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136ème semaine de Sarkofrance: le malaise présidentiel

Publié le 16 décembre 2009 par Juan

136ème semaine de Sarkofrance: le malaise présidentiel
Nicolas Sarkozy s'affiche sur tous les fronts: identité nationale, bonus bancaires, Copenhague ou grand emprunt. Mais le malaise demeure, comme un mauvais goût dans la bouche dont on ne parviendrait pas se débarrasser. Point de problème vagal cette fois-ci en Sarkofrance. Les malaises sont ailleurs et diffus. Islam fustigé, fiscalité inéquitable, fausses annonces écologistes, statistiques d'emploi truquées... Le décalage entre les discours et la réalité ne fait plus illusion, même à l'UMP.
Malaise musulman
Le Monarque, aidé par son fidèle Besson, a joué avec le feu. Le débat sur l’identité nationale devient un questionnement de l’Islam en France. Mardi, Nicolas Sarkozy a même signé une tribune écrite par Henri Guaino sur le thème, dans les colonnes du Monde. Le soir même, Eric Besson, « l’homme politique le plus détesté de France » d’après l’hebdomadaire Marianne, clôturait un débat à l’Assemblée Nationale dans un hémicycle complètement vide. Douze parlementaires quelque peu somnolents écoutaient distraitement, vers 21h30, le ministre fustiger « le peu de foi dans la République, le peu de foi dans la démocratie, le peu de foi dans le peuple » de celles et ceux qui ont dénoncé son initiative électoraliste. Même la tribune de Sarkozy-Guaino a suscité peu de louanges au sein du camp UMP. Il faut dire que certains commencent à s’inquiéter d’un regain électoral du Front National en mars prochain. D'autres voix critiques dans la majorité, comme Christine Boutin, Hervé Morin ou Yazig Sabeg, se sont faites entendre pour demander la fin de ce funeste débat; "on joue aux apprentis sorciers" a dit François Barouin.
Dans «son» texte, Sarkozy reprend à son compte les principaux arguments du Front National : l’Islam «bousculerait» l’identité « chrétienne » française, il devrait donc faire preuve d’une « humble discrétion » ; les élites mépriseraient le peuple. Le parallèle avec les propos de Marine Le Pen sur le sujet est saisissant. Eric Besson lui-même semble faire écho, chaque jour davantage, à d’anciens propos de Jean-Marie Le Pen. En visite à Belgrade le 1er décembre dernier, le ministre confiait à un journaliste : « je me sens, dans l’ordre : français, méditerranéen, puis européen. » La « hiérarchie des appartenances », comme le défend Eric Besson, est un sacré concept qui s'apparente à la préférence nationale.
Hasard du calendrier, au moment même où Sarkozy et Besson exhortent des Français absents à débattre de leur identité, le ministre de l’Eductaion Nationale présente son projet de supprimer l’enseignement obligatoire de l’histoire dans les classes terminales scientifiques... Henri Guaino, l'auteur du fameux discours d'identité nationale, a laissé éclater sa rage lors d'une réunion mercredi à l'Elysée, "un clash comme on n'en connaît qu'une fois par an à l'Elysée" a rapporté un témoin.
Malaise boursier
Jeudi, Nicolas Sarkozy a fait semblant de tacler une fois de plus les bonus bancaires. La semaine dernière, il dénonçait la responsabilité « anglo-saxonne » dans la crise qui frappe depuis plus d’un an l’économie mondiale. Ses propos déclenchaient l’ire des banquiers britanniques. Cruel retournement, le président français a été pris de court par le premier ministre britannique sur l’épineuse question des bonus bancaires. Depuis plus d’un an, Nicolas Sarkozy joue de sa grosse voix contre les banquiers et les traders. Mais il ne fait rien, ou si peu. Les paradis fiscaux sont toujours là, ils ont simplement changé d’appellation. Le bouclier fiscal est toujours là, même pour les bonus bancaires et autres revenus de placements. Et les contraintes de prudence imposées aux banques dans leur politique de rémunération des traders sont minimales. Si les banques, sauvées de la disparition des Etats, sont en mesure d'afficher des profits à nouveau record, et donc des bonus pour leurs traders, n'est-ce pas grâce au sauvetage public de l'an passé ?
Jeudi donc, Nicolas Sarkozy s'est rallié à Gordon Brown : les deux ont cosigné une déclaration commune, publiée dans le Wall Street Journal, dans laquelle ils rappellent « qu'un impôt exceptionnel assis sur les primes versées devra être envisagé en priorité parce que les bonus pour 2009 sont en partie le résultat du soutien apporté par les Etats au système bancaire ». Mais rassurez-vous. Il n’y a qu’en Angleterre ont les bonus bancaires seront sur-taxés. Dans sa déclaration co-signée avec son homologue britannique, Nicolas Sarkozy a pris soin de préciser : "Toutefois, il est clair que les mesures à prendre ne peuvent l’être qu’au niveau mondial. Aucun pays n’est tenu, ou en mesure, d'agir seul." Effectivement, c’est très clair. Sarkozy refuse d’engager la France. Libération, sous la plume de Laurent Joffrin, se trompe en louant la décision présidentielle.
Il n'y a pas, à ce jour, de décision.
