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Interview de Laurent Lavader, la tête dans les étoiles

Par Nounours78

Aujourd’hui je vous présente l’interview de Laurent Lavader qui a exposé au salon de Montier en Der en novembre dernier avec sa série Le Ciel vu de la Terre. Je vous invite a vous rendre sur son site web disponible à l’adresse www.pixheaven.net, et pour les petits curieux, voila le lien de la visite virtuelle de l’exposition, qui est superbe au passage !

  • La visite virtuelle

Maintenant comme d’habitude, place au photographe !


Laurent, peux tu te présenter en quelques lignes ?

Je suis photographe professionnel. Je vis à Quimper, en Bretagne. J’ai 38 ans et encore presque toutes mes dents. De formation scientifique, je suis un spécialiste des phénomènes célestes diurnes et nocturnes. C’est pourquoi j’ai plaisir à tourner mon appareil photo en direction des phénomènes et objets célestes, afin de les documenter et de les partager avec le grand public, notamment par le biais de mon site internet www.pixheaven.net

Interview Laurent Lavader, la tête dans les etoiles

Quel est ton matériel photo ?

J’ai des besoins bien spécifiques liés à ma pratique photo. La nuit, la lumière est rare. J’ai donc l’obligation d’avoir des boîtiers numériques sensibles supportant au moins les 1600 ISO. Quant aux objectifs, j’ai besoin d’optiques lumineuses, dotées d’une ouverture d’au moins 2,8. C’est vraiment le minimum pour les ciels étoilés. Je privilégie les focales fixes, seules optiques capables de délivrer des images correctes à grande ouverture.

J’ai deux boîtiers experts (les pros sont beaucoup trop chers) :

  • Canon 30D défiltré (le filtre anti-infrarouge a été ôté pour laisser passer la lumière provenant des nébuleuses rouges). Maintenant, il me sert uniquement pour les animations vidéo qui montrent le déplacement des étoiles dans le ciel. Il supporte le 1600 ISO, mais pas au-delà.
  • Canon 5D Mark II. Ce boîtier est à l’aise à 3200 ISO et présente un beau bruit non chromatique (un grain gris si vous préférez). Avec ses 21 Mpixels, il occulte le 30D et ses 10 Mpixels… C’est le boîtier avec lequel je fais maintenant toutes mes photos.

J’ai pas mal d’objectifs :

  • Sigma 10 mm f/2,8 EX DC: bon objectif (réservé au capteur APS-C) qui me servait à la réalisation des visites virtuelles (voir http://www.pixheaven.net/animations_qtvr.php) avant que je n’achète le 15 mm f/2,8 (compatible avec capteur Full-frame).
  • Sigma 15 mm f/2,8 EX DG : bon objectif qui me sert presque exclusivement (car pas assez lumineux pour mes critères) aux visites virtuelles sur le 5D Mark II.
  • Canon EF 24 mm f/1,4 L : très bon objectif, si ce n’est un problème de décalage de l’optique qui rend le côté droit flou. Je l’utilise à 2,0 pour gagner en qualité sans trop sacrifier de lumière.
  • Sigma 30 mm f/1,4 EX DC : c’est une de mes optiques préférées. Un excellent piqué au centre dès la pleine ouverture. C’est un véritable puits de lumière ! Cet objectif n’est utilisable qu’avec le 30D (capteur APS-C).
  • Sigma 50 mm f/1,4 EX DG : c’est MON objectif chouchou. Je le ferme à 2,0 sur le 5D Mark II et obtiens des images piquées sur au moins 80 % de la surface du capteur Full-frame. Une tuerie !
  • Sigma 70 mm f/2.8 EX DG Macro : son piqué est très bon mais avec sa « faible » ouverture, je le réserve à la Lune et aux scènes crépusculaires.
  • Sigma 100-300 mm f/4,0 EX DG : bonne optique, mais que je réserve aussi aux scènes crépusculaires et à la Lune du fait de son ouverture très modeste.
  • Sigma 24-70 mm f/2,8 EX DG HSM : le petit dernier de chez Sigma. Très bon pour mes reportages, mais je préfère utiliser mes trois focales fixes (24, 50 et 70 mm) pour mes photos d’étoiles.

C’est tout pour le moment. Maintenant, je reluque du côté du dernier Zeiss 35 mm f/2,0, qui semble exceptionnel, même à pleine ouverture. Mais à 1000 € la bête, je vais attendre un peu… A moins que vous ne connaissiez quelqu’un souhaitant s’en débarrasser…

Interview Laurent Lavader, la tête dans les etoiles

Comment est venue la passion de la photo ?

