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(US) Big Love : Sins of the Father (saison 4, episode 5)

Publié le 13 février 2010 par Myteleisrich @myteleisrich

Il deviendrait presque prévisible, répétitif, de commencer sa review de Big Love par une onomatopée exclamative de jubilation. Pourtant, ce cinquième épisode de la saison a encore une fois su porter la série toujours plus loin sur la route dangereuse que la famille Henrickson emprunte cette année. Toujours plus loin dans ce tourbillon en apparence presque hors de contrôle, tout aussi fascinant et grisant que déconcertant par moment. Mais la série ne se laisse pas submerger par les excès mis en scène, parvenant à nourrir admirablement une ambiguïté salvatrice dans son traitement des personnages.

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Sur fond de primaires républicaines vécues au pas de course, le fil rouge de l'épisode poursuit sur les conséquences des révélations du précédent et sur cette fameuse scène finale qui avait vu Ben rassembler ses affaires pour quitter le domicile parental, suite au baiser échangé avec Margene. Suivant un schéma désormais éprouvé, sur un modèle presque choral, l'épisode va explorer les réactions de chacun, à mesure que les évènements sont révélés, tel un effet domino destructeur.

Cette crise, sans doute la plus profonde qui ait secoué la famille puisqu'elle remet en cause tous ses fondements, survient, de plus, au plus mauvais moment, alors que le stress lié aux élections est à sa comble. Le téléspectateur se retrouve véritablement happé, presque submergé, dans un tourbillon magistralement mené, qui nous étourdit par son intensité et sa richesse. Heureusement, ce récit mouvementé bénéficie, encore une fois, d'un traitement très humain, qui permet à la série de conserver un ressenti d'authenticité d'autant plus appréciable au milieu de cet apparent chaos.

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"L'exil" de Ben remet en cause la fondation la plus solide de la famille, la première : celle qui unit Bill à Barb. Car si cette dernière fait toujours preuve d'une grande patience, sacrifiant généralement aux désirs de son mari sur l'autel de l'unité familiale, cette fois-ci, la situation est bien différente. C'est cette même famille qui vole en éclat si Bill en exclut un de ses enfants. L'épisode est l'occasion de voir une Barb, les nerfs à fleur de peau, qui perd le contrôle de ses émotions comme rarement.

Toucher à un de ses enfants est un point de non-retour qui fait remonter en elle ses instincts maternels les plus primaires, en témoigne le fait qu'elle défie ouvertement Bill, en pleine convention, mais surtout sa violente réaction à l'égard de Margene.  Jamais Barb n'était apparue aussi excessive ; cette perte de contrôle, à l'image du séisme secouant sa famille, offre un signe supplémentaire de l'effritement de cette dernière. Illustration de ce retournement des choses, c'est finalement auprès d'un Tommy, plus compréhensif qu'à l'accoutumée, que Barb trouve un peu de réconfort. Cette soudaine humanisation de l'Indien, après l'opposition ouverte des premiers épisodes, indique peut-être l'ouverture d'une parenthèse à suivre, dans le futur, entre les deux co-gérants du casino.

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Celle qui subit le plus fortement les conséquences de la crise reste pourtant Margene. Cette dernière fait preuve d'un volontarisme et d'une force de caractère particulièrement affirmés, mue par une résolution forgée au cours des épreuves passées. Blessée par les attitudes de Bill, puis de Barb, elle ne cède pas à l'auto-apitoiement : elle refuse catégoriquement de porter le blâme pour la désagrégation familiale en cours sous ses yeux. L'épisode offre des scènes de confrontation d'une rare violence verbale, même pour une série riche en opposition comme Big Love.

L'obstination de Margene est une preuve supplémentaire de la maturation de la jeune femme, évolution particulièrement sensible depuis le début de saison. Si certaines scènes frisent l'excessif, cette semi-hystérie ambiante sonne pourtant toujours étrangement juste : au vu du modèle familial suivi et des situations rencontrées, il était prévisible que l'accumulation des tensions conduise à ce genre de dialogues quasi-surréalistes, mais qui trouvent leur justification dans toutes les petites rancoeurs passées où le compromis l'avait emporté.

