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Béatrice Fortage, psychothérapeute : « la déprime, un mal nécessaire »

Publié le 29 décembre 2009 par Lmanagement

Photo_originale
Psychothérapeute depuis une trentaine d’année
auteur du livre « La déprime, pourquoi pas ? », Editions Edifree, août 2009

Sa devise : «Apprendre à s’aimer et s’accepter comme on est ».

59 ans, Mariée, 2 enfants et 2 petits-enfants

Béatrice Fortage, suite à son expérience du « terrain humain », nous apporte une autre vision de la déprime : « un mal nécessaire pour réfléchir sur soi et prendre un nouvel élan ».

« La déprime, pourquoi pas ? », c’est le titre de votre premier ouvrage. Il fallait oser écrire un tel ouvrage dans le contexte actuel. Pourquoi ce livre ?

C’est le fruit de ma double expérience. Je travaille en cabinet et auprès de deux grandes entreprises.
En tant que psychothérapeute et clinicienne j’exerce depuis plus de 30 ans des consultations axées sur l’accompagnement à la maladie  les conséquences de traumatismes, le vieillissement, les déménagements, divorces, deuil etc, …puis, depuis 1995, j’interviens en entreprise pour accompagner les personnes face au changement (mobilité,…).

J’ai pu constater qu’il y avait beaucoup de mal à être : « une déprime » également présente au travail sous la forme d’une souffrance non-verbalisée. J’ai réalisé qu’il y a avait un décalage dans les réactions :

  • dans mon cabinet, les personnes en thérapie sont actives, elles se prennent en charge et décident d’agir face à la souffrance
  • en entreprise, les personnes subissent sans toujours oser se poser de questions. Ceci  entraînant : tristesse, morosité, conduites addictives, refuge dans la nourriture ou les médicaments (prise d’anxiolytique comme si c’était un médicament contre un simple mal à la tête !), perturbations du sommeil,…

Or, il est important de dissocier « la dépression » et « la déprime » : la dépression est une maladie qui nécessite souvent une hospitalisation avec prise de médicaments, alors que la déprime est simplement un mal-être passager qu’il faut accepter.

A travers ce titre, « la déprime, pourquoi pas ? », j’ai souhaité aborder la déprime avec un autre point de vue : quand on ne va pas bien c’est aussi bon signe car cela signifie que quelque chose change et nous devons nous y adapter.
Même des évènements heureux peuvent provoquer des déprimes !

Le changement n’est pas un drame, il faut l’accepter et ne pas être dans la fixité ou l’idéalisation du passé, devenir acteur de sa vie et arrêter de se voir en tant que victime du changement.
La déprime devient alors normale, c’est un passage qui permet de « se poser », de réfléchir pour mieux repartir sur de nouvelles bases.

Avec les nombreux suicides en entreprise, le mal-être au travail est aujourd’hui une thématique d’actualité, comment expliquez cela ?
Pourquoi les femmes sont plus touchées que les hommes par ce mal-être ?

Aujourd’hui en France, le suicide est la 4ème cause de mortalité. Ce passage à l’acte est dans la plupart du temps liée au stress professionnel, au climat de l’entreprise, en tous cas il sera facteur déclenchant.
Le mal-être au travail s’est renforcé considérablement ces dernières années. En étant dans une société de performance et d’apparence, l’entreprise devient, elle aussi, plus exigeante :

  • société de performance : les salariés subissent l’urgence de performance et la forte pression hiérarchique. Il faut être toujours dans la perfection.
  • société d’image : être dans la norme, dans la bonne représentativité du groupe au sein de l’entreprise

L’entreprise doit aujourd’hui accepter la mixité, les différences entre les personnes sans imposer une normalisation ou des stéréotypes.
Les suicides, qui s’avèrent nombreux dans tous les types de population, sont dûs au stress, à la déprime et à la prise de médicaments qui ne règlent rien. Il faut parvenir à comprendre ses émotions et les réhabiliter en fonction des moments que l’on vit.

Par ailleurs, les femmes sont plus touchées par ce mal-être car elles sont plus sur le « faire », « toujours être dans l’utile et la perfection » et moins sur l’  « être », « je me fais plaisir, je pense à moi », qui leur envoie un sentiment de culpabilité.
Or, il faut au contraire, accepter d’être différent de l’autre et prendre soin de soi : apprendre à « être ».

Vous dites dans votre livre, que le « vrai chef est celui qui sait perdre du temps et écouter », dans un monde où on court à la performance, est-ce possible ? Quelles sont les valeurs des « bons managers » ?

Dans beaucoup d’entreprises, on voit de nombreux petits chefs qui « s’agitent » pour avoir l’air efficace.
Le « bon manager » est celui qui a une « bonne intelligence émotionnelle », c’est-à-dire un bon relationnel, ce qui aujourd’hui est plus important que le « QI-Quotient Intellectuel ».

Aujourd’hui, dès la scolarité, les enfants sont élevés sur leur QI. On leur demande d’être performant et on délaisse les autres formes d’intelligence, la créativité, le corporel, la musique,….Ce n’est pas reconnu par la société. Leur différence de ne pas être dans la norme sera alors perçue comme une non performance entraînant un sentiment de mal-être.

En entreprise, le bon manager se positionne en tant qu’humain : il sait « perdre du temps », être en relation avec les autres, écouter sans jugement de valeur. Il travaille sur l’émotionnel et dans le respect de « l’autre ».

Affiche A3_V1 Livre
2 extraits du livre  » La déprime, pourquoi pas ? :

  • « Vive la déprime ! Vive les passages à vide ! Les remises en questions, les souffrances, nous obligent à nous poser. C’est pourquoi quand la pathologie n’est pas trop installée, il ne faut pas se « soigner » par des médicaments, mais avant, se reposer, réfléchir, redistribuer les cartes. »
  • « Dans nombre d’entreprise combien de petits chefs « s’agitent » pour avoir l’air efficace ? Alors qu’en entreprise, le vrai chef est celui qui sait « perdre » du temps, écouter, regarder, c’est impossible dans l’activisme. Apprendre à perdre du temps est indispensable puisque c’est la seule façon de se construire, et de ne ….pas perdre son temps »

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