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En France, «patrie des droits de l’homme», les flics de Sarko nous GAV ! (1)

Publié le 12 février 2010 par Kamizole

police-patrouille-bobigny.1265958532.jpgLa garde à vue de trop ? Celle d’une adolescente de 14 ans pour une participation - d’ailleurs contestée : elle affirme avoir cherché à séparer les belligérant(e)s - à une bagarre devant le collège Gambetta dans le XXe arrondissement de Paris. Qui provoque un tollé justifié dans la presse tant nationale que régionale ainsi que dans une bonne partie de l’opinion.

Le nombre de gardes à vue (GAV dans la novlang flicardière) ne cesse d’augmenter depuis 9 ans et 2009 aura été un cru exceptionnel. Au point que les services de la Chancellerie en avaient escamoté 200.000 liées aux infractions routières. Les gardes à vue sont en effet passées de moins de 350.000 en 2001 à 800.000 ! en 2009. Ceci dit, je ne suis nullement choquée que l’on gardât à vue les automobilistes coupables d’infractions très graves et/ou responsables d’accidents ayant fait des victimes.

Cette affaire tombe d’autant plus mal pour Nicolas Sarkozy, Michelle Alliot-Marie et Brice Hortefeux que commence l’examen de la loi Loppsi 2 - grand fourre-tout sécuritaire et liberticide en diable - qu’ils voudraient bien “vendre” non pas tant aux parlementaires qu’aux vieux pour préempter leurs futurs votes. J’aurais l’occasion d’en reparler d’autant qu’il contient des mesures prétendues “nouvelles” qui figurent déjà dans le Code pénal ! Vous pensez bien que je me suis empressée d’aller vérifier.
Mais surtout, depuis quelque temps certains magistrats et les avocats contestent la garde à vue telle qu’elle est pratiquée en France, sans l’assistance d’un avocat tout au long de la procédure et alors même qu’il n’a pas accès au dossier. Ils se fondent sur la jurisprudence récente de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) qui considère que de telles conditions ne respectent pas les droits de la défense.

Bien évidemment les policiers ne sont pas d’accord. J’entendais avant-hier un flic du syndicat «Alliance» - droite – estimer que cela gênerait le travail des policiers… Autant, je prends volontiers la défense des fonctionnaires quand ils sont attaqués par les imbéciles qui les assimilent à des feignasses tout juste intéressés par la sécurité de l’emploi ; fonctionnaire – ou assimilée - je l’ai été à deux reprises, comme employée de bureau avant mes études d’infirmière et ensuite à l’Assistance publique, autant je n’ai jamais supporté ce type de fonctionnaires dont on ne sent que trop que les usagers les emmerdent ! Il en existe et je l’ai malheureusement constaté.

Toutes les personnes qui ont dû attendre un certain temps avant qu’un zélé employé – manifestement absorbé dans un travail sûrement trop urgentissime pour qu’il daignât lever les yeux sur elles et au moins s’enquérir de l’objet de leur visite, quitte à demander quelques minutes pour finir leur tâche, ce qui est la moindre des politesses – comprendront ce que je veux dire. S’ils sont là juste pour taffer et toucher leur paye, ils n’ont rien à faire dans la fonction publique et les services publics. Ou alors, qu’on ne les mette pas en contact avec le public qu’ils sont censés servir.

Comme je suis une citoyenne respectueuse des lois je ne suis jamais allée dans un commissariat autrement que pour des démarches ou déposer plainte pour vol de ma voiture : en 1987, deux fois en 15 jours ! Et pendant mes week-end de congés… A la fourrière où je la récupérai, la patronne du garage Georget sur la N1, m’a demandé si je voulais un abonnement

:)
. Ceci dit, j’ai beaucoup attendu avant que l’on prît ma demande en considération alors que les policiers discutaient entre eux.

Mon attention avait été attirée il y a quelque temps par un article du Monde du 14 janvier 2010 Tensions entre juges et policiers sur la garde à vue qui m’avait fait bouillir d’indignation : «Les officiers de police judiciaire de Seine-Saint-Denis ont refusé de procéder à plusieurs interpellations, en décembre 2009 et en janvier dans trois affaires de trafics de drogue ou de criminalité organisée que leur demandaient les juges d’instructions du tribunal de Bobigny. Les magistrats demandaient la présence des avocats des suspects dès le début de la garde à vue en s’appuyant sur les jurisprudences récentes de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), concernant la Turquie».

Bravo ! les flics du 93… Grâce à vous, les trafiquants de drogue et autres criminels du même tonneau peuvent courir. Un tel comportement corporatiste est indigne de l’uniforme qu’ils portent et me fait penser à leurs confrères qui avaient refusé de participer il y a de cela plusieurs années à une perquisition du juge Halphen au domicile des époux Tibéri. Sur ordre vraisemblablement de Jacques Chirac.

Ici aussi, l’ordre vient d’en haut : Christophe Descoms, chef du service départemental de la police judiciaire (SDPJ) de Seine-Saint-Denis, est nommément cité dans une lettre collective des juges d’instruction du tribunal de Bobigny pour avoir “indiqué verbalement qu’il ne serait pas donné suite à ces instructions compte-tenu des consignes contraires qui lui avaient été données par sa hiérarchie”, propos qu’il a “refusé de confirmer par écrit”.

