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Corus 2010. Carlsen, meilleur joueur plus que jamais.

Publié le 03 février 2010 par Vinz

Du 13 au 29 janvier la petite ville de Wijk aan Zee  (Pays-Bas) accueillait le traditionnel tournoi Corus. Depuis 1938 et la création du tournoi à Beverwijk, les aciéries sponsorisent ce tournoi d’Echecs, le deuxième plus ancien après celui d’Hastings. La firme Corus, dont le propriétaire est le groupe industriel indien Tata, a repris le partenariat de l’épreuve.

Wijk aan Zee sous la neige.

Wijk aan Zee sous la neige.

Le tournoi Corus fait partie depuis presque trente ans des plus importants tournois du calendrier international. Tous les plus grands champions s’y sont imposés : Spassky, Petrossian, Karpov, Kasparov (trois fois en trois participations de 1999 à 2001), Kramnik et Anand, recordman de victoires avec cinq, constituent les plus éminents membres de la liste des vainqueurs. L’an passé, c’était l’Ukrainien devenu Russe Sergey Kariakin qui s’était imposé.

Un plateau de prestige.

Le tournoi Corus est loin d’être une manifestation qui se résume à une seule compétition. Il se divise en trois tournois fermés (A le principal, B et C), plus des tournois opens où peuvent participer les joueurs amateurs. Sponsoring oblige, la présence de joueurs indiens est nombreuse.

Corus 2010. Carlsen, meilleur joueur plus que jamais.

La particularité du premier grand tournoi de l’année est son nombre : 14 participants dans le tournoi A. C’est désormais une rareté dans le concert international où les tournois fermés se limitent entre 6 et 10 joueurs. L’endurance prend une part importante, même si on est loin des tournois mastodontes des années 1960 (17 rondes soit plus de 3 semaines de compétition à l’époque).

Le niveau de l’édition 2010 (72ème édition) était particulièrement relevé : une moyenne à 2719 points Elo. Ce n’est pas le record mais avec 14 joueurs la performance demeure. Les trois meilleurs joueurs du moment étaient réunis ; seul Veselin Topalov (numéro 2 mondial) était absent :

-   Magnus Carlsen (Norvège), 19 ans, numéro un mondial depuis le 1er janvier, le plus jeune de l’Histoire des Echecs. Vainqueur à Nankin et Londres, deuxième à Moscou, champion du monde en blitz. Tel est le bilan sur les 6 derniers mois de 2009, depuis que sa collaboration avec Garri Kasparov a été officialisée. Il n’a pas perdu une partie classique en 26 rencontres (pour 12 victoires). Son Elo est de 2810.

-   Viswanathan « Vishy » Anand (Inde), 41 ans. Champion du monde en titre. Troisième joueur au classement Elo avec 2790 points.

-   Vladimir Kramnik (Russie), 34 ans. Champion du monde de 2000 à 2007. Vainqueur à Moscou, deuxième à Londres. Il revient en forme et surtout est très motivé.

Les autres participants ont aussi leur mot à dire même si les experts pensaient que la victoire finale allait se jouer entre ces trois-là : Sergey Kariakin, le vainqueur de l’an passé, Vassily Ivantchouk (Ukraine) toujours capable du meilleur comme du pire étaient les autres prétendants les plus sérieux. Mais il fallait compter avec Alexei Shirov (Espagne), Peter Leko (Hongrie), Hikaru Nakamura (Etats-Unis). Le tournoi comptait aussi quelques joueurs moins bien classés mais qu’il ne fallait pas négliger : le benjamin italo-américain Fabiano Caruana, l’Anglais Nigel Short (vainqueur en 1987), le Cubain Leinier Dominguez et le trio néerlandais, Sergey Tiviakiov, Loek van Wely et Jan Smeets, promis à la figuration.

Shirov à fond à fond à fond.

Le début du tournoi est marqué par l’échappée belle d’Alexei Shirov, en même temps que la neige tombe sur les plages ventées de la mer du Nord. L’Espagnol remporte ses cinq premières parties et creuse un écart d’un point et demi sur ses poursuivants, Carlsen, Nakamura et Ivantchouk avec 3,5 points. Quant aux néerlandais, ils jouent les rôles de victimes expiatoires comme prévu. Vainqueur de sa première partie, Loek Van Wely perd les quatre suivantes (et même une cinquième consécutive). Par contre, le champion du monde Anand est toujours en panne : 5 parties, 5 nulles.

