Magazine Côté Femmes

"Un parent ne se construit pas en un jour !"

Publié le 21 janvier 2010 par Mamandurable


Odile Anot, rédactrice en chef du magazine des parents chercheurs® L'enfant et la vie. (Lire son portrait) 


Education respectueuse ou non-violente ou sans fessée … qu’est-ce que cela évoque pour vous ? définition…
Cela évoque un cheminement personnel d’emblée car on ne devient pas non violent en une fois ni totalement ni définitivement. Notre histoire personnelle, notre quotidien viennent réveiller les humeurs qui sont en nous... et parfois ce sont de mauvaises humeurs. Disons que c’est un rêve, une utopie à laquelle j’aspire et que je n’atteindrai jamais définitivement... Mais c’est aussi un projet que j’ai fait consciemment mien en 1991 quand je ne savais plus comment agir avec mon fils aîné face à sa rébellion. 
Dans cette même période je découvrais avec l’enfant et la vie tout un monde d’outils me permettant de changer mon mode de relation avec lui. Notamment je découvrais à l’époque Gordon dont ils parlaient largement, puis Aletha Solter aussi, plus tard j’allais à une conférence de Salomé, je découvrais aussi la naissance non violente de Leboyer, à la leche League je fréquentais d’autres parents qui ne voulaient pas du rapport de force avec leur enfant. Car c’était bien de cela qu’il s’agissait. Il refusait de se coucher à l’heure que je pensais bonne pour lui. Il refusait de se coucher dans le lit que je croyais bon pour lui, il refusait, refusait, refusait... Et moi j’insistais, j’insistais, j’insistais, creusant dans ce domaine le fossé entre lui et moi. Heureusement dans d’autres domaines la relation était excellente, joyeuse et câline...  
En tous les cas un jour après maturation, très aidée par cette revue si proche de moi que je lisais le soir dans mon lit et que l’on trouvait partout dans la maison (j’avais emprunté tous les numéros parus, je ne savais pas alors que j’en prendrai la charge en 2000 !) j’ai décidé qu’il n’y aurait plus de fessées de ma part. Et mon mari mûrissait le même souhait. Cela tombait bien. Car nous avions tenté sans y croire... Et sans succès. AU contraire. Nous nous sommes mis à chercher comment faire équipe, comment dialoguer dans la crise. Par contre avons-nous vraiment tout compris de son vécu, j’en doute... Nous avons décidé d’un temps rien qu’avec lui sans petit frère...Cela fut aidant chaque jour, chaque soir. 
Pour moi il existe un art d’être en relation que j’appelle désormais ‘la directivité aimante’ car de fait on ne peut dire oui à tout, on a à faire acte d’autorité... C’est une attitude subtile qui demande de savoir de quoi est fait notre ‘non, c’est non’. Cela demande d’être parfois très spontané, l’autorité s’impose et l’enfant le sent. Cela demande parfois d’être très réservé, de mûrir notre positionnement pour être vraiment clair dans notre ‘non’ et qu’il le sente. Il est bien des domaines où on ne sait pas trop si on doit dire oui ou si on doit dire non. Sortie jusque 23H ou 24H, dormir dans le lit de maman papa ou dans son propre lit, accepter qu’il mange ce qu’il veut  ou qu’il mange ce que je veux, le mettre à la cantine ou ne pas le mettre...
A tout âge, vraiment nous serons confrontés à ce positionnement de notre part. Très sécurisant il leur permet de trouver de quoi se bâtir. Car se heurter à du ‘mou’, du ‘je ne sais pas’ ne permet pas de se trouver. Cela nous perd... Donc l’enfant attend notre positionnement, voire même nos erreurs si nous sommes capables de nous requestionner. Trop sécurisant, il retient l’enfant. Pas assez sécurisant, il angoisse l’enfant... trouver la juste mesure... Et sans cesse évoluer car sans cesse il grandit.
EN fait dans une éducation non violente, c’est la confiance en chacun qui est à la base de la relation. Autrement dit mon enfant sent que c’est bon pour lui et moi je sens que c’est bon pour moi aussi. Ex. Il ne veut pas faire ce stage de théâtre alors que moi je sais qu’il va ‘glander’ devant l’ordinateur... Je ne vais pas le forcer, je vais entendre ce qu’il attend de cette semaine de vacances, ce que cela lui fait de faire ce stage. Je vais lui dire ce que j’attends de cette semaine de vacances, ce que cela me fait de l’imaginer devant l’ordinateur et ce que je crois qu’il va trouver dans ce stage théâtre... S’il y a lieu je vais lui rappeler d’autres occasions où il a finalement apprécié des expériences dans lesquelles nous avons dû insister... Je vais me positionner non pas en parent qui force mais qui sait pour une part ce qui est bon pour lui et ensemble nous allons chercher la bonne mesure à ce projet que j’ai pour lui... Afin de bâtir un projet ajusté à chacun.
Peut-être ce sera qu’il y aille avec un copain qu’il va trouver lui-même pour aider à vivre la dimension de groupe s’il la craint. Peut-être ce sera que j’assure les conduites alors que j’avais en plus prévu qu’il s’y rende seul, peut-etre ce sera lâcher prise complétement parce qu’il a décidé de se mobiliser sur un autre projet qui a de la cohérence, peut-être ce sera de téléphoner ensemble à l’animateur du stage pour entendre clairement le contenu... Peut-être.... Là à chacun d’être à la fois tenace dans ce qu’il veut et ouvert à l’autre... 

