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Brothers : nouvelle cellule familiale

Publié le 14 février 2010 par Vance @Great_Wenceslas

Un film de Jim Sheridan (2009) avec Natalie Portman, Jake Gyllenhaal & Tobey Maguire.

: Sam et Grace représentent les américains parfaits. Jolie maison, gamines charmantes et joueuses, le couple [...] n'a qu'une épine superficielle à gérer : Sam repart au front afghan avec l'ONU. Oui, mais papa est un héros, alors les gamines se font une raison. Et puis l'anti-héros débarque : Tommy, frère su soldat fraichement sorti de prison, rapplique. Et, quand Sam est laissé pour mort, la famille pleure...

Ah, ça n'était peut-être pas le bon moment pour le visionner. Mais voilà : envie de dernière minute, déplacement massif, mes frères, moi-même et nos conjointes débarquons un peu tard au cinéma, un dimanche. Trop pour avoir une chance d'entrer dans une des salles programmant Sherlock Holmes (rassurez-vous, je me suis rattrapé après). Restait Brothers, nettement moins plébiscité par un public en mal de sensations. Peu d'hésitations : entre frères, on se comprend. Et le titre semblait ironiquement prédestiné...

Soyons francs : c'est moi qui l'ai suggéré. Beaucoup grâce aux avis assez enthousiastes que j'avais déjà lus (l'avantage d'être membre fondateur du Palmarès Interblogs, c'est que je reçois très régulièrement notes, commentaires et liens vers les critiques de cinéphiles assidus et passionnés), et un peu à cause de Natalie Portman. Actrice au physique adorable et aux choix professionnels pertinents, elle sait d'un regard, d'un sourire faire fondre mon côté paternel et illuminer l'écran : vue récemment dans un très joli petit film ( Where the heart is, disponible en zone 1 dans le triptyque " Natalie Portman Collection "), puis dans la première trilogie Star Wars, elle m'avait encore séduit, parvenant presque à détrôner l'indétrônable Jennifer Connelly dans mon humble cœur de cinéphile épris de beauté. Bah, je ne suis pas seul à ne pas manifester une objectivité absolue envers elle, n'est-ce pas Alexandre ? Vu que nos consœurs du Palmarès ne semblent pas s'en offusquer, j'assume donc totalement ces propos.

Mais une comédienne, aussi douée et mignonne soit-elle, ne fait pas un film. Une bande-annonce accrocheuse, deux acteurs transfigurés et un réalisateur compétent constituaient déjà quelques lignes prometteuses sur la carte de visite de Brothers. Ajoutez donc les critiques favorables de mes consultants préférés (vous ai-je dit que j'avais depuis belle lurette abandonné la lecture des magazines pour me fier uniquement à mes Contributeurs ?) et vous comprendrez aisément qu'il était difficile de passer à côté de l'œuvre. Comment ? Non, je n'ai pas dit que Brothers était en tête du prochain top. Tout au plus ai-je suggéré qu'il ne serait pas loin du podium... mais le suspense reste entier.

Brothers : nouvelle cellule familiale
Entrons alors dans le vif du sujet. Sheridan n'est pas un habitué des mises en scène trépidantes : il pose sa caméra et laisse les acteurs s'exprimer dans une atmosphère savamment austère (les éléments du décor ne sont pas là pour perturber le champ de vision et le cadrage n'est jamais très éloigné des visages). Ses réalisations sont souvent enfermées dans des plans exigus emplis d'expressions lancinantes et d'émotions. C'est encore le cas ici. Dans un film construit sur un postulat assez simple, qui aurait pu se suffire d'un court-métrage dense, la narration passe par quelques moments de grande intensité : des répliques acerbes, des regards lourds de reproches ou de promesses inavouées, des sourires enjôleurs ou réconfortants. Les séquences collégiales (notamment une très belle scène autour d'une table, lors d'un repas où les tensions finiront par briser les liens familiaux) sont très réussies, au moins autant que les scènes intimistes. La musique, discrète, ne vient pas perturber le jeu des acteurs, tous excellents (même les deux filles du couple, promises à un bel avenir). J'ai assez parlé de Natalie Portman, mais que dire d'un Tobey Maguire transfiguré, presque possédé. Je n'irais tout de même pas jusqu'à parler de " révélation " tant il m'avait déjà impressionné dans Pleasantville. Son frère, interprété par un Gyllenhaal tout en nuances et en retenue, fait un parfait contrepoint.

