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Mères porteuses : ça vient !

Publié le 04 novembre 2007 par Willy



REUTERS

«Libération» révèle que, pour la première fois, un tribunal français a reconnu la qualité de parents de jumelles à un couple qui a pratiqué la gestation pour autrui (GPA) aux Etats-Unis.

Charlotte Rotman - http://www.liberation.fr/ QUOTIDIEN : samedi 3 novembre 2007

On les connaissait sous le nom de Clara et Vincent. Des pseudos censés protéger un couple de Français devenus des cobayes de la justice, des délinquants accusés d’«enlèvements d’enfants» et d’«adoption frauduleuse.» Infertile, le couple a eu recours en 2000 à la gestation pour autrui (GPA). Ils ont choisi la Californie où cette pratique – interdite en France – est tout ce qu’il y a de plus légale et encadrée. «On vivait masqués. Les autorités françaises nous faisaient passer pour des criminels.»Après six ans de poursuites judiciaires, ils remportent enfin une victoire. Fin octobre, la cour d’appel de Paris juge conformes les papiers américains qui désignent Dominique et Sylvie (leur véritable prénom) comme «parents». Et assure que «la non transcription des actes de naissance aurait des conséquences contraires à l’intérêt supérieur des enfants». «Un arrêt clair, magnifique», savoure Nathalie Boudjerada, leur avocate depuis quatre ans.

Brèche. Cette décision dans une «affaire signalée» (suivie de près par la Chancellerie) était très attendue. Lorsqu’il était Garde des sceaux, Pascal Clément avait déclaré que l’inscription à l’état civil des enfants de ce couple «reviendrait à accepter la gestation pour autrui». Il n’avait pas tort. Cette brèche (si elle n’entraîne pas de pourvoi en cassation), va soulager des centaines de parents qui ont fait appel à une gestatrice. Elle est aussi le signe, qu’en une décennie, le recours à ce qu’on appelait une «mère porteuse» n’est plus considéré comme une loufoquerie voire une atrocité. «Au début quand on allait voir des parlementaires, on nous prenait pour des zigotos» se rappelle Sylvie qui court les colloques pour expliquer – souvent en coulisses – les enjeux de la GPA. Aujourd’hui, de nombreux experts (comme le professeur de médecine Israël Nisand ou la psychanalyste Geneviève Delaisi de Parseval) plaident pour la levée de cette interdiction.

Sylvie et Dominique se connaissent depuis plus de douze ans. En 1998, ils découvrent que Sylvie ne pourra pas porter de bébé. «A l’échographie, la gynécologue me dit qu’elle ne voit rien: je n’avais pas d’utérus.» Tous deux se tournent vers la maternité pour autrui. «Cela évite le traumatisme de l’abandon qu’on retrouve dans l’adoption», pense Dominique. Anglophones, ils comprennent en Californie que la surrogacy (GPA) est non seulement autorisée mais «valorisée». A San Diego, ils choisissent une gestatrice, «l’amie», tout comme elle-même les choisit. «Mary [qui est déjà mère, ndlr] est souriante, elle a une passion pour la France et avait été adoptée». Après trois tentatives (à 10 000 dollars la fécondation in vitro), le transfert d’embryon fonctionne. Avec Mary, ils s’épaulent et s’écrivent. Elle est défrayée (250 dollars la semaine). A la deuxième échographie, ils sont donc trois autour de l’écran. «On était tellement bien traités. Il y avait déjà nos noms à nous sur les photos.» Déjà, Sylvie et Dominique sont «les parents» de ces deux petites filles à naître. «Là-bas, ce n’est pas celle qui accouche qui est la mère, mais celle qui a décidé d’avoir un enfant.» Le jour de la naissance, le 25 octobre 2000, c’est Sylvie qui coupe le cordon ombilical. Une heure après, les petites sont dans ses bras. «Là-bas personne ne comprenait pourquoi c’était interdit en France.» Les autorités californiennes leur délivrent un certificat de naissance.

Garde à vue. Les ennuis commencent quand Dominique se rend au consulat pour inscrire les filles sur leurs passeports français. Refus. Dominique aperçoit sur un bureau des dizaines d’actes de naissance empilés. «ça bloquait». Un agent lui glisse : «Les autres couples vont en face.» En face, les autorités fédérales lui délivrent en urgence «et avec le sourire» un passeport américain pour les filles. La famille rentre en région parisienne. Dans les faits, les jumelles n’ont pas d’état civil français. Le consulat n’en reste pas là, le parquet de Nantes est alerté. Gardes à vue. «Ils nous imaginaient avec des valises de billets, ramenant des enfants dont après on ne s’occupait pas.» La police perquisitionne jusque dans les cabinets des médecins que Sylvie a consultés ou sur son lieu de travail. En 2001, ils sont mis en examen pour «entremise entre une personne désireuse d’adopter un enfant et un parent désireux d’abandonner son enfant né ou à naître» et pour «simulation ayant entraîné une atteinte à l’état civil de l’enfant».

En 2004, le juge d’instruction rend un non-lieu sur les poursuites pénales reconnaissant que les faits ont eu lieu «sur le territoire des Etats-Unis, conformément à la législation en vigueur dans ce pays». Un premier pas. Restait le civil. Le parquet a voulu faire annuler la filiation et la transcription sur l’état civil (que soit dit en passant lui-même avait exigé). En première instance le tribunal de Créteil n’avait pas suivi. Ni aujourd’hui, la cour d’appel dont l’arrêt parle de Sylvie et Dominique comme «le père» et «la mère». Après six ans d’acharnement, écrit noir sur blanc dans une décision de justice, c’est le genre de reconnaissance qui console. «L’arrêt renvoi le législateur à ses responsabilités», analyse aussi leur avocate. Sylvie et Dominique ont dit à leurs filles «qu’ils n’avaient plus de souci de papiers». «Maintenant on pense aux autres, aux parents qui ont peur» dit Sylvie. Ils ont commencé à répandre la bonne nouvelle.


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