C’était au début des années 90. Je lisais Fluide Glacial, où l’on trouvait alors Maëster, Coyote, Edika, Tronchet, Lelong et Binet, mais aussi l’Encyclopédie des bébés ou le piano-bar de Johnny Staccato. Il y a longtemps que je n’ai plus eu un Fluide entre les mains, mais il y avait à l’époque un truc fascinant qui s’appelait « les marges de Fluide » : dans les marges des différentes rubriques du magazine, les auteurs griffonnaient des petits dessins absurdes, des strips de quelques cases, des aphorismes égrillards, des plaisanteries sur la soirée de bouclage du numéro etc. Tout ça donnait une agréable impression de bricolage et de folle complicité. J’ai appris par la suite, au hasard des interviews et des blogs d’auteur, que l’exercice des marges était imposé, et que cette complicité était largement factice, mais c’est une autre histoire.
Toujours est-il qu’un grand classique des marges de Fluide, c’était la « Pub Copinage ». Dans un coin de page, les auteurs pouvaient mettre en avant le bouquin ou le disque d’un pote. Le blog de Babelio n’a pas de marges. J’ai bien tenté de coller ce billet dans une colonne, mais au vu du résultat, il faudra se contenter d’une publication classique pour cette première « Pub Copinage ».
Parlons donc de Wikiroman.fr.
Wikiroman a été créé en janvier 2008 par Alexandre. Il s’agit d’un projet de roman collectif en ligne, libre et gratuit, écrit par les internautes, qui utilise depuis décembre 2008 la plateforme Mediawiki, que l’on retrouve derrière Wikipedia.
Publiquement, Alexandre tient un discours d’une humilité suspecte sur Wikiroman :
« Mon but n’est pas de faire écrire aux internautes le prochain Prix Goncourt : j’ai tout-à-fait conscience des limitations du site d’un point de vue purement “littéraire” : pas de plan pour le récit, des auteurs hétéroclites (et donc des styles hétéroclites), des contributions inégales, etc.
Le but est plutôt de créer une communauté d’internautes-écrivains (et amateurs de lecture via le forum) qui se fait plaisir en participant au projet. En plus de cela, il y a également une sorte de pari sur l’objet littéraire non identifié qui pourrait découler de tout ça… »
Tout indique que le projet cache en réalité une exploitation habile du paradoxe du singe savant énoncé par le probabiliste Emile Borel : un singe immortel tapant au hasard sur le clavier d’une machine à écrire finira par rédiger l’ensemble des livres de la Bibliothèque Nationale de France.
L’ensemble des livres de la BNF, mais surtout une infinité de best-sellers aux droits d’auteur juteux, pour le plus grand bénéfice d’Alexandre. Un dessein maléfique qui semble directement inspiré de celui du Docteur T, qui séquestrait 500 jeunes garçons pour jouer de son immense piano à 5000 touches, dans « The 5000 fingers of Dr. T », une comédie musicale de 1953 tirée d’un livre du Dr Seuss.
A vos risques et périls, Babelio vous encourage donc à jeter un œil à Wikiroman.fr et à rejoindre les 5000 doigts du Dr A.