J’ai commencé à  m’intéresser à la photo par le biais de l’astronomie. J’avais envie d’immortaliser des bouts de ciel, de saisir sur pellicule des choses à peine visibles à l’œil nu ou au télescope. Et lentement, ma passion pour la photo a fini par rejoindre celle que j’ai pour l’astro.

Je constate que tu réalises pas mal de photos d’étoiles, d’astres, c’est ton thème préféré ? et pourquoi ?

Oui, c’est ma passion pour l’astronomie qui transpire au travers de mes photos. J’ai découvert l’astro au collège, en 4ème. Ça ne m’a jamais quitté. Mais ça a évolué. Maintenant, ce qui m’intéresse, ce n’est pas seulement ce qui se trouve au-delà de l’atmosphère, mais le ciel dans sa globalité, de jour comme de nuit. De ce fait, j’aime aussi capturer des arcs-en-ciel, des halos, des couronnes, des mirages, etc.

J’ai rassemblé toutes mes photos dans un livre que j’ai écrit avec mon ami Didier Jamet (webmaster de www.cieldeshommes.com). Cet ouvrage explique ce qu’il est possible de voir dans le ciel à l’aide de ses seuls yeux, pour en comprendre le fonctionnement et être capable d’anticiper ces spectacles. Il a eu un certain succès puisqu’il a reçu le Prix spécial du jury du livre d’astronomie en 2009. Il devrait être traduit en Allemand au printemps 2010.

Une particularité de mon travail est de capturer toujours (ou presque) le ciel avec un avant-plan terrestre, ceci pour donner une échelle de taille et de luminosité. Afin que l’objet ou le phénomène céleste soit moins abstrait et remis dans son contexte.


Interview Laurent Lavader, la tête dans les etoiles

Comment prépares-tu une photo d’astre ? Repérage, Météo etc. ?

Ça dépend de la situation :

  • Si un phénomène particulier est prévu (éclipse, rapprochement planétaire, croissant de Lune, etc.), je regarde dans quelle direction il sera visible. C’est important puisque je cherche toujours à mettre du paysage en avant plan. Par exemple, si quelque chose se passe en direction du sud-est, à une trentaine de degrés de hauteur, je tâche de trouver un élément élevé (un arbre, un phare, un menhir, etc.) situé dans la bonne direction. Il est donc important de bien connaître plusieurs sites potentiels. Je consulte les prévisions météo et d’autres sites (animation satellite, photo satellite à haute définition) pour me faire une idée du ciel au moment du phénomène. Et si ça semble jouable, je veille un peu ou me lève après une très courte nuit.
  • Sinon, c’est parfois le site géographique qui m’amène à sortir. Certains lieux semblent avoir tout le potentiel nécessaire pour réaliser de belles photos. Alors une fois sur place, j’essaie d’exploiter le ciel au maximum pour qu’il magnifie le lieu, ou le contraire ! Une nuit sans Lune ou au contraire éclairée par notre satellite naturel permet de faire des photos d’aspects très différents.

La météo est un paramètre intéressant qui change à chaque sortie. J’ai rarement deux fois le même temps. Parfois, le ciel est très transparent et révèle des milliers d’étoiles, parfois, des nuages de type cumulus viennent donner un peu de relief à mes photos, ou une brume accroche la lumière orangée de la pollution lumineuse. C’est là tout l’intérêt de faire des photos avec du paysage en avant plan : chaque photo est unique !

Pour un débutant dans ce domaine, quel sont les 3 conseils que tu pourrais donner ?

  • Il faut d’abord bien connaître le ciel pour être capable d’anticiper. Un bon photographe animalier connaît ses cibles par cœur. Moi, c’est pareil !
  • Il faut maîtriser son matériel et avoir de bonnes connaissances techniques (traitement d’images). Même si la technique ne fait pas tout, un photographe qui sait quel matériel utiliser et comment traiter au mieux ses photos fera du bien meilleur travail qu’un débutant.
  • Il faut bien connaître sa région géographique. La nuit, il est difficile de se repérer et de voir quelque chose, alors sans repérage préalable, vous risquez de passer à côté d’un très beau point de vue difficile à voir de nuit.

Interview Laurent Lavader, la tête dans les etoiles

Quel post-traitement t’autorises-tu sur tes photos ?

