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Le montage soviétique sur le "silence" de Pie XII fonctionne toujours

Publié le 22 décembre 2009 par Francisrichard @francisrichard
Que n'ai-je pas lu dans la presse romande après l'annonce du décret de Benoît XVI, par lequel sont reconnues "les vertus héroïques" des papes Pie XII et Jean-Paul II (ici) :

"Benoît XVI vient de signer un décret en faveur d'un pape accusé d'être resté silencieux devant la Shoah durant la Seconde Guerre mondiale" Le Temps du 21.12.2009 (ici).

"Benoît XVI réécrit l'histoire" Le Temps du 21.12.2009 (ici).

"Le pape doit aussi faire son devoir de mémoire" Le Matin du 20.12.2009 (ici).

On se croirait revenu au temps, qui n'est au fond pas si lointain que cela, de la désinformation soviétique.

Mais a-t-on jamais seulement cessé de désinformer dans la presse qui tient le haut du pavé et qui est de plus en plus désertée par ses lecteurs, lesquels se rendent compte peu à peu qu'on leur ment sans vergogne, et à longueur de temps. 

Quel que soit le sujet, le "réchauffement climatique", la fumée passive mortelle, Benoît XVI, Pie XII, l'islamisation, les minarets, la démocratie directe, les causes réelles de la crise économique, le secret bancaire, le fossé se creuse entre ceux qui cherchent la vérité et défendent les libertés individuelles et ceux qui, se prenant pour l'élite, la travestissent systématiquement.

Quand certaines attaques proviennent de "nos frères aînés" - pour nous autres catholiques, ils sont des aînés, selon la magnifique expression de Jean-Paul II - cela m'attriste de constater que le montage soviétique sur le "silence" de Pie XII fonctionne  avec eux, alors qu'ils devraient être les derniers à se faire avoir et les premiers à savoir que Pie XII est certainement celui qui a sauvé le plus grand nombre de leurs coreligionnaires pendant la Seconde Guerre mondiale.

Avant cette guerre abominable, Mgr Eugenio Pacelli, qui devait devenir pape sous le nom de Pie XII, est nonce en Allemagne à partir de 1917, puis Secrétaire d'Etat du Vatican à partir de 1929 et le plus proche collaborateur du pape Pie XI, auquel il succède en 1939. 

Le futur Pie XII connaît donc bien l'Allemagne. Il assiste à la naissance du nazisme et prononce, de 1920 à 1935, pas moins de 44 discours, à travers l'Europe, entièrement consacrés à le dénoncer. Extrait de ce qu'il dit de Hitler en 1929 :

"Ou bien je me trompe vraiment beaucoup, ou bien tout cela ne se terminera pas bien. Cet être-là est entièrement possédé de lui-même : tout ce qu'il dit et écrit porte l'empreinte de son égoïsme ; c'est un homme à enjamber des cadavres et à fouler aux pieds tout ce qui est en travers de son chemin - je n'arrive pas à comprendre que tant de gens en Allemagne, même parmi les meilleurs, ne voient pas cela, ou du moins ne tirent aucune leçon de ce qu'il écrit et dit. Qui parmi tous ces gens, a seulement lu ce livre à faire dresser les cheveux sur la tête qu'est Mein Kampf ?" [cité par Andréa Tornielli dans son livre Pie XII, publié aux Editions du Jubilé ici].

C'est la raison pour laquelle le pape Pie XI va demander à Mgr Pacelli d'être le rédacteur de son encyclique adressée aux Allemands, Mit brennender Sorge, qui sera lue, dans 15'000 églises allemandes, le jour des Rameaux de 1937. Que dit cette encyclique (ici en anglais) ? Extrait (ici en français) :

"Quiconque prend la race, ou le peuple, ou l’État, ou la forme de l’État, ou les dépositaires du pouvoir, ou toute autre valeur fondamentale de la communauté humaine - toutes choses qui tiennent dans l’ordre terrestre une place nécessaire et honorable,- quiconque prend ces notions pour les retirer de cette échelle de valeurs, même religieuses, et les divinise par un culte idolâtrique, celui-là renverse et fausse l’ordre des choses créé et ordonné par Dieu : celui-là est loin de la vraie foi en Dieu et d’une conception de la vie répondant à cette foi".
 