Reste qu'on se sent parfois devant du remplissage, entre deux passages obligés. Ca manque un peu de rythme et l'équilibre narratif est extrêmement fragile. Le liant entre les séquences fortes est heureusement fort bien maîtrisé, mais il peine à entretenir la tension (et l'attention). Sur fond de guerre, le métrage est avant tout un drame psychologique où les valeurs traditionnelles se heurtent à certaines contingences actuelles. Dans une famille où le père s'est déjà distingué sur le plan militaire, deux frères mènent une vie radicalement opposée. L'aîné, Sam, est le fils modèle, fait la fierté des parents : honnête, droit, fidèle et patriote, il sert sa famille avec autant d'application que son pays. Il aime sa femme et ses enfants, mais sans excès : le devoir prime sur tout le reste. Comme l'affirme (un peu lourdement) le père : il est infaillible, inflexible. Il ne renonce jamais. Du coup, Tommy, apparaît comme le raté de la famille, auquel le père fait constamment comprendre combien il diffère de son aîné. Tommy n'en a cure : il a commis des bêtises et fait de la prison. Pourtant, Sam l'aime aussi. Certes, il lui fait gentiment la morale, mais ne le confronte pas à ses propres erreurs. C'est bien le seul : Grace s'en méfie, et les filles le fuient.

La disparition de Sam bouleversera les rôles établis : Grace en veut au système (alors qu'elle n'a pas compris combien Sam cherchait à repartir, semblant ne trouver que dans ses missions le vrai but de son existence) et se sent délaissée, Tommy cherche à se reconstruire et trouve dans la famille de son frère un point d'ancrage qui lui manquait. L'annonce de la mort de Sam fait l'effet d'un déluge : chacun s'épaule, se soutient, s'encourage et se rassure. Dès lors, lorsque Sam refera surface, la nouvelle cellule familiale s'avère trop exiguë : les filles ne peuvent accepter deux pères, dont l'un apparaît bien trop perturbé par son expérience sur le terrain.

Sheridan a choisi un parti et on le sent dans le déroulement très linéaire de ce drame : là où bien d'autres auraient fait le choix de ne pas révéler tout de suite de quelle manière Sam s'en était sortir (et par quels affres il était passé qui ont détruit sa psyché), lui s'obstine à nous dépeindre en parallèle le bonheur retrouvé de Grace et la torture de Sam. Dès lors, lorsque éclate la paranoïa d'un homme à la dérive, qui regarde ses filles comme des étrangères et refuse le contact de sa femme aimante, tout s'enchaîne, logiquement, inévitablement. Il n'y a pas de surprise, jusque dans l'acte final. On assiste à des explosions de fureur et des sanglots inextinguibles. Les acteurs, formidables, entretiennent une tension scandée de sourires et de cris, pleine de sous-entendus : ces gros plans sur des visages totalement expressifs enrichissent le métrage qui, par ailleurs, manque cruellement de rythme.

Le résultat est donc lancinant et prenant mais peine à nous toucher complètement.

faut croire que je suis mal organisé. Avec un monstre comme

Brothers : nouvelle cellule familiale
Le coin du Un monde sans fin, je devrais penser systématiquement à l'avoir sur moi (enfin, vue la taille, plutôt dans un sac, ou une besace à la Joey) pour répondre à ce genre de pulsions cinéphiliques ! Mais non. Et puis, ça ne se fait pas d'aller au cinéma accompagné et de passer les bandes annonces plongé dans la lecture. Enfin... sauf avec ma promise qui est membre du C.L.A.P. Mais pour le coup, c'était en famille, après un deuil tourmenté et partagé : l'essentiel était d'être ensemble, quand bien même le film n'ait pas aidé à se détendre. Donc, à part l'incontournable dépliant du complexe (qui nous a permis de prendre des rendez-vous précieux pour l'avenir - Wolfman, par exemple), pas de lecture de pré-projection. C.L.A.P. :


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