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Article du mois : Avatar en un bloc...

Publié le 01 février 2010 par Sheumas

L’expérience cinématographique est d’une nature unique, et le spectateur peut éprouver cette impression grisante à l’occasion de certains « grands films » particulièrement réussis. C’est le cas avec « Avatar », le dernier film de James Cameron… La lumière baisse, le noir se fait, le public retient son souffle et l’immersion dans l’univers de « Pandora » peut commencer. Et la 3D est le vaisseau qui embarque l’œil et tous les sens en éveil.

Pandora est une planète éloignée de la Terre, sorte de « Monde Perdu » de Jules Verne, terre sacrée occupée par des indigènes, « les Na’Vis » qui vivent en harmonie avec leur territoire. La caméra du réalisateur de « Titanic » plonge le spectateur, au propre comme au figuré, (fabuleux effets de plongée et de contre-plongée) au cœur d’une autre forme de la forêt amazonienne.

La nature y est luxuriante, des créatures étranges et lumineuses y pullulent. Reliée à l’écran comme par une membrane magique, la tête du spectateur devient une espèce de fabuleux aquarium. Les lunettes 3D fournissent à la fois un masque de plongée et une paire de palmes, et le chasseur d’images, ébloui, descend peu à peu dans ce monde en suspension, au milieu des arbres cascades, des feuilles phosphorescentes, où voltigent des espèces étranges, méduses roses, opalines, anémones de mer azurées, filaments d’algues magiques… Pandora est un territoire corail où chaque arbre est un temple de la marée offerte au spectateur.

Au cours de la première partie du film, le spectateur devient tout naturellement l’un des « sauvages » de ce « triste tropique » dont on sent tout de suite qu’il est livré à la convoitise des envahisseurs venus de la Terre. Les « Na’vis » vivent en harmonie avec Pandora. Ils sont un peu comme les « bons sauvages » de Rousseau ou de Diderot, ils sont aussi ces Indiens d’Amérique qui, à la veille du grand massacre, entretenaient avec leurs terres, leurs arbres, leurs rivières, une relation charnelle et mystique.

L’imagination de James Cameron pousse plus loin cette nostalgie de l’harmonie entre l’homme et la nature (qui a si bien fait rêver les penseurs du XVIII° et les poètes comme Baudelaire : « des hommes dont le corps est vigoureux et des femmes dont l’œil par sa franchise étonne… »). Les Indiens de Pandora, superbement félins, n’ont rien de la lourdeur ou de la maladresse des corps civilisés et leur esprit est pur. Pour monter à cheval, ou chevaucher un ptéranodon, le spectateur leur envie leur « tresse » dont l’extrémité permet d’entrer aussitôt en communion avec leur monture ou toute autre créature de la mère Nature (arbre, terre, végétal…).

Aux côtés des sauvages de Pandora, Jack Sully, l’un des « chiens de guerre » envoyés en mission pour faciliter la colonisation de la planète, change peu à peu « son fusil d’épaule ». Cette aventure du héros traitre à son clan et qui trouve son épanouissement parmi les indigènes rappelle étrangement celle de John Dunbar dans le magnifique « Danse avec les loups ». Comme John Dunbar, Jack tient un carnet de bord et note chacun des degrés de sa découverte : et peu à peu il révèle une évidence que n’aurait pas reniée Claude Lévi Strauss, le sauvage n’est pas celui qu’on croit…

Dès lors, comment ne pas trahir un clan dont l’unique motivation est la richesse et l’exploitation forcenée de Pandora ? Comment donner raison à des abrutis qui se moquent des esprits de la Nature et d’une « peuplade d’arriérés » ? Comment admettre l’irréparable qui passe d’abord par le bombardement du lieu sacré où les indigènes entrent en communication avec leurs ancêtres ? En d’autres termes, comment s’engager intelligemment dans une entreprise qui vise uniquement à dévaster, incendier, aplanir, mettre à nu ?

Des légions de caterpillars sont postées dans un secteur de Pandora et commencent à tout écraser sur leur passage… Sans doute James Cameron se souvient-il aussi de ce beau film de John Boorman, « la Forêt d’émeraude » où l’on voyait des engins de chantier lancés dans la démolition de la forêt amazonienne et des indigènes déconnectés de leur univers. Les Na’vis s’accrochent à leurs branches sacrées. Leur fameuse tresse est un cordon ombilical ! Le filon de la pierre précieuse. L’indienne féline à laquelle Jack s’unit est une véritable émeraude vivante, dont le corps, comme celui de ses semblables, émet une lumière magnétique. S’unir à une telle créature, c’est entrer définitivement en fusion avec le corps entier de Pandora.

La seconde partie du film fait basculer le spectateur dans l’angoisse et la fébrilité. Face au déchainement de violence de l’armée des mercenaires qui ont des airs de Terminators ou de Rambos et face à la supériorité technologique des engins dont ils disposent, le spectateur a choisi son camp. Les Na’vis s’appuient désormais sur de précieux alliés, traitres à leur clan, qui ont également épousé la cause de Pandora. Jack est leur chef et le combat farouche qu’il livre aux bataillons de la Modernité nous concerne tous car il implique la survie de la planète… Au lendemain des échecs du sommet de Copenhague, le film milite en effet en faveur d’une cause humanitaire. Pandora est notre sœur jumelle. C’est la « Soror » de « la Planète des Singes ».

Pandora !... Trois heures viennent de passer. Les projecteurs se rallument dans la grande salle et un tonnerre d’applaudissements se déclenche. Pandora disparaît derrière l’écran blanc ! L’avatar tarde à se relever. Le spectateur a des fourmis dans les jambes et des lianes dans les neurones. Il lui appartient désormais de refermer la boite et de préserver un peu de l’Espoir que livre la fin du film, un peu de cette projection d’eau pure qui reste au fond du cœur et de l’imaginaire.

 

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