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Le danger des certitudes en situations de crise

Publié le 30 janvier 2010 par Christianregouby

Grippe A (H1N1) : des critiques tous azimuts contre le dispositif gouvernemental et les 94 millions de vaccins commandés ferme.

Secours en Haïti : des secouristes français critiquent les amputations trop systématiques pratiquées par les américains.

Quelle relation entre ces deux polémiques ?

Tous les responsables en charge de décider, en situation de crise, se confrontent au moins à deux difficultés. Une opinion publique qui attend de la détermination  dans les actions à mener. Une pression forte dans un contexte de charge émotionnelle et d'incertitude.

Or la réponse des autorités manque souvent de discernement en matière de communication face aux crises. Elles réagissent en pensant que la meilleure façon de rassurer consiste à s'efforcer de convaincre les citoyens que les décisions prises sont les meilleures. Parce que ceux qui les prennent sont les plus compétents pour les prendre.

Le problème est que cette approche discrédite les autorités et nourrit aisément les polémiques. Elles exposent leurs décisions avec certitude sans laisser imaginer qu'elles  puissent se tromper. Et celà, alors même que le contexte est marqué par l'incertitude et la confusion. Les experts les plus éminents sont souvent en dissonance. Les émetteurs de tous horizons se multiplient et s'invitent sur la Toile et à la table médiatique, brouillant les messages et les légitimités qui les portent.

Ainsi, que ce soit dans la polémique sur l'achat en masse des vaccins en France, ou dans celle des amputations à la chaîne des médecins américains en Haïti, ce qui frappe, c'est moins tant la pertinence des actions, qui bien sûr doit être discutée, que la certitude affichée par ceux qui prennent ces décisions.

Il me semble que la crédibilité des autorités gagnerait à faire précéder toute décision d'une pédagogie transparente sur ce qui la fonde. Il s'agit d'expliquer clairement quelles valeurs et quels critères de choix légitiment une décision en situation sensible. Par exemple : "nous avons décidé d'acheter 94 millions de vaccins. Voilà sur quels critères repose notre estimation du risque. Notre choix est déterminé par le principe d'une protection potentielle de toute la population. Mais attention, sachez que nous n'avons pas la vérité révélée, que nous pouvons nous tromper et que, dans ce cas, les vaccins seraient achetés en grande partie pour rien.Cette décision est notre choix de responsable et nous assumerons la transparence de ses éventuelles conséquences".

Contrairement à ce que pensent encore certains responsables la crédibilité d'une autorité ne passe plus par "l'Art d'avoir toujours raison", cher à Shopenhauer. Une autorité, aujourd'hui, gagne en crédibilité à partir du moment où elle est capable de dire et d'assumer qu'elle peut avoir tort et faire des erreurs dans les décisions qu'elle prend. Je pense que les discours retrouveraient ainsi le chemin d'une adhésion des citoyens qui fait cruellement défaut dans les crises aujourd'hui.

La culture de nos élites reste marquée par des formations où la compétence était évaluée sur le fait de savoir mieux que les autres et de ne pas se tromper. Or, la compétence aujourd'hui, ne peut plus reposer exclusivement sur le savoir. Elle consiste désormais à se donner les capacités de faire la pédagogie de ses décisions et d'avoir le courage de déclarer que l'on accepte par avance de reconnaître ses erreurs.

Alors, les erreurs ne seront plus stigmatisées comme des fautes, paralysant les systèmes, mais comme des expériences permettant de progresser. Beaucoup de chemin reste à faire, mais les crises, elles, n'attendront pas qu'évoluent les champs de conscience et les comportements qui en découlent...


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