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Une gouvernance économique faute d'autodiscipline

Publié le 11 février 2010 par Nicolas007bis

Amanda

Dans mon précédent billet j’évoquais l’idée d’un des Présidents de l’Europe, Herman Van Rompuy, de mettre en place une gouvernance économique de l’Europe. Cette idée n’est pas récente puisque les Français l’avaient déjà suggérée dans les années 90 lors des travaux préparatoires à la mise en place de l’Euro. L’idée des Français était surtout de mettre en place les moyens d’une véritable coordination économique entre les membres de la zone euro, qui serait le pendant de la politique monétaire menée par la BCE et elle seule.

A l’époque, les allemands craignant qu’une telle instance ne remette justement en cause la sacro-sainte indépendance de la BCE et surtout que ce soit l'occasion pour les Français d'étendre leur interventionnisme forcené à l'Europe entière, avaient freinés des 4 fers et l’idée avait été abandonnée.

A l’arrivée, les 11 pays initialement admis à l’euro ont adopté le principe du Pacte de stabilité, dans une approche assez rigide (tout le monde est logé à la même enseigne) et exclusivement budgétaire. Le Pacte interdit, sauf situation exceptionnelle (récession sévère), un déficit public de plus de 3 % et un endettement public supérieur à 60% du PIB sous peine d’avertissements puis de sanctions (tout à fait théoriques).

En lançant cette idée de gouvernance économique, Herman Van Rompuy renoue avec une évidence trop longtemps oubliée, une monnaie unique suppose un (gros) minimum d’intégration politique. La valeur d’une monnaie est le reflet de l’état de l’économie d’un pays ou en l’occurrence de la zone qu’elle recouvre. Pour dire les choses autrement, tout le monde est dans le même bateau monétaire, ce qui impose une homogénéité dans les politiques budgétaires censée être vérifiée par le respect du pacte de stabilité et ce qui impose en corollaire…. la solidarité entre ses adhérents. D’autant plus qu’il n’est pas possible de virer de l’euro un canard boiteux qui ne jouerait pas le jeu.

Dans ces conditions, l’erreur fut probablement d’y accepter la Grèce (en 2001) dont le lourd passé en matière de défaut de paiement et les notoires faiblesses institutionnelles auraient du être rédhibitoires.

En proposant une meilleure coordination économique entre les pays de l’euroland qui se fixeraient des objectifs communs tout en prenant en compte la situation "individuelle" de chaque pays, Herman Van Rompuy propose une organisation qui aurait du aller de paire avec la mise en place de l’euro dans une zone aussi large et aussi hétérogène (16 pays à ce jour).

Pourtant dès le lancement de l’euro, plusieurs dirigeants politiques avaient alerté sur la nécessité « …d’un pouvoir politique fort pour une monnaie forte »* (Antonio de Souza Franco Ministre des finances Portugais de l’époque) ou à « davantage d’intégration politique au niveau européen » car « si chacun n’en fait qu’à sa guise cela pourrait conduire à des conflits autour de la politique monétaire supranationale »* (Hans Tietmayer ancien président de la Deutsche Bundesbank).

10 ans après, on s’aperçoit qu’effectivement chacun n’en a fait qu’à sa tête, et que non seulement les disparités entre les pays de l’euroland ne se sont pas résorbées mais qu’elles se sont significativement accrues (voir ici l’article de Sylvester Eijffinger and Edin Mujagic proposé par l’excellent Lupus). Que l’on compare le taux d’inflation, le taux de croissance, la productivité, le cout du travail, le taux de chômage ou la dette publique, le constat est le même, depuis 10 ans, pour tous ces indicateurs, l’écart entre le « mieux disant » et le « pire disant » au sein de la zone euro, s’est très significativement élargis !

Et en corollaire de tout cela, un certain nombre des membres de l’union monétaire comme, l’Italie, le Portugal ou… la France, se sont trouvés dans l’incapacité de respecter le pacte de stabilité….ce qui, d’ailleurs, ne les a pas empêchés de dormir !

La crise financière a, bien entendu, amplifié ce phénomène, mais elle n’a fait que mettre en valeur une situation qui lui était bien antérieure et qui aurait, de toute façon, aboutie un jour ou l’autre à une crise au sein de l’euroland.

L’euro constituait un pas important vers le fédéralisme, mais sans le dire, et surtout sans aller au bout de la logique qui aurait exigé que face à une politique monétaire unique régie par la BCE il y eut une politique économique commune !

Mais c’était beaucoup demander à des Etats qui avaient eu déjà du mal à remettre une partie de leurs prérogatives nationales entre les mains des banquiers de Francfort.

Malheureusement, faute d’un minimum d’autodiscipline et si l’on veut que l’euro reste viable, il devient nécessaire de mettre en place une organisation plus contraignante que le simple pacte de stabilité.

Il n’est pas certain que le poids de la crise soit suffisant pour que les pays européens acceptent ce pas en avant dans l’intégration, il n’est pas certain non plus que les populations acceptent de s’entendre dire par leur dirigeants que l’Europe les empêchent de mener leurs habituelles et très populaires politiques de distribution à tout va !

Le risque est donc fort que cette initiative accouche d’une souris rachitique comme l’Europe nous a habitués à en produire dès que l’on évoque l’idée d’une politique commune. En tout cas ce sera un bon test pour ce nouveau Président qui s’il réussit aura au moins également eu le mérite de nous démontrer que l’on peut être à la fois discret et efficace…si, si Monsieur Sarkozy c’est possible !

* Extraits de « Ces hommes qui ont fait l’euro » de Jean Quatremer et Thomas klau chez Plon.


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