J’ai retenu des stages de communication que nous animons en couple pour les couples à PRH une expression que j’aime beaucoup : « nous sommes d’accord pour n’être pas d’accord ». C’est une expérience qui est très, très importante et si l’on peut la vivre enfant, ado, on peut la vivre adulte. Elle n’est pas dramatique au contraire, elle est une chance. EN tant qu’enfant bien sûr il y a des limites à ce désaccord et le parent sera en mesure d’agir contre le gré de l’enfant. Il ne faut pas oublier que l’enfant est d’abord dans la sensibilité, c’est ce qu’il recherche et c’est tout un travail de connaissance de lui-même qui va lui permettre progressivement de conduire sa vie en référence à ce qui est bon pour lui, à sa loi intérieure, passant ainsi du principe de plaisir au principe de réalité. Maria Montessori dit bien qu’il faut à peu près 24 ans pour faire un Homme adulte je crois qu’elle n’a pas tort. Et il en faut parfois encore un peu plus... Donc oui patience et confiance en eux , tisser ce lien là permet d’aller très loin dans la liberté qu’on leur donnera plus grands... tout en gardant une vigilance car il est des heures où nos enfants sont perdus et ont besoin que nous gardions le cap pour eux. 
Maria Montessori dit aussi « les enfants ne font pas ce qu’ils veulent mais veulent ce qu’ils font » en évoquant leurs expériences en école montessori. Cette explication est très éclairante d’une étape où leur volonté les conduit dans leurs projets. A ce moment là c’est gagné, ils sont entrés dans une véritable autonomie qui nous fait tous oublier les fessées et autres procédés de chantage ou de lutte de pouvoir. Car au fond mon souhait n’est pas qu’il fasse à tout prix ce stage théâtre ou qu’il dorme dans son nouveau lit grand format tout juste acheté . Mais qu’il soit heureux et en paix avec lui-même. Et si pour lui c’est très important de dormir tard le matin car il est en pleine adolescence ce sera essentiel pour sa santé et son humeur que je lâche le  stage qui commence à 9H... Et si pour lui c’est très important qu’il niche encore un peu dans le lit familial avant de définitivement dormir dans le grand nouveau lit nouvelle chambre eh bien sa sécurité personnelle n’en sera que plus forte une fois qu’il partira heureux et même soulagé de cet espace parental car il aura à cœur d’avoir son petit chez lui, et d’ailleurs soudain il s’endormira de lui-même dans sa chambre car il y sera si bien...
Est-il facile pour les parents d’aujourd’hui de tendre vers ce type d’éducation ? Quelles sont les difficultés rencontrées? 
Non ce n’est pas facile du tout. Parce que nous sommes marqués bien malgré nous par des principes « il faut faire ainsi pour être bien notés ou pour être bien vus ou pour être en accord avec nos parents qui ont fait ainsi »Et aussi difficile parce que nous faisons comme nous avons vu faire. Nous sommes pétris de notre histoire. La difficulté est donc de prendre du recul par rapport à notre cadre de référence et le questionner. Quel parent j’ai à cœur d’être ? Qu’est-ce que j’aurai aimé recevoir de mes parents dans telle ou telle situation ? Ainsi je prends du recul, ainsi je goute à ce que l’enfant en moi attend encore ? Ainsi je peux être une mère , un père plus au clair quand je pose un acte éducatif. Pas facile du tout parce que beaucoup de solitude guette le parent... Et il faut beaucoup de bienveillance autour de soi, pour exprimer nos raz le bol, notre énérvement vis-à-vis d’eux, nos besoins exacerbés d’avoir du temps pour soi. La société n’est pas construite pour répondre au besoin du petit ou de l’enfant, elle est d’abord construite par et pour des adultes. Et l’enfant y est souvent intégré en tant que consommateur potentiel. Nous parents n’avons pas appris comment se développe un enfant non plus... Nos réseaux familiaux sont souvent éclatés et de plus en plus restreints en nombre, des parents tentent d’exercer la parentalité tout en ne formant pas ou plus un couple... Tout cela vient perturber la mission qui est la nôtre. Et pourtant l’aventure de la parentalité, je crois que c’est la plus importante de ma vie, peut être avec celle de la vie en couple... Je ne savais pas combien ce serait rude, je ne savais pas combien ce serait formateur, je ne savais pas combien ce serait joyeux et fatiguant à la fois...
