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"White Zombie", de Victor Halperin

Par Charlyh

Et si nous abordions hier soir le film culte et fondamental pour ne pas dire fondateur du mythe contemporain des films de genre et voire du sous-genre de zomblards, « LA NUIT DES MORTS-VIVANTS » de George A. Romero, qui au-delà de sa catégorisation cinématographique pure et simple ouvrait dès 1968 la branche fauchée comme les blés d’un nouveau cinéma indépendant réaliste et au plus proche de ses acteurs, autant poursuivre le temps de cette soirée notre exploration cinématographique ( et ) historique en rejoignant les années 1930 et l’un des premiers films de zombies. Ou du moins de morts-vivants comme le laisse croire le titre français de ce film :



« LES MORTS-VIVANTS » de Victor Halperin


Quand son titre original ( « WHITE ZOMBIE » ) ne peut que vous révéler où a pu puiser le nom de son groupe – et une part de son nom de scène – ce workholcolic de Robert Cummings lorsqu’il fonda en 1985 son groupe new-yorkais de White Zombie, au sein duquel naîtra l’entité musicale et artistique Rob Zombie, il est vrai que ce titre français ( « LES MORTS-VIVANTS » ) lie définitivement et naïvement ce film de 1932 à notre thématique de la semaine : les zombies !


Et si dans le film de George Romero ces morts qui reviennent sur Terre pour se rassasier de chair fraîche et plus particulièrement de celle d’humains (bel et bien encore en vie le temps d’échapper en vain à ces ahuris au pas lents et rigides) ne portent jamais le nom de zombies mais restent appelés et titrés comme des morts-vivants, ces morts qui sortent de leurs tombes sont encore moins morts dans ce film de Victor Halperin !
Et pourtant, oui, je classerais ce film dans cette catégorie de film de zomblards et même dans l’un de ceux qui a coulé la dalle méconnue du Cinéma Fantastique et d’Horreur sur laquelle ce jeune réalisateur mis à l’honneur hier soir (George Romero si tu n’as pas révisé, toi, dans le fond de la classe) est venu pauser, lui, la première dalle fondatrice de son renouveau du cinéma fantastique des sixties, l’élaboration et la définition d’un sous-genre cinématographique survivant encore aujourd’hui (et quoi de plus naturel pour des morts-vivants ?) et les bases de sa future saga à travers les âges et révolutions cinématographiques (ces morts-vivants étant passés d’un vieil argentique en noir et blanc pour exploser sous l’œil de caméras qui n’en sont pas mais restent numériques, la couleur, etc, au passage). Mais, revenons au film de Victor Halperin ou des frères Halperin pourrions-nous dire.


Neuvième film en tant que réalisateur de Victor Hugo Halperin, de son nom complet et littéraire (quel est le con qui n’a pas vu la référence culturelle et française qui plus est ?), comme il signait aux débuts de sa carrière de scénariste, ce « WHITE ZOMBIE » n’a pourtant pas connu le développement scénaristique qu’on aurait pu espérer de ce réalisateur de muets, un certain Garnett Weston signant ici le script et les dialogues.
Son pitch ?
A Haïti ( alors colonisée par les Américains, comme vous devez le savoir depuis le drame sismique du mois dernier et les nombreuses rétrospectives et historiques de cette moitié de l’ile des Caraïbes), Neil Parker et Madeleine Short sont conviés par Charles Beaumont (ah, les restes de cette France colonialiste également) à venir célébrer leur union dans la plantation de ce dernier. Beaumont étant surtout terriblement épris de la jeune Madeleine, qu’il espère pouvoir convaincre de l'épouser plutôt que ce paltoquet de Neil. Mais l’Amour, le véritable Amour (avec un grand A majuscule comme dans je t’emmerde nous préciserait un lofteur célèbre) gagne toujours à la fin, tel Starsky & Hutch, et la promise repousse la maître des lieux. Econduit, Beaumont fait alors appel à un maître vaudou pour qu’il fasse de Madeleine une zombie – temporairement – le temps que Neil rentre aux Etats-Unis la pleurer et faire son deuil, Beaumont ayant manigancé de la sortir de sa léthargie après son départ et lui redemander sa main ailleurs qu’en pleine gueule ! Mais, ce sera sans compter sans ce vil maître vaudou…
Et oui, si le terme de zombies n’est pas utilisé dans le film de Romero, trente-six ans plus tard, il est encore moins réellement question de morts-vivants dans ce film de Victor Halperin, en 1932, puisque vous venez de le lire et le comprendre : ces morts-vivants ne sont en fait que des victimes de vaudou !
Religion païenne originaire d’un ancien royaume d’Afrique de l’Ouest, le vaudou (culte yoruba des Orishas, divinités de la Santeria, affirmant l’existence d’un monde surnaturel avec lequel on peut entrer en contact) se répandra dans les Caraïbes et en Amérique avec l’effroyable commerce humain d’esclaves : si les hommes Blancs ont réussi à importer comme de simples marchandises ces Noirs, cet homme Blanc n’aura jamais imaginé emmener avec eux leurs divinités et croyances, dont les esclaves ne se débarrasseront jamais et ce malgré les brimades et l’asservissement que ce peuple endurera. Ayant survécu, comme l’un de ces morts-vivants mais bien plus vivants que ces prétendus zombies, le vaudou est donc au centre de ce film fantastique en noir et blanc, où il sera plaisant de retrouver l’éternel Bela Lugosi (éternel Comte Dracula et vampire de Tod Browning l’année précédente dans « DRACULA » et en 1935 dans « LA MARQUE DU VAMPIRE ») cabotiner dans le rôle de ce maître vaudou blanc – au nom si français (Legendre, qui balbutie quelques mots de français dans la VO) – plus un puissant illusionniste pouvant influencer sur la psyché des autres, avec l’aide d’une drogue, qu’un véritable nécromancien.
Et si je dévoile ou presque ici le mystère de ce premier film historique mettant en scène des morts-vivants (et non des zombies, je le répète) qui peut sembler une arnaque, non, je le défendrai encore et tout de même : «WHITE ZOMBIE» n’est pas une arnaque !


