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Banderille n°325 : We wish you a merry businessmas !

Publié le 26 décembre 2009 par Toreador

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Par Toréador | décembre 26, 2009

La cuisine des Mercenaires

Les médias sont comme des mercenaires : ils travaillent pour le plus offrant, sans se préoccuper du sens moral de leurs actions. On filme sans émotion, et sans jugement de valeur. Le traitement de la fête de Noël est sur ce point assez éclairant. Sur le plateau de travail horizontal du boucher de 13h ou 20h, les ingrédients médiatiques sont présentés avec la même et égale bienveillance – la même neutralité affective qu’on pourrait avoir pour un poireau ou un oignon.

Cette année, l’oignon, ce fut la chute du pape le soir de Noël. Je suis tombé par terre, c’est la faute à Voltaire. Friands de bons gros oignons qui font pleurer, les médias l’ont souvent présenté en une.

Leur analyse – qui aurait pu inclure le rapprochement avec l’agression dont a été victime Berlusconi par un autre déséquilibré il y a à peine quinze jours – a cependant été réduite à sa plus simple expression. Si le pape avait été blessé, là oui cela aurait vraiment un gros gros oignon, mais là rien de plus à dire. Surtout ne réfléchissons pas non plus au problème de l’impossibilité d’assurer la sécurité à risque zéro dans des sociétés ouvertes et mobiles.

Après les ingrédients rituels d’usage – la messe de Minuit à Bethleem, la naissance insolite, le miracle de Noël, le Noël des pauvres – on en est venu au poireau : la revente sur internet de leurs cadeaux par les petits bourgeois privilégiés. Là aussi, ce fut présenté à plat, et même suivant les chaînes comme si c’était banal, normal, voire moderne. Donc cool

Plaisir autarcique

Si on fait marcher son bon sens paysan, il faut être sacrément une fin de race pour revendre un cadeau de Noël sur internet. Un cadeau, ce n’est pas seulement un transfert monétaire : cela devrait être un signifiant. Un symbole d’amitié ou d’amour, de lien familial, la manifestation concrète d’une pensée aimante, à tout le moins un lien social. Pour un anthropologue comme Gérald Berthoud, « La période de Noël, qui est très chargée cérémoniellement, possède une certaine intensité rituelle. Même si nous vivons fondamentalement dans une société marchande, il y a dans cet échange de cadeaux quelque chose qui est de l’ordre du don et qui est universel dans son principe: ils créent, maintiennent et consolident des liens; ils constituent en quelque sorte une matrice du social. »

La marchandisation corruptrice de tous les rapports humains en est arrivée à ce point de désincarnation ultime qu’après avoir réussi à transformer une fête religieuse familiale en fête de la société de consommation, autour d’un Père Noël irréel mais si sympathique, elle atteint un second stade : celui où on fait du business dérivé du premier business. Un peu comme sur les marchés financiers, finalement.

Revendre un cadeau, c’est mépriser celui qui l’a offert. Si, encore, il s’agissait d’échanger un cadeau contre un autre… Mais je revois ce petit con sur France 3 qui revend son pull over pour se faire de l’argent. Dans 15 ans ou 20 ans, qu’est-ce qui aura plus de valeur ? Le pull over moche de Mamie – désormais 6 pieds sous terre – ou bien les 25 euros qu’il aura récoltés grâce à E-Bay ?

Les médias lui ont offert son heure de gloire, ce qui vaut citation à l’ordre national du mérite : il refera la même chose l’année prochaine, imité par des centaines de moutons décervelés qui bêleront que c’est cool. En attendant le stade ultime, négation absolue de ce que échanger des cadeaux signifie : celui où l’on revendra en stock tous ses cadeaux pour se racheter ce qu’on veut ?

Contrairement aux optimistes, je pense que la marchandisation de Noël ne veut pas dire sa sécularisation, mais le détricotage du lien socialCivilisation d’autistes au plaisir auto-centré. Un peuple d’onanistes ou de petits branleurs.

Tags: lien social, Noël, sociologie, valeur de l'échange

Sujets: Banderille, Toréador critique littéraire et médiatique | No Comments »

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