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Les Revenants d'Henrik Ibsen : de la pesanteur du ciel

Par Sijetaisdeboutsurmatete

A La Colline, dans le cadre de la programmation de deux pièces d’Henrik Ibsen (1828-1906) mises en scène par Stéphane Braunschweig (Une maison de poupée et Rosmersholm) était projetée lundi Les Revenants, dans la version de Braunschweig, toujours. Le génial metteur en scène est, accessoirement, le nouveau directeur de la Colline.

Située au Sud-Ouest de la Norvège, Bergen est une des villes les plus pluvieuses du monde. Ibsen ne précise pas si l’action de la pièce se déroule à Bergen –où lui-même a vécu un temps et dont il dirigea le théâtre- mais cette lumière bleue qui inonde la scène, l’entrée de personnages trempés, attifés de chapeaux et de parapluies et cette obsession du soleil qu’ils ont tous, en habitants d’un pays où la seule lumière vive provient des incendies, peuvent rendre l’hypothèse crédible. Oswald Alving, par exemple, qui revient de Paris vivre chez sa mère ne supporte pas ce ciel qui lui tronque jusqu’à la moindre petite ballade. Alors il avale verre sur verre et pourchasse la charmante et coquine Regine, bonne de la maison. Et sa mère le regarde de son regard de mère fatigué, malade de voir le fils unique ainsi, mais, malgré tout, attendri… Elle a tout sacrifié pour protéger d'un père indigne cet artiste qui se ronge sous la pluie : sa vie conjuguale, sa réputation et le bonheur de le voir grandir.
Ibsen publie Les Revenants (1881) quinze ans avant que ne naisse le terme "psychanalyse". Son personnage (le principal ?) Hélène Alving tente d’y dénoudre les nœuds familiaux qui l’enserrent depuis son mariage. Certes, ici point de prime enfance ou de sexualité, point, non plus d’inconscient clairement explicité, mais une mise en scène de ce qui pourrait être une thérapie familiale –sans thérapeute- et une excavation toute archéologique pour expliquer le comportement des fils. Très clairement en tous cas, Ibsen s’inscrit dans le débat de l’époque sur la cause de la syphilis : cette maladie est-elle ou non transmise par le père ? ou encore : le vice est-il héréditaire ?
Avec Les Revenants, Ibsen voulait aussi répondre au scandale provoqué par Une maison de poupée, revenir, justement, sur l'idée, libérale pour l'époque, qu'il avait du mariage. Dans la première pièce, Nora abandonnait mari et enfants pour vivre en femme indépendante. Dans la seconde, Mme Alving n’a pas succombé à la tentation. Sur les conseils du pasteur Manders, elle est restée dans son foyer… mais à quel prix…? Devoir ou bonheur, comment arbitrer, voici le débat, lui en l’occurrence toujours actuel, qui traverse cette pièce nordique.
L’on se souvient de Père, d’August Strindberg (1849-1912), le suédois contemporain d’Ibsen chez qui l’on retrouve ces questionnements sur l’hérédité, l’équilibre familial ou la place du père. Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle...

NB : Les pièces d'Ibsen actuellement jouées à La Colline sont diffusées sur arte live web un mois durant (depuis le 10 janvier 2010).


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