Un parent ne se construit pas en un jour, ne se fait pas tout seul non plus. S’appuyer sur un réseau extérieur tout autant que sur ses convictions personnelles en matière d’éducation bien mises à jour seront indispensables pour aller au bout du projet. Bien sûr être capable de prendre du recul aussi. Car sinon on repense et on se morfond devant cette phrase assassine et jugeante qu’on vient de lui affliger ! Se rappeler toujours que nos enfants sont plus solides que l’on ne le croit. Se rappeler toujours que tout ne vient pas de problèmes psychologiques ou d’hérédité et que souvent il s’agit de bien dormir, de s’aérer pour que tout rentre dans l’ordre en nous et entre nous... Se rappeler toujours que Paris ne s’est pas fait en un jour et que nos enfants comme nous, quand nous regardons le chemin parcouru il y a vraiment des étapes franchies. Se rappeler que parfois il faut reculer pour mieux sauter, je me souviens de mon fils de 10 ans buvant du coca dans un biberon deux fois l’an, régressant quelques instants librement ! Cette année là il changeait d’école et passait dans un collège immense et inconnu. On peut bien lui permettre cela. Nous –mêmes n’avons-nous pas ce besoin de cocooner avant l’épreuve ou d’humeur exécrable dans les jours qui précèdent un défi qui nous pèse mais incontournable?! Se rappeler qu’on ne sait pas tout d’eux et c’est tant mieux, ils ont leur jardin secret. Nous ne sommes pas tout pour eux, notre relation fusionnelle, notamment en tant que mamans très souvent , va évoluer avec le temps, leur personnalité, notre vie propre et la leur et heureusement. Se rappeler que nous sommes des parents à peu près convenables et que nos limites leur permettent à eux aussi d’avoir des limites... 
Et les enfants eux… quel type de relation attendent-ils finalement de leurs parents ?
Les enfants attendent de nos relations avec eux qu’elles soient vraies, qu’ils y trouvent de l’humain, pas des principes un peu figés mais de la vie, c'est-à-dire de la création, de la recherche, des essais-erreurs, des réussites aussi bien sûr. Ils attendent que nous sachions passer le relais quand c’est trop pour nous, que nous ne leur faisions pas porter ce qui est trop lourd pour eux. Ils attendent d’avoir le droit d’être des enfants, de grandir à leur rythme si possible. Car la vie se charge de peser lourd dans certaines familles et les situations sont parfois très lourdes à gérer...
Les enfants attendent de leur parent qu’ils aient un ‘train d’avance’. Difficile avec l’aîné de famille avec qui l’on découvre tout ou presque.
Ils espèrent un rien de paix intérieure, qu’ils perçoivent chez nous du goût pour notre vie personnelle et professionnelle, du bonheur manifeste à être parent de ces enfants là et pas toujours dans la plainte, le doute, le souci...  C’est ainsi que nous témoignons sans grand mot, sans recettes, sans livres en tous genres...  combien la vie ça vaut le coup d’être vécu...
Ils attendent aussi un rien de solidité personnelle aussi de notre part ainsi ils vérifient que nous traversons les épreuves et qu’eux aussi sauront faire. Ils se sentent ainsi en sécurité parce que nous sommes humains : nous nous fâchons, nous pleurons, nous rions, nous donnons sens à nos actes, nous allons de l’avant, nous avons peur mais nous y allons quand même, nous apprenons de nos erreurs... Ainsi ils peuvent eux aussi aller de l’avant.

