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Une chance sur 285 000

Publié le 24 janvier 2010 par Didier54 @Partages

Une chance sur 285 000Etonnant, ça. Troublant, presque.
Hier soir, avec un peu d'inspiration dans le cornet, j'écrivais l'histoire courte ci-dessous (pour la lire, cliquer sur le titre de cette note).
Et ce matin, en batiffolant sur le net, je tombe sur cette info (cliquer ici).
Pensées affectueuses pour mes amis en recherche.
Bouffer du Lion
Estelle était deux et ne parvenait plus à choisir.
Elle avait cru trancher, ce jour d'octobre. Une bonne fois pour toutes. Elle se croyait alors à bout, elle le lui avait dit, d'ailleurs, comme on expulse de l'air pour mieux respirer. Mais à bout, ce n'est pas au bout. Il y a de la marge, et si elle avait tenu un carnet, elle l'aurait écrit. Elle ne tenait pas de journal.
La pendule tournait bizarre. Lentement et en accéléré à la fois. Deux, elle  aussi. Estelle n'en prenait pas ombrage. Après tout, on a deux mains, deux yeux, deux jambes. Après tout, il y a le jour et la nuit, le sucré et le salé, l'acide et l'amer. Elle pouvait très bien avoir deux vies.  Mais elle n'aurait jamais cru qu'elles pourraient surgir d'une autre, laquelle était issue d'une autre encore, ni qu'elles se chevaucheraient jusqu'à ce confondre parfois.
Longtemps, elle avait cru comme tout le monde qu'on n'avait qu'une seule vie et la sienne d'alors l'étouffait tellement qu'elle avait eu besoin de s'en extraire. Ce fut brusque et impérieux. Forcément viendrait la liberté. Enivrante liberté, dont elle avait dégusté dans un premier temps les succulences. Gourmande. Affamée. Jamais repue. C'était bon.
Tout simplement, elle respirait mieux. Sa peau s'était d'ailleurs détendue, son sourire étincelait, elle se sentait prête, comme rajeunie. Et puis il y avait le projet pour lui tenir lieu de GPS : le divorce. Et avec, les papiers. Les calculs. Les répartitions. Même si c'était allé vite, même si ça s'était gâté avec Daniel puisqu'ils ne se parlaient quasiment plus, même s'il avait fallu se coltiner les regards alentours, pour elle, cela prenait encore trop de temps. Elle avait trouvé un appartement, suffisamment grand pour la semaine où les enfants seraient là, elle brûlait de s'y installer enfin. Ce n'est que plus tard qu'elle sentit que ce même appartement était trop grand pour la semaine où ils n'étaient pas là.
Puis elle avait été aménagé. Un an pile après la crémaillère de la maison, elle fêtait avec des amis son nouveau chez elle. Son chez moi.
Certainsjours, elle aimait ce parfum qui accompagnait le budwig, le thé et le verre de jus de fruit du petit déjeuner. Certains soirs, elle avait une envie irrépressible : se coucher le plus tard possible, et dormir, dormir. Elle sortait. Chassait. Scrutait. Elle la proie d'avant.
Au fil des semaines, son chez moi était devenu leur chez eux et son chez elle un ilot qui flottait entre deux eaux. Deux eaux, deux vies. Celle de la semaine maman. Frigo plein, musiques roots, repas équilibrés, piscine pour se maintenir en forme, nuits normales. Celle de la semaine sans eux. Frigo vide, assiettes sur la table, vie nocturne. Pas les mêmes fringues. Pas la même démarche. Pas la même voix. Boulot ? Ca cahottait, de l'un à l'autre.
Elle riait trop fort  de ne pas trouver homme à son goût, noyant ses larmes sèches dans des aventures sans hier et sans lendemain. Elle cherchait autant dans son passé que dans son futur cet homme-là, mais existait-il ? Elle grimaçai, sinon. De ces  sourires amers faute de le dénicher cet homme, laissant son ventre gargouiller la peur qu'elle n'osait afficher. La peur d'être seule et deux à la fois.
Estelle n'avait pas pensé que ce pût être comme ça. Après le divorce, elle avait tiré des plans sur la comète. Elle rêvait de nouveau et cela lui faisait un bien fou. Elle expérimentait ce qu'elle n'avait pas pu expérimenter à l'époque. Ou pas su. Ou pas osé. Elle se sentait fraîche et forte, encore jeune. Elle avait affronté tous les regards qu'elle avait à affronter. Prête à dévorer enfin la vie. A bouffer du lion.
Maintenant, elle ne sait plus qu'elle est la bonne semaine, qui est la bonne personne. Ses deux moi l'étouffent par moments, la fatiguent à d'autres. La force de sourire s'arrime à l'espoir et à une énergie entretenue. Pour eux. Mais aussi pour elle. Elle n'était pas prête à se faire bouffer par les lions. Car elle ne regrettait rien. Ne regrettait pas. Elle avait plus confiance en la vie qu'en elle et c'était bien là l'essentiel. Un jour, elle serait un. Forcément.

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