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Haïti, la nouvelle téléréalité, et terrain stratégique international ?

Publié le 20 janvier 2010 par Chezfab

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Depuis plus d’une semaine maintenant, le séisme subi par Haïti fait la une des journaux. Vu l’ampleur du sinistre, le nombre de morts et le choc ressenti par la population (les autorités parlent de peut être 200 000 morts), il n’y a rien d’illogique à cela. Ce qui est plus choquant, c’est le traitement médiatique de cette catastrophe. Le tsunami de décembre 2004 avait déjà fait dans le cynisme, mais là nous touchons le fond (quoique…) avec le drame actuel. Avec une indécence sans bornes, les chaînes de télévision et de radio se pressent à qui aura l’image ou le témoignage le plus choc. Ainsi a-t-on pu voir la course de « qui a le cadavre le plus choquant à montrer », qui a « la femme la plus en pleurs », qui a « l’histoire la plus sordide ». Mais aussi, bien entendu, qui a « son petit miracle ». Autant d’informations sans réelle importance mais qui permettent de jouer sur l’affect. Et l’affect, c’est de l’audience ! D’ailleurs, comme pour le tsunami, point de cadavres d’occidentaux. Le noir pauvre peut être méprisé même dans la mort, exhibé, mais pas le blanc riche voyons ! C’est ainsi, il y a une hiérarchisation des morts… Comme des vivants !

Et le comble revient à ces histoires d’enfants adoptés qu’il faut rapatrier. Alors qu’une population entière se meurt, alors que bien des choses sont à dire sur les modes d’aide apportés, les médias focalisent sur ces « pauvres familles européennes » qui attendaient leurs enfants adoptés là bas. Oui il y a un drame humain, mais l’information est-elle de la même importance que le reste ? Ces enfants sont (heureusement) en vie et pris en charge. Pourquoi les rapatrier en urgence au détriment, par exemple, de blessés graves que nous pourrions soigner en Europe ? Mais l’enfant c’est vendeur, et ça fait de l’audience pour le peuple de France (comme dirait Damien Saez).

Aucune enquête journalistique réelle n’est menée pour expliquer concrètement pourquoi ce séisme a été si meurtrier. Car le problème de fond est avant tout l’extrême pauvreté dans laquelle est plongée la république haïtienne depuis des années. Le fait que les pays occidentaux ont tout fait pour que ce pays ne puisse pas se relever. De la même façon, personne n’explique clairement que les bidonvilles sont le mode de vie (contraint) de la majeure partie de la population. Et que ce sont ces véritables dominos qui se sont effondrés sur les populations. Et qui parlera des chantiers des multinationales du bâtiment sur place ?

Et que dire de l’aide internationale ? Les ONG manquent une fois de plus de coordination, tant la majorité d’entre elles cherchent à tirer la couverture à elles. C’est là aussi une guerre de la communication pour mieux se placer. Triste constat. Je note à titre personnel que les ONG présentes sur place depuis des années (MSF et le Secours Populaire) sont les plus discrètes… Là aussi, il faut choisir qui nous soutenons...

Les nations se font une guerre médiatique sur le terrain. Surtout les USA et la France. C’est à qui enverra le plus d’hommes, qui prendra les positions les plus visibles. C’est ainsi que l’on arrive à voir se poser des militaires américains parachutés sur les pelouses du palais présidentiel haïtien… Triste symbole. Car tout est là, dans le symbole. Pour s’attirer les faveurs de cette région et se positionner en « grand frère ». Une extension d’influence par aide militarisée. L’ONU tente de faire contre poids aux deux en envoyant sur place des renforts, mais ce sera en vain, pour l’influence tout du moins.

D’ailleurs, il est intéressant de noter que si les nations riches avaient dans l’envie réelle d’aider en profondeur Haïti (et pas seulement en secours d’urgence) nous aurions déjà dû entendre trois choses :

  • La suppression de la dette (abyssale) du pays par les pays riches.

  • La mise en place d’un plan de reconstruction autour des énergies dites vertes (même si ce n’est pas la panacée).

  • La prise en charge à grande échelle des migrants potentiels pour un accueil sans condition et définitif au besoin.

Mais non, rien de tout cela n’a été et ne sera proposé, tant l’idée n’est pas de sortir réellement Haïti de son marasme. Il faut bien que la République Dominicaine ait sont lot d’esclaves… (pardon pour le cynisme).

Et nous pouvons déjà nous dire une chose qui fait froid dans le dos : cet évènement est un des premiers de cette ampleur. Mais dans l’avenir, nous savons que des millions (voire milliards) de réfugiés climatiques vont exister. Et ce très rapidement. Quand nous voyons comment est traitée cette catastrophe, nous ne pouvons que nous inquiéter de la déshumanisation qui entoure déjà tout cela, et donc qui entourera les futurs réfugiés. Il est à craindre que l’occident forteresse ne soit le seul horizon que nous offrirons demain…


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