Pour la Noël de 1942, devenu Pie XII, le pape "accusé d'être resté silencieux devant la Shoah durant la Seconde Guerre mondiale", dans un message à la radio, évoque :

"les centaines de milliers de personnes qui, sans aucune faute de leur part, et parfois pour le seul fait de leur nationalité et de leur race, ont été vouées à la mort ou à une extermination progressive". [cité par Alexis Brezet dans son article sur La légende noire de Pie XII, publié dans le livre Mythes et polémiques de l'histoire, chez Studyrama ici] 

Personne n'est dupe sur la cible de ce message, même si le pape Pie XII se montre prudent, avec raison. Son texte, lu dans les églises polonaises, en juillet 1942, qui condamne les déportations des juifs, s'est traduit par l'arrestation de tous les catholiques d'origine juive, dont Edith Stein, qui mourra à Auschwitz.

Alexis Brezet ajoute :

"Ce n'est évidemment pas un hasard si parmi les villes occupées, Rome figure en tête de celles qui hébergeront les plus de juifs. De fait, le pape, évêque de la cité sainte, ordonna l'ouverture des couvents aux réfugiés; le Vatican lui-même en accueillit. Sur les 5'715 juifs de Rome, prêts à être déportés, 4'715 trouvèrent refuge dans les institutions catholiques".

Les plus ardents défenseurs de Pie XII sont ... des juifs, tels que Pinchas Lapide, consul d'Israël à Milan pendant la guerre [auteur de Three Popes and the Jews, épuisé], ou le rabbin David Dalin [auteur de Pie XII et les juifs. Le mythe du Pape d'Hitler, publié aux Editions du Jubilé ici]. Il est même un juif, qui s'est rendu célèbre en se convertissant au catholicisme, le grand rabbin de Rome pendant la guerre, Zolli, qui a pris pour nom de baptême Eugenio, le prénom du pape "controversé" pour reprendre l'expression du Temps.

En 1958, après la mort de Pie XII, Golda Meir, alors Ministre des Affaires étrangères dans le gouvernement Ben Gourion, déclare :

"Nous pleurons un grand serviteur de la paix. Pendant les dix ans de la terreur nazie, quand notre peuple a souffert un martyre effroyable, la voix du pape s'est élevée pour condamner les bourreaux et exprimer sa compassion envers les victimes". 

Cinq ans après, la légende noire de Pie XII commence. Une oeuvre de fiction, Le Vicaire, est publiée par un Allemand, Rolf Hochhuth. Elle sera portée à l'écran par Costa-Gravas, sous le titre Amen. Selon cette principale oeuvre à charge contre Pie XII, le pape n'aurait rien fait pour dénoncer les persécutions contre les juifs, il les aurait même encouragées par son silence. Ces allégations, comme on vient de le voir, n'ont aucun fondement. Mais elles vont être répercutées dans le monde entier, avec le succès que l'on sait, grâce à un montage soviétique.

Depuis qu'une longue étude, sous la signature du général Ion Mihai Pacepa, a paru le 25 janvier 2007 dans la National Review (ici), il n'est plus possible d'ignorer qu'une formidable opération de désinformation soviétique a été montée contre la mémoire du pape Pie XII, à laquelle a pris part le général Ivan Agayants, premier chef du Département D - celui de la désinformation - du Premier directorat du KGB - renseignements et opérations à l'étranger.

Le général Pacepa, qui est passé à l'Ouest en juillet 1978, était le numéro un de la DIE - les services extérieurs de la Securitate roumaine. Il a subtilisé des documents d'archives du Vatican et les a remis au général Agayants. Ce dernier, quand ils se rencontrent, le félicite pour ce vol qui va être très utile pour l'opération de dénigrement contre Pie XII qu'est en train de monter le général Aleksandr Sakharovsky, grand patron du Premier directorat du KGB.

La pièce de Rolf Hochhuth va être réécrite par le metteur en scène, le camarade Erwin Piscator, qui saura "augmenter le caractère détestable de Pie XII". A l'édition originale sera annexée une documentation inspirée des documents subtilisés par les Roumains et "organisée" par les techniciens du Département D, histoire de donner une crédibilité à une oeuvre qui n'en a pas, mais qui, pour commencer, "sera jouée dans toutes les villes du bloc de l'Est disposant d'un théâtre", avant d'être louée servilement dans leurs colonnes, leurs sons et leurs images, par les médias que nous voyons toujours à l'oeuvre.

Francis Richard

Nous en sommes au

521e jour de privation de liberté pour Max Göldi et Rachid Hamdani (de droite à gauche), les deux otages suisses en Libye

 

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