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Réf DT 14: Chloé et les d’jeuns

Publié le 28 octobre 2009 par 1132nd

Chloé version 4 janvier 2008

Chloé version 4 janvier 2008

Ils se disent les « d’jeuns ». Moi, je les appelle la Génération Y, la suite inévitable de la Gen X. Ipods, téléphones portables, Internet, MCM Music, cette génération semble prendre des centimètres au même rythme que les déhanchements de Shakera ou la fréquence de sortie d’albums de Linkin Park. Baignant dans cet excès de consumérisme, la Génération Y n’a connu aucun combat, aucune révolution et se conjugue sans aucune divergence idéologique. Jeunes adultes de demain, pour eux, la vie ressemble actuellement à un clip de R’n’B ou de dancehall.

Loin d’être homogène, cette Génération Y n’a que faire des débats d’actualité ou encore des enjeux politiques. Si nombre d’entre eux préfère un menu médiatique d’outremer servi sur des antennes paraboliques, d’autres n’ont pas ce réflexe, faute de moyens des parents ou d’horizons limités. Ceux-là se nourrissent de la maigre diversité de produits dits ‘culturels’ à Maurice : Bonto Clip sur la MBC, One Generation sur Radio One entre autres. Et au niveau de la presse écrite, une publication se démarque : Week-end Scope.

Défiant la logique du marché de la presse, cette publication hebdomadaire continue et demeure une référence ‘culturelle’ à Maurice parmi une tranche de la population. Elle est particulièrement appréciée par cette tranche de la Génération Y qui n’a pas le regard tourné vers l’extérieur. Servant à ces « d’jeuns » le menu qu’ils demandent, Week-end Scope a toutefois innové en 2008. En intégrant dans leurs pages la rubrique d’une demoiselle : Chloé.

Mélangeant cynisme d’adolescent, regard simpliste des débats de société et humour douteux, cette rubrique prend forme d’une entrée du carnet intime d’une jeune demoiselle à Maurice, qui trouve moyen de relier ses expériences du quotidien à des sujets « d’actualité chaude » dans le jargon journalistique. Pourquoi pas ? Il faut bien les intéresser à ces thèmes, ces « d’jeuns ». Après tout, ils sont les jeunes adultes de demain et les votants de demain. Mais voilà, cette noble cause est entreprise sous le couvert d’un mensonge.

Chloe selon l'imagination de Deven T. en janvier 2008

Chloe selon l'imagination de Deven T. en janvier 2008

Car Chloé n’est que le nom d’une rubrique. Rubrique animé par un journaliste… masculin qui répond au prénom de Khalid. Je ne vais pas débattre ou spéculer sur les discussions éditoriales qui ont mené ce jeune journaliste à se travestir. Il doit avoir ses raisons. Il faut aussi reconnaître les coups de Photoshop de Deven T. qui a su imaginer Chloé en jeune Lolita sortie directement des sitcoms ponctués d’éclats de rire débiles de Disney Channel. Mais voilà. A mesure que les enjeux changent, Chloé change aussi.

De cette image de jeune adolescente qui fait tourner les regards des garçons à la sortie des collèges à la gare de Rose-Hill, Chloé s’est subitement métamorphosée en jeune journaliste de terrain. Un « rebranding » qui n’est sans doute pas étranger au choix et à l’orientation des sujets traités récemment : la politique. Les élections s’approchent après tout, il faut bien éduquer et préparer cette masse de jeunes pousses qui ignorent tout de leur environnement.

Chloé revisited: Octobre 2008

Chloé revisited: Octobre 2008

Le jeune journaliste travesti ‘éditorialement’ dira sans doute que la fin justifie les moyens. Sauf que, de mon point de vue, si le rôle des médias est « to inform, educate and entertain », comme dirait l’anglais, Week-end Scope s’est lourdement trompé dans la partie « éduquer » en créant la rubrique Chloé. Car sous ses allures de « opinion maker » des « d’jeuns », Chloé ne reflète finalement que les opinions de l’auteur. Et elle n’arrive à expliquer uniquement ce que l’auteur arrive à comprendre. Pire, elle n’arrive qu’à expliquer ce que ces jeunes arrivent à comprendre.

Il n’est pas étonnant dès lors de voir des réponses comme « ‘son con c keufs a konfond rasta é pié mass ». Si Week-end Scope doit innover pour maintenir son assise parmi sa clientèle vieillissante, en ciblant de nouveaux clients que la publication pense accompagner hors de l’adolescence jusqu’à la vie d’adulte, je pense que les politiques mauriciens ont mieux compris cette jeune génération. La réponse : distribution de lecteurs MP3 et téléphones portables, soit cocottes minutes (tempo) mises à jour version Génération Y.

La malléabilité électorale de ces jeunes d’aujourd’hui et électeurs de demain ne tient qu’à ça. Peu importe les humeurs de Chloé.


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