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Le Yémen, nouvelle base d’Al-Qaida?

Publié le 31 décembre 2009 par Anne-Sophie

Vu dans Le Monde ce matin:

Anwar Al-Awlaki, un religieux yéménite lié à Al-Qaida, serait non seulement derrière l’attentat manqué de la Northwest Airlines du 25/12 mais il aurait aussi été en contact avec le responsable de la tuerie de Fort Hood, explique le WSJ , qui revient sur le parcours et les activités connues de ce leader de l’islamisme radical. C’est également au Yémen que le jeune Nigérian impliqué dans la tentative d’attentat se serait radicalisé, alors qu’il étudiait dans un institut linguistique, ajoute The Guardian . Identifié comme une nouvelle base arrière pour Al-Qaida, le Yémen est un front de plus pour Washington dans la lutte antiterroriste, selon le Times. Le NYT souligne à cette occasion les “capacités croissantes des filiales d’Al-Qaida”, qui remettent en cause le choix du Pakistan comme cible privilégiée dans la “guerre contre la terreur”.

Depuis le 25 décembre dernier, les médias semblent découvrir le Yémen comme un nouveau lieu du terrorisme fondamentaliste. Je me permets d’apporter ma petite pierre à ce débat car… ayant soutenu ma thèse cette année au sujet des politiques économiques américaines de lutte contre le terrorisme transnational (PDF de 46 mégas environ), il s’avère que cet attentat ne revèle rien de bien nouveau pour quiconque suit un peu ces questions.

Le Yémen et le terrorisme transnational perpétré contre les Etats-Unis

En effet, le Yémen est l’un des pays les plus actifs en terme de terrorisme transnational perpétré à l’égard des Etats-Unis. Entre 1999 et 2006, il s’agit même du 8ième pays source de terrorisme transnational contre les Etats-Unis. Pourtant, le Yémen - comme l’Arabie Saoudite (mais pour d’autres raisons), ne fait pas partie de la liste noire des Etats-Unis (Etats Terroristes qui sont soumis au régime des sanctions américaines).

En 2006, les Etats-Unis ont publié la liste des individus emprisonnés sur la base américaine de Guantanamo, à Cuba. Cette liste donne le nom des prisonniers, leur date et lieu de naissance ainsi que leur nationalité. Lorsque j’ai analysé ces données, je me disais que cela permettrait de mieux cerner les priorités des Etats-Unis en termes de lutte contre le terrorisme.

En effet, les Américains ont réuni sur la base de Guantanamo la majorité des individus emprisonnés dans le cadre de la lutte contre le terrorisme menée depuis 2001. En fonction des données disponibles dans la “List of Individuals Detained by the Department of Defense at Guantanamo Bay, Cuba from January 2002 through May 15, 2006″, sur les 759 prisonniers, 29% sont Afghans (ce qui n’est guère surprenant au regard des opérations menées en Afghanistan par les américains après le 11 Septembre). Néanmoins, la liste révèle que 19% d’entre eux sont saoudiens et 14% yéménites. Il y a aussi 9% de Pakistanais, 3% d’Algériens, 3% de Chinois, 2% de Marocains, 2% de Soudanais, 2% de Tunisiens, 2% de Libyens et 2% de Koweitiens. A noter: les iraniens et les palestiniens, dont l’origine est celle qui revient le plus souvent dans les attentats perpétrés à l’encontre des Etats-Unis, ne font pas partie des nationalités les plus représentées dans la prison cubaine.

Pourtant, il est nécessaire d’interpréter ces données avec précaution, car les prisonniers présents à Guantanamo ont été arrêtés lors de l’invasion de l’Afghanistan (en 2002). Or, sous le régime des talibans, l’Afghanistan est un véritable camp d’entraînement pour nombre de terroristes islamistes opposés à Israël et à l’Occident, Etats-Unis en tête. Les combattants arrivent des pays voisins du Moyen Orient, du Pakistan, d’Iran, de Syrie, d’Arabie Saoudite et du Yémen. C’est pourquoi les combattants d’origine Saoudienne et du Yémen sont si présents parmi les individus arrêtés et interrogés sur la base de Guantanamo.

