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La guerre du poisson aura bien lieu

Publié le 08 février 2010 par Thedailyplanet

La pénurie de perches dans les eaux du lac Victoria fait grimper les prix et met en difficulté l'industrie locale. Cette surexploitation des ressources par les pays voisins est une source potentielle de conflit.

La pêche excessive dans le lac Victoria et le commerce illicite [de spécimens n'ayant pas la taille réglementaire] ont provoqué une pénurie de poisson en Ouganda, au Kenya et en Tanzanie. Beaucoup d'espèces transformées et vendues illégalement, notamment la perche du Nil et le tilapia, finissent sur les marchés de l'Union européenne (UE). L'épuisement progressif des stocks de perches du Nil, le poisson le plus vendu, fait également monter les prix sur les marchés locaux, menaçant la survie de presque 40 millions de personnes en Afrique de l'Est. Ce poisson carnivore avait été introduit dans les années 1950 par les colons anglais pour repeupler le lac Victoria, mais il a fait des ravages dans l'écosystème en décimant les espèces indigènes.

L'Ouganda, le Kenya et la Tanzanie vendent des tonnes de perches du Nil à l'Europe. Les exportations de poissons ont dépassé les cultures commerciales comme le café et le coton, en termes de recettes. La surexploitation de la perche du Nil résulte du fait qu'un trop grand nombre de bateaux et de pêcheurs utilisent des techniques destructrices. L'Ouganda compte plus de vingt usines de transformation du poisson, qui exportent plus de 30 000 tonnes de marchandise chaque année, rapportant au pays la coquette somme de 150 millions de dollars [115 millions d'euros] en devises par an.

Toutefois, ces exportations massi­ves conduisent à une raréfaction des poissons et à une hausse des prix sur les marchés locaux. Selon l'Organisa­tion des pêcheries du lac Victoria (LVOF), dont le siège se trouve à Jinja, en Ouganda, plus de 10 usines ont dû fermer et les 25 qui restent sont en diffi­culté. “Elles tournent à un tiers ou à la moitié de leur capacité”, explique Wilson Mwanja, fonctionnaire au ministère de la Pêche ougandais. La crise alimentaire existante est aggravée par la hausse du prix des denrées à des ni­veaux inaccessibles pour beaucoup. A Kampala, la capitale de l'Ouganda, le kilo de perche du Nil est passé de 0,50 à 3,50 dollars. Beaucoup de gens s'étaient rabattus sur les têtes, les arêtes et les peaux vendues par les usines une fois les filets levés et exportés vers l'Europe. Mais, aujourd'hui, même ces pro­duits, appelés communément mugongowazi (un terme qui signifie “dos ouvert” “ou “personne sans chair” en swahili), ont quasiment disparu. Les négociants ont en effet trouvé de nouveaux débouchés en république démocratique du Congo, en République centrafricaine et dans le sud du Soudan.

Mugisha Kanywani, porte-parole du marché au poisson et du port de Gaba, sur la rive du lac Victoria, reconnaît que le commerce des arêtes, des peaux et des têtes de poissons avec les pays avoisinants est prospère et que les habitants de la région ne peuvent plus se permettre d'acheter ces produits. “Il y a dix ans, un pêcheur qui jetait 50 filets prenait au moins 100 kilos de perche du Nil par jour”, précise Dirisa Walusimbi Gamweru, responsable de la gestion du port de Gaba. “Aujourd'hui, avec le même nombre de filets, il en prend seulement entre 20 et 30 kilos.” La diminution des stocks a eu un impact direct sur les femmes qui gagnaient leur vie en vendant du poisson dans le port de Gaba. Certaines ont dû se mettre à vendre à la place du charbon et du bois coupé sur les îles du lac.

La pénurie de poisson a pris la dimension d'une source potentielle de conflit régional. Selon les estimations, plus de 300 pêcheurs kényans pénètrent chaque jour dans les eaux ougandaises. Certains ont été arrêtés et incarcérés par les autorités ougandaises. 43 % du lac Victoria appartiennent à l'Ouganda, et 51 % à la Tanzanie. L'Ouganda ayant accusé le Kenya et la Tanzanie de ne pas respecter les accords sur le partage des ressources du lac, des vedettes patrouillent aujourd'hui sur tout le lac. Selon un rapport officiel, plusieurs lois et accords sur l'exploitation du lac sont régulièrement violés. Le même document montre du doigt le Kenya, dont “les eaux territoriales couvrent seulement 6 % du lac. Or ce pays a plus de bateaux et de pêcheurs que ses voisins.”

Wambi Michael, AllAfrica


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