Quelles pistes pouvez-vous donner aux parents qui souhaitent cheminer vers une « éducation respectueuse » ?
IL me semble avoir déjà proposé beaucoup de pistes dans la manière d’être et de faire dans les réponses qui précèdent. J’en proposerais une ultime : Vous êtes les mieux placés pour aimer vos enfants et les accompagner vers l’âge de la maturité. Ecoutez votre cœur de père et de mère. Attention pas vos peurs démesurées ou votre sensibilité à vif ou le qu’en dira-t-on qui pointe son nez si facilement. Non plutôt : qu’est-ce qui est bon pour cet enfant là à ce moment là de sa vie, avec ce parent que je suis, dans ce contexte là. IL n’y a qu’une réponse. Elle ne se trouve pas dans les livres, les revues même l’Enfant et la vi, les psys, et autres... Aussi éclairants ou guérissants soient-ils bien sûr... Non. Revenez à cet espace d’amour envers votre enfant, un rien de paix en vous pour sentir ce qu’est une éducation respectueuse dans les petites et les grandes décisions qui font la vie d’un enfant et de ses parents...
De tout cœur avec vous...



Votre conseil-fétiche pour rester zen quand votre enfant fait une bêtise  (en une phrase)?
Un conseil fétiche? Ce n’est pas tellement mon genre de donner des conseils !
Pour ma part quelle que soit la bêtise que mon enfant fait , a faite ou fera, quel que soit l’âge il sait, il sent que je l’accueillerai inconditionnellement. Car qui d’autre qu’une maman, un papa peut répondre quand l’enfant appelle. Peut-être un grand-père ou une grand-mère ?
Une bêtise est un appel à saisir, un appel à changer quelque chose en lui ou en nous à cette occasion.
Grosses ou petites bétises. Respirez, attendez, comprenez, partagez avec quelqu’un qui a du recul, circonscrivez le problème pour qu’il n’aille pas plus loin, balisez. Relativisez aussi si possible et n’oubliez jamais que l’enfant qui a fait une bétise a besoin que vous croyez en lui au-delà de sa bétise. IL n’y est pas réduit. Il a un avenir.  Regardez aussi le positif qui demeure...
L’année perdue en études, le  vase juste offert aussitôt cassé, la violence faite au petit frère qui a failli y perdre un œil ou la tricherie en plein bac blanc... Il faudra traverser soi et avec lui tout ce que cela aura comme remous... Et aller de l’avant... et un jour comprendre et  peut être rire de cela selon la manière dont on aura su le prendre en main et le conduire...
Allez je vous souhaite d’abord du bonheur. Vos enfants sont ‘émerveillants’ pour employer une expression de Mme Rapoport... tout comme vous...

Le site du magazine des parents chercheurs® (qui aura 40 ans cette année!) : www.lenfantetlavie.fr


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