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Simple Billet du Poete Sito Cave: Ma place parmi les vivants.

Publié le 30 janvier 2010 par 509
Simple Billet du Poete Sito Cave: Ma place parmi les vivants.
SYTO CAVE  écrit depuis Haiti où il se trouvait durant le tremblement de terre 
Ma place parmi les vivants.


C'était ça, Thurgeau? Une plaisanterie! L'ancienne maison a vacillé, puis est tombée de toutes ses colonnes et de son grand balcon, comme quelqu'un ayant l'air de demander pardon au temps. C'est ce qui s'appelle un séisme, un vrai! Il a parcouru la ville et une bonne part du pays. Il a mangé plein de gens. Mangé! Littéralement! C'est-à-dire: Moulu! Avalé! Ceux qu'il a laissés dehors, les autres morts, sont alignés sur les trottoirs, certains à découvert, dautres enveloppés dans des draps ou du plastic blanc.
Les églises aussi sont agenouillées: La Cathédrale, Saint-Anne, Saint-Louis-Roi-De-France, Saint Joseph. Quelques fidèles prient haut et fort. Une prière en colère, d'autres le font à voix basse, dans leur coeur. Le Christ, qu'on croyait en équilibre précaire, est resté perché sur son socle au fond de l'église du Sacré-coeur, impassible solitaire au milieu des ruines.
Rue Thoby, dans la zone de Frères, on a recueilli le corps de deux de mes tantes paternelles sous des décombres. L'une d'elles qui était aussi ma marraine s'apprétait à fêter son centenaire. “ Il ne me reste qu'une dent, disait-elle. En mars, si Dieu me prête vie, je vous la montrerai dans un large sourire” Adieu ma belle!
Il fait lourd. Difficile de marcher. On a la tête encombrée de morts. Chaque jour, le nombre augmente. Et les secousses n'arrêtent pas. On est sur le qui-vive. Elles peuvent s'étendre jusqu'à trois mois, six mois, un an. Qui sait?
Ma mère et ses deux soeurs ont été sauvées de justesse par l'un des mes fils et un neuveu qui ont dû les forcer à sortir, car elles ont eu peine à croire que la maison s'écroulait. Elles sont aujourd'hui à l'abri chez l'un de mes frères, à l'abri, mais perdues, sans repères, ne parlant jour et nuit que de retourner chez elles.
Un proche a vu mourir cinq cents de ses employés sous l'effondrement de sa manifacture.
Un bébé de vingt- deux jours a été repêché vivant au bout d'une semaine sous des décombres.
Et puis, il y a l'immense majorité avec ses morts, ses sans-abri, et d'autres morts qui s'ajoutent à la liste des morts du séisme: Ceux qui sont morts, la veille ou après, et ne trouvent pas leur place de mort à part, avec cette singularité qui leur est dûe: Pompe-funèbre, convoi, messe, chant et oraison. Toutes les morgues sont engorgées, les cimetières dévastés. Il faut créer des fosses communes.
Il y a aussi les rats, qui sont des gens, s'échappent des prisons, s'attaquent à la popuation. Le chef de la police a promis de les traquer. Et la ministre de la culture et de la communication leur aurait, semble t'il, demandé, dans un appel radiophonique de regagner gentillement leur cellule.
Quelqu'un m'a appelé hier pour me demander si je suis mort. Absolument, ai-je dû répondre.
Une amie m'a suggéré d'écrire, comme pour reprendre ma place parmi les vivants.
Syto Cavé
Port-au-prince 23 janvier 2010
En savoir plus sur Sito Cave ici

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LES COMMENTAIRES (1)

Par jean
posté le 24 novembre à 14:54
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quel poete ce Syto Merci encor à toi que Dieu te bénisse

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