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Rosarno vitrine du malaise de l’Europe face à l’immigration

Publié le 12 janvier 2010 par Hmoreigne

Le calme est revenu mais les traumatismes seront longs à s’effacer dans les mémoires. Jeudi 7 janvier, des affrontements violents ont opposé des ouvriers agricoles immigrés, pour la plupart employés de manière illégale, à la population locale de la petite ville de Rosarno (Italie) où la récolte des agrumes attire chaque année des milliers d’immigrés. La manifestation a dégénéré en affrontements violents avec la police, suivis d’une chasse à l’étranger par la population locale. Signe du malaise moral qui touche l’Italie du sud et au-delà toute l’Europe, le Saint-Siège s’est déclaré préoccupé et affligé par les événements qui se sont déroulés en Calabre. Benoît XVI a rappelé dimanche qu’un “immigré est un être humain, différent de par sa provenance, sa culture et (ses) traditions mais c’est une personne à respecter et qui a des droits et des devoirs“.

Outre le Vatican, le Haut commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR) et le principal syndicat italien, la Cgil, ont dénoncé les conditions inhumaines dans lesquelles vivent ces ouvriers (cabanes insalubres, sans eau, sans hygiène) mais aussi, l’emprise de la mafia sur une main d’œuvre à bas coût, payée autour de 25 euros par jour pour 14 heures de travail. L’Union Européenne n’a émis pour sa part aucun commentaire officiel.

Poussés par l’exploitation, les vexations, les provocations, et des conditions d’habitat et d’hygiène terribles des centaines d’immigrés africains, ont jeudi soir, dans une véritable émeute, bloqué et saccagé une partie de la petite ville de Rosarno. Les affrontements avec la police ont été  très violents. Le bilan définitif est de 67 blessés (31 étrangers, 19 policiers et 17 habitants italiens).

Tout débute jeudi après midi quand des inconnus tirent avec une arme à air comprimé sur deux Africains, les blessant légèrement, devant les bidonvilles qui leur servent de baraquements. Apprenant les faits des centaines d’ouvriers agricoles de retour des champs décident alors de se rassembler pour bloquer les routes d’accès à Rosarno puis de se rendre en expédition punitive en centre-ville armés notamment de barres de fer et de bâtons. La situation dégénère très vite par des vitrines brisées, des voitures détruites, des bennes à ordures incendiées. Pour mettre un terme à ces exactions, la police, sans ménagement, charge dans la soirée.

Loin de calmer l’agitation, la violence des affrontements fait monter le niveau de tension. Vendredi matin des centaines d’immigrés affluent de toute la région. Alors que Rosarno se mue en ville morte avec la fermeture des écoles et des commerces, une partie des habitants se regroupe pour riposter et décréte une chasse à l’étranger.

Des barrages sont dressés dans les rues. Les immigrés qui se font attraper passent un mauvais quart d’heure, condamnés à un tabassage en règle. Des fusils sont même de sortie. Heureusement les coups de feu sont donnés en l’air et la police parvient à éviter des drames. Ce n’est qu’après une rencontre entre une délégation de travailleurs africains et le commissaire qui assure l’administration de la ville depuis que le conseil municipal a été dissous pour infiltrations mafieuses que le calme revient. Une centaine d’habitants occupe alors la mairie pour demander l’expulsion des immigrés.

Lundi matin, Rosarno n’est plus la même. La ville est calme. Et pour cause, les immigrés sont partis, enfuis pour la plupart. Pour effacer toute trace de ce mauvais rêve, dès dimanche, des bulldozers sont entrés en action pour faire place nette. Tout un symbole.

Pourtant ce même lundi, dans un réflexe républicain, entre 2 et 5000 personnes choisissent à leur tour d’investir les rues mais, silencieusement et pacifiquement pour dénoncer le racisme et accuser les autorités de laxisme dans la gestion de la situation des immigrés, notamment sur les conditions sanitaires.

La question dépasse la seule petite localité italienne. Elle est de savoir si l’UE doit continuer à accepter sur son territoire le recours au “modèle californien” qui consiste çà faire appel pour certains tâches agricoles à une main-d’œuvre immigrée “jetable”, volontairement placée dans des conditions précaires pour mieux l’exploiter.

C’est évidemment l’Europe du Sud qui est principalement concernée : France, Espagne et Italie et dans une moindre mesure en Grèce. La situation est rendue particulière en Italie par l’omniprésence de la mafia (’Ndrangheta), dans le sud de la botte qui s’est emparée de tout le circuit de distribution des agrumes et a fait chuter les prix de revient par une dégradation des conditions d’exploitation.

Avant, nous avions les Roumains, les Polonais, les Bulgares qui travaillaient pour peu d’argent, mais depuis qu’ils font partie de l’Europe, ils préfèrent le nord de l’Italie, où ils gagnent plus pour un travail en règle“, avance un producteur qui évoque également le problème de la mondialisation: “Les mandarines arrivent du monde entier à des prix imbattables, nous ne sommes plus compétitifs“. Un autre qui laisse ses mandariniers à l’abandon depuis trois ans ne cache pas son désarroi :”on risque jusqu’à 25.000 euros d’amende et même la prison si on emploie des ouvriers illégalement mais tu ne trouves pas un Italien pour faire ce boulot“.

La lutte contre la xénophobie ne fera pas l’économie d’une remise à plat de la Politique Agricole Commune.

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