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Hochelaga-Maisonneuve; Patrimoine, histoire et architecture

Publié le 02 février 2010 par Raymond Viger

Hochelaga-Maisonneuve; Patrimoine, histoire et architecture

Reflet de mon quartier est un bi-mensuel consacré à l’actualité et aux débats d’idées reliés à l’arrondissement montréalais d’Hochelaga-Maisonneuve.

Ariane Aubin

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Savez-vous qu’Hochelaga-Maisonneuve renfermait une part importante du patrimoine bâti montréalais? Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi certains secteurs y ont des allures plus ouvrières et d’autres, une apparence aristocratique? Dans le cadre de ses prochaines chroniques, Reflet de mon quartier vous fait découvrir – ou redécouvrir – l’histoire de cet arrondissement et de ses habitants. Cette semaine, l’historien Réjean Charbonneau, de l’Atelier d’histoire d’Hochelaga-Maisonneuve, nous parle des origines de ce quartier en constante évolution.

Montréal, milieu du 19e siècle

Depuis la Conquête, la petite bourgade s’industrialise à une vitesse fulgurante. Pour répondre aux besoins des industries naissantes, le port de Montréal se développe et gagne en superficie. Il est toutefois rapidement bloqué à l’ouest par les rapides de Lachine qui empêchent le passage des bateaux. Qu’à cela ne tienne, les eaux tumultueuses sont contournées grâce à la construction du canal Lachine.

Mais bientôt, les industriels montréalais réalisent que ces installations portuaires ne suffiront pas; une expansion vers l’Est de la rue Berri, où se situe approximativement la limite de la ville, semble inévitable. D’autant plus que, du côté démographique, la population a beau migrer d’un Vieux Montréal et des régions surpeuplées vers les villes de banlieues et les nouveaux quartiers ouvriers du Sud-ouest – Ville-Émard, Côte-Saint-Paul, St-Henri, Pointe-Saint-Charles – l’espace commence à manquer.

Chemin de fer à Montréal

Au même moment, l’industrie du transport ferroviaire recherche un endroit stratégique où implanter le tout nouveau chemin de fer qui permettra le transport terrestre des marchandises et matériaux. Les terres agricoles qui recouvraient alors l’Est de l’île de Montréal semblent être le lieu tout indiqué: proches à la fois de la ville et du fleuve, elles commencent à faire l’objet de spéculations de la part d’investisseurs prévoyants, explique Réjean Charbonneau. «Peu à peu, des gens aisés vont acheter des terres aux fermiers installés au bord du fleuve, pour y construire leur maison de campagne. Les institutions religieuses aussi vont construire de grands édifices, comme la maison-mère des sœurs du Saint-Nom de Jésus sur Notre-Dame.» Comme tant d’autres, ce magnifique bâtiment religieux a malheureusement fait les frais de la Révolution Tranquille et a été détruit dans les années 1970.

Fondation de la municipalité d’Hochelaga-Maisonneuve

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De plus en plus nombreux, les hommes d’affaires installés dans l’Est décident en 1870 de fonder la municipalité d’Hochelaga sur le territoire s’étendant approximativement de l’actuelle rue Iberville au boulevard Viau. Fournir l’eau, le gaz et les services à une ville dont la population croît aussi rapidement s’avère vite très onéreux.

Dès 1883, les gestionnaires d’Hochelaga décrètent donc l’annexion de la municipalité à la ville de Montréal. Des décennies plus tard, les historiens ont pu comprendre que cette décision précipitée avait aussi eu des motifs politiques. «On a appris depuis qu’un homme politique de l’époque, Raymond Préfontaine, (qui deviendra maire de Montréal de 1898-1902) souhaitait en procédant à cette annexion qu’elle rende les Francophones majoritaires au conseil municipal de Montréal. Depuis la Conquête, la ville était entièrement dirigée par des Anglophones.»

Fusion, annexion ou défusion?

Mais si pratique soit-elle, l’annexion ne fait pas l’unanimité. La même année, un groupe d’hommes d’affaire dissidents décrète la fondation de Maisonneuve, une nouvelle municipalité issue d’Hochelaga et dont le territoire va des environs de la rue Bourbonnière au boulevard Viau.