La clémence, notamment fiscale, de Nicolas Sarkozy envers les plus riches, qu’ils soient rentiers ou traders, est-elle vraiment surprenante ? Lundi soir, Nicolas Sarkozy recevait à dîner à l’hotel Bristol le « premier cercle » des donateurs de l’UMP. Une fois de plus, il leur promis qu’il ne reviendrait jamais sur le bouclier fiscal. Il sait bien, comme eux, que ce dernier profite avant tout aux revenus de placement financier, et non pas à ceux du travail, déjà « protégés » par un taux d’imposition marginal et maximal de 40%. Sarkozy président récolte des fonds pour son parti, en l’absence de toute campagne électorale présidentielle. La confusion des genres est manifeste. Eric Woerth, ministre du Budget, est toujours trésorier de l’UMP. La boucle est bouclée. Le lendemain, en visite dans le Bas-Rhin, le Monarque expliquait, sans rire, que son « devoir, c’est de ne pas penser aux échéances électorales »… Sans rire.
Malaise économique
Contrairement à l’optimisme prudent de ces dernières semaines, les nouvelles du front économique sont finalement mauvaises. L’INSEE a publié de sinistres statistiques sur les destructions d’emplois privés au 3ème trimestre, qui contredisent les premières estimations d’il y a quelques semaines (80.700 emplois détruits). Les chiffres modérés du chômage d'octobre étaient faux... L'INSEE avait oublié de comptabiliser les entreprises de moins de 10 salariés... La crise démarre maintenant. L'inflation, stoppée un temps par la crise, devrait repartir l’an l'an prochain. Les revenus des ménages vont souffrir en parallèle. Certains dispositifs d'aide ponctuelle vont s'éteindre peu à peu. Les entreprises resteront prudentes sur les augmentations salariales. Les prestations sociales augmenteront peu, à cause d'une indexation sur l'inflation de référence, quasi-inexistante en 2009.
2010, année noire ?
A ce sombre tableau, on pourrait ajouter l’état déplorable des comptes publics du pays. Le gouvernement Sarkozy tente de rassurer son auditoire, en distinguant notamment la soit-disante "bonne dette" de la mauvaise. Pourtant, des exemples étrangers, et proches, devraient alerter. La Grèce et l’Irlande inquiètent les marchés financiers. L’an prochain, l’Etat empruntera 212 milliards d’euros. Lundi prochain, Sarkozy ajoutera 35 milliards d’euros à ce déséquilibre, en lançant son grand emprunt. L’évènement mérite d’être signalé : le « chef de l’Etat Français », comme il se décrit maladroitement – la République fut remplacée par l’Etat Français … en juin 1940 – tiendra une conférence de presse, avec une séance de questions et réponses, une formule inusitée par Sarkozy depuis le 8 janvier 2008. Mais attention… « L'Elysée tient, en revanche, à ce que les questions soient circonscrites lundi aux sujets et aux journalistes économiques », rapporte Les Echos. Il ne faudrait pas exagérer...
Malaise écologique
Depuis des mois, le président français a fait de Copenhague le symbole de sa détermination écologiste. Il l'a clamé sur tous les tons, dans tous les pays, à toutes les occasions. Nous y sommes. De Copenhague, on attend deux résultats : des engagements contraignants de réduction de la pollution à effet de serre, et, surtout, un effort financier pour les pays les plus pauvres. Vendredi, un conseil européen devait définir la position européenne pour ce sommet, quelques jours après son démarrage. Et sans surprise, dès vendredi, Nicolas Sarkozy s'auto-délivre une première médaille, lors d'une conférence de presse à Bruxelles : il se félicite que l'Europe soit "en position de leadership pour Copenhague". "l’Europe maintenant parle de la nécessité d’une gouvernance mondiale en matière d’environnement. C’est la première fois dans les textes que ces mots se retrouvent." Pas sûr que les ours polaires soient sensibles à l'argument...
Les 27 Etats membres de l'Union ont décidé de consacrer 7,2 milliards d'euros sur 3 ans. La France, le Royaume-Uni et l'Allemagne financeront en chacun 20%. "Insignifiant !" a répondu le délégué soudanais du G77, qui représente 130 pays en développement."C'est non seulement insignifiant mais cela nourrit en réalité encore plus la défiance sur les intentions des leaders de l'Union européenne à l'égard du changement climatique". Pour la France, l'effort sera de ... 420 millions d'euros par an. Les mauvaises langues noteront que c'est environ la moitié du coût du bouclier fiscal français.
Les 27 ont également proposé que le monde se donne 6 mois de plus, jusqu'au le 30 juin 2010, pour signer un traité contraignant. L'Europe prépare-t-elle déjà l'échec du sommet ? Les 27 proposent enfin un objectif de 30% de réduction des émissions de gaz à effet de serre d'ici 2020, mais "sous conditions." Quelles conditions ? demande un journaliste. Sarkozy répond: "La position de l’Europe c’est 30%, mais la conditionnalité reste la même : que les autres fassent des efforts comparables. (...) On ne va pas être les seuls à faire cela."
En matière de bonus comme d’écologie, la position française est de crier au loup, mais d’attendre un consensus mondial, ou européen, avant d’avancer.
Ami sarkozyste, où es-tu ?


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