Notons enfin que deux tiers des prisonniers sont alors âgés de 35 ans ou moins, et 50% ont entre 25 et 35 ans. Lorsque l’on relativise ces chiffres par la population de chaque pays représenté à Guantanamo, l’Afghanistan reste en tête, suivi cette fois ci par le Royaume du Bahreïn, l’Arabie Saoudite, le Yémen et le Koweit.

Paradoxes

L’un des paradoxes à l’origine de ma thèse se situe précisément là. Les Etats- Unis, affectés de manière croissante par des attentats perpétrés par des individus originaires de pays tels le Pakistan, la Somalie, l’Arabie Saoudite ou encore le Yémen, ne sanctionnent pas ces pays.

Mes recherches montrent en réalité que les “pays sponsors du terrorisme” (tels que les désignent les Américains) ne sont paradoxalement pas les pays les plus sources de terrorisme contre les Etats-Unis. L’interprétation des politiques répressives américaines ne peut se fonder sur le nombre de sanctions imposées, car celui ci n’est pas relatif au nombre d’attentats perpétrés. La raison? L’Arabie Saoudite, le Yémen et le Pakistan, sources importantes de terrorisme transnational, ont initié des politiques anti-terroristes et collaborent autant que possible avec les Etats-Unis. Ceci ne signifie pourtant pas que des sanctions ne sont pas émises contre les ressortissants de ces nations… ni que la politique de collaboration a des effets négatifs sur le terrorisme.

Qui plus est, le gouvernement du Yémen peine à s’imposer, et le pays est un véritable sanctuaire terroriste depuis plusieurs années. Il en va de même pour la Somalie. A ce sujet, il est intéressant de constater que ces pays, les plus en difficulté (tels le Yémen et la Somalie), reçoivent moins d’aide que la Jordanie, qui en reçoit autant que le Soudan et le Pakistan: le montant de l’assistance économique reçue par la Somalie est 10 fois moins important que celle reçue par le Pakistan, alors que ces deux pays ont des situations comparables au niveau du nombre d’attentats émis à l’encontre des Etats-Unis. Le Yémen reçoit 6 fois moins d’aide américaine que la Jordanie alors que leurs situations sont comparables en termes d’attentats émis. Enfin, le Soudan, pourtant sur la liste des “pays terroristes”, bénéficie de 5 fois plus d’aide des Etats-Unis que le Yémen et la Somalie, pourtant plus gros émetteurs d’attentats.

Ces différences s’expliquent: 1) par l’engagement du gouvernement Jordanien dans la lutte anti- terroriste et 2) par la garantie d’implication apportée par le gouvernement jordanien par rapport aux garanties apportées par les gouvernements, trop instables, de la Somalie et du Yémen, et 3) par le manque d’informations disponibles (du fait du manque d’institutions) sur l’état réel de la menace en Somalie et au Yémen. Retenons donc simplement que les pays politiquement vulnérables ne bénéficient pas de l’aide américaine.

Le gouvernement Yémenite, par son incapacité à gérer ses frontières, son territoire et des documents touristiques, ne fait rien (et ne peut rien faire) pour décourager la présence des terroristes.

Les politiques actuelles de lutte contre le terrorisme transnational menées actuellement par les Etats-Unis ne ciblent pas au mieux les véritables besoins des pays sources de terrorisme: elles sont beaucoup plus développées avec des pays dont la gouvernance et la qualité des régulations sont bien développées…

Il serait peut être temps que les politiques anti-terroristes réfléchissent un peu plus en amont et anticipent mieux les conditions économiques et sociales de certains pays et que l’on fasse un peu plus de préventif.


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