En réponse, Christian Flaesch, directeur régional de la police judiciaire de la Préfecture de police de Paris – nommé à ce poste en juillet 2007 ! «qui l’a fait roi ?» - trouva un argument pour le moins dilatoire et controuvé : la brigade de recherche et d’intervention (BRI) était “occupée sur d’autres affaires”… Indisponi-bilité pour le moins aussi curieuse que soudaine des effectifs de la BRI qui ne manqua point d’étonner les juges de Bobigny.

Cela au mépris total du code de procédure pénale qui dispose selon ces magistrats que “les officiers de police judiciaire (…) ne peuvent solliciter ou recevoir des ordres ou instructions que de l’autorité judiciaire dont ils dépendent”. Mais est-ce bien surprenant en Sarkozie où l’on s’assied allègrement sur la légalité quand elle gêne ?

Les flics font bloc souligne l’article et visiblement n’ont pas la même lecture du Code de procédure pénale ainsi qu’en témoigne la réaction de Sylvie Feucher, secrétaire générale du Syndicat des commissaires de la police nationale (SCPN) qui a vivement réagi à la mise en cause du chef de la SDPJ 93. “C’est une provocation. Christophe Descoms a respecté le code de procédure pénale, point”, s’insurge-t-elle en mettant en avant la “théorie des baïonnettes intelligentes” - règle qui permet à des fonctionnaires de désobéir à un ordre illégal. “Ils veulent nous pousser à la faute et créer une polémique afin de peser sur les textes”, dit-elle.

Les juges ont bien raison : par quel autre moyen que l’invocation des règles qui devraient régir un Etat de droit digne de ce nom pourraient-ils faire évoluer le droit positif quand le pouvoir refuse de s’y soumettre ? L’Etat selon Sarko est par essence policier et privatif de libertés.

J’avoue que si je connaissais la règle permettant aux fonctionnaires de désobéir à un ordre illégal, je ne la connaissais pas sous ce nom… Mais qu’il me soit permis d’affirmer qu’en l’occurrence les baïonnettes censées être intelligentes me paraissent plutôt faire preuve d’une insigne connerie.

Freiner ainsi des quatre fers contre une évolution nécessaire des conditions des gardes à vue est en effet un combat d’arrière-garde. Sauf à toujours se faire rappeler à l’ordre par la CEDH – au même titre que récemment la Turquie

:)
- la France devra tôt ou tard se plier à ses exigences si elle veut continuer à figurer dans la liste des Etats de droit démocratiques.

Ce qui est un comble pour un pays réputé “patrie des droits de l’homme” depuis 1789 et l’adoption de la “Déclaration des droits de l’homme et du citoyen” dont s’inspire largement – en même temps que le Préambule de la Constitution de 1946 qui a également valeur constitutionnelle – la Convention européenne des Droits de l’homme dont la France est signataire.

Or, dans la hiérarchie des normes juridiques les conventions régulièrement ratifiées ont une valeur supérieure à la loi française et s’imposent donc à toutes les autorités et même au juge constitutionnel.

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Comme le soulignait Laurence de Charette le 31 octobre 2009 dans un article fort intéressant du Figaro Ces juges européens qui influencent le droit français «les arrêts que rendent les juges de la CEDH dont on parle si peu s’imposent à l’ensemble des juridictions et des gouvernements, qui se sont vus maintes fois déjà contraints de changer leurs législations».

C’est dire que la France ne pourra pas indéfiniment refuser d’appliquer la jurisprudence de la CEDH et qu’ont tout à fait raison les magistrats du tribunal correctionnel de Paris qui, selon ce que j’ai lu sur 20 minutes ont annulé 5 gardes à vue le 28 janvier 2010, estimant que les avocats ne pouvaient exercer convenablement les droits de la défense, précisément en invoquant la jurisprudence récente de la CEDH en matière de garde à vue, faisant dire à Libération que La garde à vue est tenue à l’œil par les magistrats.

Ce n’est pas pour rien que j’ai évoqué le cas de la Turquie en matière de non-respect des droits de l’homme. En effet, les avocats et les magistrats frondeurs se fondent sur la condamnation par la CEDH des pratiques qui ont lieu dans ce pays en matière d’interrogatoires : «Il est en principe porté une atteinte irrémédiable aux droits de la défense lorsque des déclarations incriminantes faites lors d’un interrogatoire de police sans assistance possible d’un avocat sont utilisées pour fonder une condamnation» lis-je dans un article du Figaro du 16 novembre 2009 L’offensive des avocats pour réformer la garde à vue. CQFD …

Le Monde a dédié pour sa part une fort intéressante thématique aux gardes à vue et à tous les problèmes qu’elles posent autant sur le plan juridique que celui des conditions matérielles déplorables dans lesquelles elles se déroulent qui sont indignes d’un pays tel que la France.

Que l’on ne nous dise surtout pas que la France ferait mieux ou la même chose en matière de garde à vue que les pays européens. Sauf la Belgique, c’est archi-faux. La France est la plus mauvais élève de la classe selon un article du Figaro du 10 janvier 2010.

… à suivre


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