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Alors que ses rapports se dégradent avec ses deux autres épouses, Bill renoue avec Nicky probablement de la plus pernicieuse des manières. En effet, si cette dernière semble désormais revenue à une fonction d'épouse docile, recherchant la maternité, ce qu'exige son mari d'elle va la faire réfléchir sur sa place dans la famille. Lui faire jouer les espionnes chez son adversaire direct, l'obliger à constamment mentir sur son identité qui change au gré des besoins de Bill, c'est aussi ouvrir une boîte de Pandore bien dangereuse, lorsque l'on connaît Nicky et ses blessures passées. Cette dernière s'interroge d'ailleurs sur cette étrange ambivalence dans laquelle elle est confinée.

Le monologue identitaire spontané qu'elle déclame à Barb, avec une distance presque désabusée, est particulièrement révélateur. D'autant que le téléspectateur ne peut se départir de la désagréable impression d'assister à une reproduction de la saison 3, Bill ayant remplacé Roman. Le paternalisme extrême avec lequel Bill traite Nicky, la confortant en la qualifiant de "good girl", tout autant que son instrumentalisation, prouve que les bases de leur relation ne sont toujours pas assainies.

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Mais de façon encore plus marquée que les vacillements de son cocon familial, c'est une réminescence du passé qui vient mettre Bill en face de responsabilités qu'il avait passées l'épisode à fuir, refusant d'admettre qu'il reproduisait ce même désagréable schéma qui l'avait conduit à la rue à 14 ans, jeté hors de chez lui par son père. Le parallèle douloureux s'opère, de manière forcée, à plusieurs niveaux, Big Love prouvant encore une fois sa capacité à densifier à l'extrême son récit.

En toile de fond, un fait divers tragique, mais si classique, sur un "lost boy" de Juniper Creek ramène le débat politique de la convention républicaine sur la question dérangeante de cette communauté sectaire qui vit en marge de la société. Le cas de Ben et le passé de Bill se recoupent implicitement, sous le regard effaré de Lois et de Joey, qui ont l'impression désagréable de revivre une histoire qui les a déjà brisés une première fois. La violente réaction de Lois en apprenant ce qu'il s'était passé entre son fils et son petit-fils est l'illustration poignante de blessures qui ne se refermeront jamais. Pourtant, la confrontation au casino, aussi désagréable qu'elle soit pour Bill, va permettre un progressif électrochoc, amplifié par la basse tactique de son adversaire.

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Le politicien ressort en effet les vieux dossiers de Bill, et plus précisément, son propre passé de "lost boy", cherchant à acculer son adversaire sur cette question sécuritaire. Cette technique va finalement avoir l'effet inverse, permettant une soudaine prise de conscience, peut-être salvatrice pour Bill. Ayant glissé vers le pan le plus détestable de sa personnalité au cours des derniers épisodes, emporté par ses ambitions, le final de l'épisode prend le contre-pied de ce mouvement, surprenant le téléspectateur à éprouver presque une forme de compassion pour un personnage qui a, à l'évidence, perdu le contrôle et semble le comprendre de la plus brutale des manières. Son discours, vibrant d'une sincérité presque touchante, offre une balance bienvenue ramenant Bill sur un terrain plus nuancé.

Dans cette perspective, il faut saluer la conclusion menée de main de maître, occasionnant une empathie émotionnelle rare. En effet, si Bill obtient la nomination tant recherchée, il en saisit en même temps le prix à payer. Le tiraillement entre ambitions professionnelles et institution familiale apparaît désormais flagrant, même pour lui. Et le contraste entre l'euphorie de ses supporters et la contemplation des ruines de sa famille offre une scène finale où la joie et la détresse fusionnent, laissant le téléspectateur sans voix devant une telle intensité.

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Bilan : Un épisode magistral, laissant presque sans voix par moment, où la famille Henrickson implose sous nos yeux, mais parvient à revenir à un équilibre précaire en guise de conclusion. La série utilise l'hypocrisie de Bill, que ce dernier semble incapable de reconnaître, pour parvenir à un contraste étonnant, celui d'un personnage paradoxal en mesure de prendre le téléspectateur de court avec son émouvante prise de conscience finale. Big Love est, comme toujours, placée sous le signe d'une ambiguïté presque déconcertante, mise en scène avec intelligence et nuances suivant une versatilité subtile.


NOTE : 9,5/10


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