par laquelle le propriétaire du vignoble a accepté de payer une importante somme d’argent, en partie versée par sa compagnie d’assurance, alors même que son propriétaire avait déclaré auparavant que ses employés avaient reçu l’instruction de respecter les règles en vigueur quant à la distribution d’alcool.

Étant un système de Common Law, the système légal américain autorise les dommages et intérêts punitifs. Le but de l’indemnisation n’est donc pas seulement de réparer le préjudice causé à la victime, mais également de punir la personne ayant causé ce préjudice. Alors qu’en France, qui a un système légal romano-germanique, une sanction ne peut être prononcée que si une infraction a été commise. Une juridiction civile n’a pas la compétence, ni la mission, de punir la personne qui a causé le préjudice, cela a été confirmé par la Cour de cassation (Civ. 2e, 9 juillet 1981, Gaz.Pal. 1982.I.109).

Que serait-il arrivé si cet accident avait eu lieu en France?

Dans le système judiciaire français, quand une plainte est déposée parallèlement à l’introduction d’une instance civile, si une infraction a été commise, le plaignant ne peut pas décider de mettre fin à la procédure pénale, même si une transaction intervient avec le responsable. Seul le procureur de la République est compétent pour ce faire. Dans un tel cas, le plaignant pourra présenter sa demande d’indemnisation à un juge civil, si aucun accord n’est intervenu avec le responsable.

Si l’accident était arrivé en France, le propriétaire du vignoble aurait pu être jugé coupable de complicité de conduite en état d’ivresse. C’est arrivé au propriétaire d’un bar qui, en connaissance de cause, a servi de l’alcool à un client en état d’ébriété avancé, qui a ensuite causé un accident de voiture, occasionnant la mort de 3 personnes (TC DIJON, 2 avril 2003). Toutefois, aucun appel n’a été interjeté contre cette décision qui, pour autant que je sache, reste isolée (je suis preneur de toute information contraire, que je publierai ici le cas échéant). C’est pourquoi je pense que le propriétaire du vignoble n’aurait pas été condamné.

Quand un accident de voiture survient en France, la compagnie d’assurance du conducteur indemnise le préjudice de la victime, peu importe que le conducteur ait été en état d’ivresse au moment des faits.

Cette indemnisation est régulée par l’art. L.121-1 c.ass., qui limite le montant de l’indemnisation au total du préjudice subi, déterminé contradictoirement.

C’est seulement après avoir versé l’indemnisation due que la compagnie d’assurance peut se retourner contre le conducteur, ou celui qu’elle considère comme responsable, pour se faire rembourser. C’est ici que j’ouvre le débat, je ne suis pas entièrement affirmatif, mais je pense qu’une compagnie d’assurance qui introduirait une instance civile contre le propriétaire du vignoble se heurterait à plusieurs difficultés juridiques, la principale étant la nécessité de prouver l’existence d’un lien de causalité entre le fait que ses employés aient servi de l’alcool et l’accident.

Les systèmes français et américains apportent donc des solutions opposées quand le problème de la responsabilité de la personne ayant servi de l’alcool à un conducteur, ayant provoqué un accident, leur est posée. Mais plus important est le fait que les deux systèmes sont basés sur deux manières différentes de trancher un litige : l’une est de permettre un arrangement “amiable”, l’autre est de diriger vers le prétoire.

Je vais commencer ma prochaine phrase comme Miss South Carolina, mais j’espère faire un peu mieux qu’elle pour ce qui est d’expliquer mon point de vue.

“I personnaly believe” que le système français offre l’indiscutable avantage de décourager la cupidité : personne ne peut s’enrichir à l’occasion d’un préjudice, c’est le principe, et j’y adhère. Cependant, le système américain est beaucoup plus flexible et permet d’apporter une solution rapide aux litiges sans le besoin d’un juge qui tranche. Cette rapidité et cette flexibilité seraient salutaires en France, où les procès durent extrêmement longtemps. Par ailleurs, introduire une règle similaire au principe indemnitaire aux Etats-Unis permettrait d’éviter des procédures qui ne visent qu’à l’enrichissement du plaignant opportuniste. Ce serait une révolution copernicienne pour la société américaine, qui plus que probablement, n’aura pas lieu dans un futur proche.


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