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L’Italie de la censure montrera-t-elle le chemin à la France ?

Publié le 18 janvier 2010 par H16

Pendant qu’en France, la politique reste le curseur décidément coincé sur de tristes peillonades sans intérêt, le monde continue de tourner. Bien sûr, il y a Haïti et la gestion toute en diplomatie feutrée des problèmes d’engorgement à l’aéroport de Port-Au-Prince ; avec Joyandet ou Kouchner aux commandes, on ne pouvait pas vraiment s’attendre à mieux. Et plus proche de nous, c’est en Italie qu’on en apprend de vertes et de pas mûres…

C’est grâce à Rubin Sfadj que j’ai découvert la consternante nouvelle : l’Italie veut prochainement soumettre à une autorisation préalable toutes les publications de vidéos sur internet.

Oui. Vous avez bien lu : toutes.

Et non, Rubin n’a pas fumé. Cette triste information est confirmée, par exemple ici, ou là.

En substance, le gouvernement de Berlusconi veut imposer à tous ceux qui veulent uploader une vidéo, sur Youtube ou autre, d’obtenir une licence similaire à celle nécessaire aux entreprises de télévision pour émettre.

Sans même s’attarder sur la difficulté technique de la mise en place d’une telle mesure, Rubin note d’ores et déjà que cette nouvelle réglementation, si elle voit le jour, comporte deux éléments assez graves sur le plan démocratique :

  • il s’agit, ni plus ni moins, d’une attaque en règle contre la liberté d’expression. Il n’est pas difficile d’imaginer qu’au début, une telle règlementation puisse s’adresser aux vidéos, puis s’étende progressivement aux chaînes d’information en ligne, puis, enfin, aux blogs et aux forums. Délicieux, non ? Pour le coup, parler ici de fascisme ne me semble pas trop fort.
  • le gouvernement veut utiliser le procédé du décret plutôt que celui de la loi, histoire d’éviter les pénibles discussions en assemblée législative, qui promettent, devant un tel projet, d’être particulièrement houleuses. Là encore, c’est à la fois très Petit Bras dans la méthode, et particulièrement odieux dans le résultat puisqu’il sabote ni plus ni moins l’idée que le peuple pourrait avoir son mot à dire dans telle opération.

A ces deux points essentiels, j’ajouterai un troisième qui ne me paraît pas moins important.

Pour justifier la mise en place d’un tel décret, le gouvernement italien a utilisé l’argument maintes fois pratiqué du « C’est pas moi, c’est l’Europe » (ou sa variante « Bruxelles veut que »).

L’Italie de la censure montrera-t-elle le chemin à la France ?

Ici, cela se niche dans la transposition de la directive « Télévision Sans Frontières ».

Comme je sais que vous aimez lire des textes légaux rédigés par les petites mains bruxelloises, je vous fournis le texte de la directive ici. En quelques minutes de lecture, vous pourrez constater qu’il n’y est nullement mention d’obliger qui que se soit à s’enregistrer pour déposer des vidéos sur l’interweb.

Eh oui : Berlu se la joue menteur et, pour faire passer ses sombres desseins, utilise sans vergogne l’argumentum ad bruxellum, déjà utilisé avec succès par d’autres avant lui.

On se souviendra par exemple des interprétations particulièrement larges et parfois fantaisistes de certains politiciens concernant la fameuse directive Services & Marché Intérieur, dite Bolkenstein (qu’on pourra découvrir in extenso ici). Détail amusant, elle est normalement entrée en vigueur dans tous les états membres depuis le début de l’année.

Ce qui me gêne tout particulièrement dans la démarche de Berlu, et des autres politiciens, en général, lorsqu’ils utilisent l’argument ad bruxellum, c’est le manque pathétique de courage : non seulement ils se défaussent sur une institution, par définition, toujours au-delà de leur portée, mais en plus ils n’ont pas même l’intelligence de comprendre que cette méthode dévalorise à la fois l’institution européenne en général, et le travail des politiciens en particuliers.

A force de semer le mensonge et de se défausser ainsi, qu’espèrent-ils récolter ?

En effet, qui a voté ces directives, si ce n’est ces clowns qu’on paye fort cher pour les entendre dire ensuite « Ah mais que voulez-vous, moi, j’applique ceci ou cela, parce qu’on m’y a obligé, enfin voyons » ?

Une autre question me taraude aussi.

Combien de temps s’écoulera-t-il avant que cette idée ne traverse l’esprit d’un Lefebvre ou d’un Sarkozy ? Rappelons que pour eux, l’interweb est plein de pédophiles nazis … et que les lois à la LOPPSI ou HADOPI montrent ce qu’ils sont déjà capables de faire sans même utiliser l’argument ad bruxellum.

Si ce décret passe en Italie, parions que la France ne sera pas la dernière à appliquer la même méthode.

Pas rassurant.


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