La sixième oppose Anand à Carlsen. Le premier vrai test pour les deux joueurs. La partie se termine par la nullité en 19 coups. Déjà heureux d’avoir battu Van Wely la veille, Shirov se contente de la nulle contre Short. Quant à Kramnik, il rattrape Carlsen,Nakamura et Ivantchouk (ces deux derniers ont fait nulle ensemble).

Kramnik passe la surmultipliée.

A partir de la mi-course, Vladimir Kramnik produit son effort. Mais il s’en sort bien contre Short par une superbe fin de partie. Il cède un demi-point à Carlsen (vainqueur d’Ivantchouk) et à Nakamura (vainqueur de Shirov). Shirov reste premier avec 5,5 points mais Carlsen et Nakamura sont à 5 points, Kramnik à 4,5 points.

La huitième ronde oppose les quatre hommes de tête entre eux. Shirov, qui s’essoufle, préfère répéter les coups contre Magnus Carlsen, dont l’attaque semble quelque peu spéculative. Nakamura, en pleine forme tente la risquée défense Hollandaise contre le technicien Kramnik. Il obtient une position intéressante mais se fourvoie vers le 20ème coup. L’ancien champion du monde fait parler sa science : il est implacable et pousse l’Américain à l’abandon.

La neuvième oppose Carlsen à Kramnik. La dernière partie entre les deux avait vu une belle victoire du Norvégien (c’était à Londres). Cette fois, la position est équilibrée mais Carlsen gaffe et perd une pièce. Kramnik n’en demande pas tant et met fin à la longue invincibilité du numéro un mondial. Et comme Shirov a annulé contre Ivantchouk, le résident parisien est leader du classement (6,5 points avec Shirov 6 et Carlsen 5,5). Nakamura perd contre Kariakin, qui fait un tournoi discret. Ce dernier se replace avec sa deuxième victoire consécutive (et la dernière de son tournoi).

Et quelles nouvelles du champion du monde ? Neuf parties, neuf nulles. La victoire finale lui échappe parce que rattraper deux points à Kramnik avec quatre parties à jouer (et quelques autres prétendants devant) est une mission impossible. Et pourtant…

Anand coupeur de têtes. Carlsen du diable vauvert.

Le champion du monde joue le rôle d’arbitre dans ce tournoi. A la dixième, il écarte Alexei Shirov, qui n’a pas gagné depuis la cinquième ronde ; c’est aussi sa première victoire dans ce tournoi. En gagnant avec les Noirs, Carlsen revient à un demi-point de Kramnik. Sa victime, Kariakin, peut décemment renoncer à conserver son trophée. Malgré une attaque prometteuse, Kramnik n’a pu vaincre Ivantchouk qui a trouvé la bonne défense pour obtenir la partie nulle.

Carlsen en commentateur de football ? Non, le Norvégien commente sa partie. Ca fait moins beauf, c'est en anglais, pas forcément simple pour les novices mais ça marche.

Avec 7 points, Kramnik devant Carlsen (6,5), Shirov (6,5), Nakamura et Anand (5,5). La victoire risque de se jouer entre Kramnik et Carlsen.

Onzième ronde. Carlsen bat Dominguez avec les Blancs. Le duel Shirov-Kramnik peut faire la décision mais la partie est nulle après 51 coups. En se contentant de courtes nulles (15 et 20 coups), Anand et Nakamura ont dit adieu à leurs chances de victoire finale, et même de podium. Avec 7,5 points, Carlsen et Kramnik sont premiers, Shirov est à 7 points.

Douzième ronde. Anand affronte Kramnik avec les Blancs. Le Russe choisit sa défense solide, la défense Petroff. Anand improvise et sacrifie une qualité pour de l’activité. L’improvisation est payante : Anand l’emporte au 45ème coup. Pendant ce temps, Carlsen annule avec les Noirs contre Peter Leko, excellent joueur mais froussard quand même. Cette nulle lui permet de passer devant (8 points). Quant à Shirov, il ne peut qu’annuler avec les Noirs contre Kariakin ; il rattrape Kramnik à la deuxième place (7,5 points). Anand occupe la quatrième place avec 7 points.

Vladimir Kramnik à gauche et Alexei Shirov à droite analysent leur partie nulle de la 11ème ronde. Le combat a été serré. Les deux joueurs doivent se contenter du podium après avoir mené lun et lautre lépreuve.