Film de morts-vivants pas véritablement morts et plus vivants que leurs centaines d’héritiers qui vont envahir les écrans internationaux dans les décennies suivantes, ce film, qui reste le film préféré de Rob Zombie, reste également très beau avec ses magnifiques images de Madeleine (Madge Bellamy, actrice du muet qui disparaîtra des écrans avec la Guerre - mais meurt en 1990) à ce balcon ou en dessous avant d'essayer sa robe de mariée, mais aussi d’autres aussi effrayantes et hypnotisantes, tout en restant belles et magnifiques, comme la scène du moulin que ces « zombies » réduits à l'esclavage font tourner (de nuit et sans réclamer d'heures supplémentaires dixit Legendre) - dans ce bruit traumatisant.


Et si «LA NUIT» de Romero a (mal ?) vieilli comme je l’ai écrit hier, cette production indépendante des frères Halperin (Victor, réalisateur, et Edward, producteur) peut faire sourire et rire aujourd’hui avec ses figurants qui clignent des yeux alors qu’ils sont censés être morts ou, pire, un autre qui revenant (comment ça je fais de l’humour ?) vers la caméra et le réalise se remet à déambuler en faisant le mort. Mais, je continue à maintenir que ce film reste très beau et bon avec ces superbes décors (essentiellement inspirés du château de Beaumont et non Legendre - comme l'écrit Emmanuel Denis sur DevilDead) et est de ceux que l’Hollywood actuel ne saurait remaker aujourd’hui sans ajouter des paquets d’effets goreux de synthèse, ponctués d’un meurtre ou deux un peu plus violents par ci ou par là, alors que ce pan méconnu de l’Histoire cinématographique fait tout simplement courir les soixante-neuf minutes du film le temps d’une seule nuit et une journée dans une fort belle copie que certaines éditions DVD pourront aujourd’hui vous restituer.


Chose étonnante et déplaisante pour les héritiers Halperin, à l’instar de cet autre film moteur du culte zombiesque (« LA NUIT DES MORTS-VIVANTS » de Romero en 1968 pour ne plus le citer), ne pouvant plus rembourser le prêt qu’ils effectuèrent pour financer leur film, les droits de celui-ci leur échappèrent aussi en arrivant dans la poche de Sherman S. Krellberg, propriétaire de la société « Amusement Securities », qui put ressortir le film avec d’autres distributeurs après son exploitation initiale. Les films de zombies, films maudits ? Je vous répondrai peut-être demain avec un autre titre…
En attendant, profitez de cette bande annonce d’époque et du clip de White Zombie sur lequel je saurai vous rediriger dans l’article adéquat.

Ou tapez-vous le film dans son intégralité ( toujours sur YouTube ) :

Vous pouvez éteindre votre télévision et demander votre belle en mariage… A Haïti vous êtes sûr ?

La fiche IMDB ( en français ) du film


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