Cette ville, comme l’a expliqué le professeur d’histoire à l’UQAM Paul-André Linteau dans sa thèse de doctorat, deviendra un exemple de gestion municipale assurée par des promoteurs. Et pendant 35 ans, Maisonneuve connaîtra effectivement une croissance modèle, raconte Réjean Charbonneau. «Entre 1883 et 1918, Maisonneuve va connaître la prospérité, à tel point qu’elle va se s’autoproclamer le « Pittsburg du Canada » au point de vue industriel, et se méritera le titre de « Cité de Maisonneuve » grâce à son urbanisation.»

Urbanisation du secteur Maisonneuve

C’est cette urbanisation, savamment planifiée par des entrepreneurs visionnaires, qui fait aujourd’hui du secteur Maisonneuve un des sites patrimoniaux les plus intéressants à Montréal. Les frères Oscar et Marius Dufresne, premiers propriétaires du château Dufresne situé rue Sherbrooke, ont joué un rôle-clé dans ce développement. «Ils ont été très impliqués dans le conseil municipal de Maisonneuve, surtout dans la deuxième phase du développement de la ville, après 1910, la première phase ayant surtout permis d’occuper le territoire.»

Héritiers d’une fortune générée par leur mère, la cordonnière Victoire Dusseault et l’usine de chaussures Dufresne & Locke, les Dufresne ont voyagé en Europe et en ont ramené un amour des grands ensembles urbains qu’ils insuffleront à la jeune municipalité de Maisonneuve. En 1910, Maisonneuve est à son apogée. L’industrie de la chaussure fait rouler l’économie locale et cette prospérité nourrit les idées de grandeur des frères Dufresne.

Sous la férule d’Oscar, le gestionnaire, et de Marius, l’ingénieur et entrepreneur, Maisonneuve est refaçonnée à l’image des City Beautiful newyorkais. Le concept central: l’esthétisme utile, orienté vers un idéal de population saine et vertueuse aux comportements moraux. Cinq bâtiments d’envergure devaient être construits ; ils le seront tous à l’exception du bureau de poste.

Marché Maisonneuve, Hôtel de Ville, Bain Maisonneuve

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Au-delà de sa facture beaux-arts classique et élégante, le marché Maisonneuve est ainsi équipé dès sa construction de réfrigérateurs permettant de conserver le lait et la viande, bien avant que la version domestique de l’appareil ne fasse son apparition dans les foyers. L’imposant Hôtel de Ville, en plus d’être doté de magnifiques colonnes d’inspiration Beaux-Arts, abritait au sous-sol un laboratoire bactériologique et des équipements de pasteurisation.

Le bain Maisonneuve, sans doute l’un des plus beaux au Canada, permettait à la population ouvrière qui bien souvent n’avait ni douche, ni bain, de conserver une saine hygiène corporelle. Enfin, la caserne de pompiers numéro 1, où loge aujourd’hui le Théâtre Sans fil, a été construite d’après les plans que le grand architecte américain Frank Lloyd Wright avait dessinés pour le Unity Temple, en Illinois. Et pour unir ces bâtiments, deux boulevards ont été construits: Pie-IX et Morgan.

Dans cette ville de rêve, tout est à sa place. Des zones sont réservées aux résidences, d’autres aux industries, et des espaces de rassemblement sont prévus. Et surtout, tout est accessible à distance de marche, un détail auquel les frères Dufresne accordaient beaucoup d’importance.

Maisonneuve et la Première Guerre mondiale

L’âge d’or de Maisonneuve – et l’expérience urbanistique – se termine toutefois abruptement, presqu’en même temps que la Première Guerre mondiale. En 1918, accablée par la dette de guerre et le scandale spéculatif du parc Maisonneuve, la ville est annexée à Montréal. C’est la dernière d’une longue série d’annexions, qui donnera naissance à la grande ville que l’on connaît, et le début du secteur Hochelaga-Maisonneuve.

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Photos Pierre Chantelois, les beautés de Montréal.

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