Vladimir Kramnik à gauche et Alexei Shirov à droite analysent leur partie nulle de la 11ème ronde. Le combat a été serré. Les deux joueurs doivent se contenter du podium après avoir mené l'un et l'autre l'épreuve.

Treizième et dernière ronde. Kramnik affronte Kariakin et n’insiste pas longtemps (21 coups). Sa position ne lui plaisait pas et il préfère assurer le podium au minimum. Carlsen affronte Fabiano Caruana, qui souffre dans ce tournoi (il a le 11ème classement Elo du tournoi avec 2675). Pourtant, c’est l’Italien qui mène la vie dure au champion norvégien. Le benjamin manque de créer la sensation et d’empêcher le numéro un mondial de remporter l’épreuve. La partie se termine par la nulle au 55ème coup, consacre aussi la victoire solitaire de Carlsen.

Magnus Carlsen peut souffler. Il a gagné le tournoi. Après ses récents exploits, il ajoute un trophée de plus à son palmarès.

Magnus Carlsen peut souffler. Il a gagné le tournoi. Après ses récents exploits, il ajoute un trophée de plus à son palmarès.

Si Anand annule avec les Noirs contre Van Wely, il se fait rejoindre à la quatrième place par Nakamura qui a battu Tiviakov. Le tournoi est décevant pour le champion du monde. Est-il déjà en mode préparatoire pour son match contre Topalov en avril ? Le Corus serait l’occasion de s’habituer au rythme et à la tension de la compétition. Anand pourra se consoler en étant le seul joueur invaincu de la compétition.

Vishy Anand, le champion du monde en titre. Sil est resté le seul invaincu du tournoi, il na gagné que deux parties, la première après 9 nulles. Un tournoi de préparation avant le match davril contre le Bulgare Topalov.

Vishy Anand, le champion du monde en titre. S'il est resté le seul invaincu du tournoi, il n'a gagné que deux parties, la première après 9 nulles. Un tournoi de préparation avant le match d'avril contre le Bulgare Topalov.

Voici le classement final.

Corus 2010. Carlsen, meilleur joueur plus que jamais.

Carlsen remporte une autre victoire majeure et inscrit son nom au palmarès du prestigieux tournoi. Au passage, il glane quelques points Elo. Kramnik termine deuxième à nouveau. Sans doute a-t-il été victime de son point faible : l’endurance. Il a craqué au moment critique. Quant à Shirov, il peut être déçu de sa troisième place avec le départ en fanfare qu’il a produit. Mais l’Espagnol a semblé fatigué par la suite. Nakamura semble s’installer progressivement dans la hiérarchie, lui qui jouait peu de tournois fermés de haut niveau. Quant aux Néerlandais, ils terminent aux trois dernières places avec 5 et 4,5 points respectivement. Tournoi difficile pour un ancien vainqueur (Nigel Short), le seul qui n’a jamais gagné (3 défaites et 10 nulles). Celui de l’édition 2009 n’a jamais été en mesure de rivaliser : Kariakin marque 7 points (2 victoires, 10 nulles, 1 défaite) mais il n’a pas figuré dans le peloton de tête.

Les autres tournois.

Le « B » était un catégorie 16 (2629 Elo en moyenne) dont on apprécierait le niveau en A dans un autre tournoi. La sensation est venu d’Anish Giri (2588, 11ème classé), le Hollandais, qui remporte le tournoi avec 9/13. Il n’a perdu qu’une fois (contre Anna Muzychuk, qui vient de renforcer l’équipe féminine d’Evry) mais sa domination a été sans partage. Il devance l’Allemand Arkadij Naididtsch (8,5, mieux classé du tournoi) et le Chinois Ni Hua (8). Giri est qualifié pour le tournoi A l’année prochaine. Ce sera son premier grand tournoi pour ce jeune champion des Pays-Bas (16 ans).

Dans le tournoi C (2455 Elo de moyenne), le Chinois Li Chao (2604 tête de série numéro une) a largement dominé les débats avec 10/13. Il devance l’Indien Gubta (8,5) et le tandem Van Kempen et l’Italien Vocaturo (8). Le jeune Américain Roy Robson a animé le début du tournoi mais a encaissé 3 défaites et une nulle en milieu d’épreuve, pour terminer cinquième avec 7.5 points (il a perdu contre les quatre premiers).


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