Je suis très tolérant, sauf en ce qui concerne les montages.

Je retouche allégrement la luminosité, mes photos étant globalement sombres à l’origine, malgré mon équipement. Puis je sépare le ciel et le paysage à l’aide de masques de fusion appliqués à des masques de réglage. D’une part, je contraste un peu plus le ciel, et d’autre part, j’éclaircis encore l’avant plan (mais pas trop pour qu’il ne vole pas la vedette au ciel qui est le sujet principal) et le contraste, mais sans toucher aux noirs.

J’aime bien les fonds de ciel bleuté. Alors ma balance des blancs est souvent assez froide (3500 à 3900 K). Et je n’hésite pas à enlever du rouge (la pollution lumineuse) et à ajouter un peu de bleu dans le ciel à l’aide de l’outil courbe de Photoshop.

Sinon, je ne fais pas de montage (voir les photos de « jeux lunaires » qui sont des trompe-l’œil : http://www.pixheaven.net/galerie.php?id=22), sauf si c’est évident, comme par exemple quand j’ajoute le dessin d’une constellation ou les traits qui relient les étoiles. Il m’arrive aussi de faire une sorte de HDR en ajoutant une photo de la Lune bien exposée sur une autre photo prise juste après ayant même cadrage, mais où le paysage est bien exposé (la Lune étant surex).

Au besoin, je n’hésite pas à faire disparaître un détail gênant : fil électrique, poteau, voiture, poubelle, etc.

Mon but est avant tout de retranscrire la perception que j’ai eu lorsque j’observais le champ couvert par mon appareil photo. Mais c’est forcément subjectif, d’autant plus que l’œil a une dynamique bien supérieure à celle du capteur numérique.

Tu as été exposé au festival de Montier en Der avec ta série « Le Ciel vu de la Terre ». Comment prépare-t-on une exposition comme ça ?

Il faut une bonne condition physique ! Non, je plaisante, mais c’est vrai que Montier, c’est 4 jours à fond pendant lesquels j’ai parlé pendant environ 10 heures d’affilée, prenant parfois 10 minutes pour aller me chercher un sandwich et boire une bière (il faut tenir le coup !). Ce n’était pas ma première expo, mais c’était une des plus importantes par la notoriété du festival et le nombre de visiteurs.

J’avais à ma disposition une bonne surface d’exposition : plus de 20 m de grilles ! De quoi prendre mes aises. Alors, j’avais amené une trentaine de tirages d’expo allant du 30×45 cm au 40×120 cm, en passant par le 50×75 cm. Mes photos (tirées sur papier mat pour éviter les reflets) sont contrecollées sur panneau PVC à l’aide d’un film double face (Gudy 802) appliqué sur toute leur surface. Les photos sont donc présentées plein pot, sans bord perdu ni encadrement, au naturel quoi !

J’ai fait une visite virtuelle de l’expo : http://www.laurentlaveder.com/qtvr/091120_9131-52.html

J’avais aussi apporté un moniteur de 24″, un Dell 2408WFP qui jouit d’un excellent angle de vision (très pratique pour le public qui est sur le côté de l’écran). Relié à mon PC portable, j’ai pu montrer des vidéos HD qui tournaient en boucle, des visites virtuelles du ciel nocturne ou ma photo de la Lune en 3D (voir http://www.pixheaven.net/photo.php?nom=0505-0704_0611-0701). Ça a beaucoup plu aux visiteurs qui recommandaient à leurs amis d’aller voir mon exposition. C’est agréable de se savoir aimé!

Financer une telle exposition n’est pas donné. Ça m’a coûté plus de 1000 € (sans compter l’hôtel et les frais de route), mais pour se faire connaître, c’est nécessaire. Disons que c’est mon budget communication. Sinon, on reste chez soit et on est sûr de voir personne et de rester dans l’anonymat toute sa vie ! Je regrette seulement de n’avoir pas eu le temps de visiter les autres expo, étant bloqué dans la mienne. Je pense revenir l’année prochaine en tant que visiteur pour avoir le temps d’en profiter.

Au final, cette expo m’a permis de me faire connaître des gens de Chasseur d’images et de Terre Sauvage, et de rencontrer le staff de Sigma (dont je suis bon client). Il est difficile de « calculer » les retombées, mais participer à des festivals ou des expos m’a toujours permis de me faire de bons contacts. Je suis prêt à y retourner dès que possible. Et puis c’est bien de pouvoir dire qu’on a exposé à Montier. Ça force le respect!

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