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Peter Fenner et Douglas Harding

Publié le 14 février 2010 par Joseleroy

Dans un de ses articles, publié dans un ouvrage collectif, Peter Fenner écrit sur Douglas Harding qu'il rapproche de Longchenpa, le grand maitre dzogchen.

Peter Fenner et Douglas Harding

" L'immédiateté radicale

Le mystique anglais Douglas Harding parle d'une manière particulièrement compréhensible des dimen­sions visuelles de cet espace ouvert en employant la notion de " ne pas avoir de tête ". Nous ne faisons jamais l'expérience de notre propre tête de la même manière que nous la faisons avec celle des autres. A la place de notre tête, il y a un espace qui est l'univers que nous expérimentons. Comme l'écrit Harding : " Il ne s'agit ni d'un sujet à controverse, ni d'une subtilité philoso­phique, ni d'une auto-hypnose, mais de la vision pure et simple d'un VOIS-QUI-EST-ICI au lieu d'un PENSE-QUI-EST-ICI [...] Il n'y a d'expérience présente que dans une tête absente et vide. " Notre propre tête est une construction théorique que nous déduisons du fait que nous ressemblons aux gens qui apparaissent dans le champ de notre expérience.

Si notre torse et nos membres apparaissent dans ce champ visuel, notre tête, elle, n'apparaît jamais comme un objet direct de perception. Comme le dit Harding : " Mais il y a un seul endroit où aucune de mes têtes n'ap­paraîtra jamais, c'est ici "sur mes épaules", où elle vien­drait masquer ce Vide Central qui est ma vraie source de vie. " Bien sûr, nous pouvons dire que l'existence de notre tête, en tant que porte pour nos perceptions olfac­tives, visuelles et auditives, peut être confirmée en ten­dant le bras et en touchant une masse qui semble repo­ser sur nos épaules, mais, comme le dit Harding : " Lorsque, en tâtonnant, je me mets à chercher la tête que j'ai perdue, non seulement je ne la trouve pas ici, mais en plus je perds la main qui explorait ; elle aussi esl absorbée par ce gouffre au centre de mon être . " A la place où notre tête serait, il y un espace qui est l'univers tel que nous l'expérimentons. En conséquence, d'après cette perspective, nous sommes l'univers. Comme l'écrit encore Harding : " Cela n'est absolument Rien et pour tant c'est Tout, la seule Réalité, et pourtant une absence [...]. Il n'y rien absolument rien d'autre. Je suis chacun et personne "... "

Longchenpa utilise le terme ouverture (shunyata) pour connecter l'Union Ultime à la large et puissante rivière de la sagesse bouddhiste contenue dans la tradition de la Perfection de la Sagesse (Prajnaparamita). Dans un lan­gage qui rappelle le fameux texte bouddhiste, les Sûtras du Cœur, Longchenpa écrit que la " nature de l'ouver­ture n'est pas séparée des apparences phénoménales ". Les Sûtras du Cœur eux-mêmes le disent : " La forme est ouverture et l'ouverture elle-même est forme. L'ouver­ture ne diffère pas de la forme et la forme ne diffère pas de l'ouverture. Ce qui est forme est ouverture et ce qui est ouverture est forme. "

Nous sommes nulle part et partout en même temps

Cela signifie qu'il n'y a pas de séparation entre ce qui est dévoilé (le monde phénoménal) et le champ ouvert qui rend possible le dévoilement de n'importe quel univers. L'espace ouvert est le champ dans lequel toutes les choses se manifestent, durent et se détériorent, exactement de la manière dont elles le font. En fin de compte, il est indis­cernable du champ expérimental. Il est ce qui se produit en lui. Comme le dit Harding : " L'espace est les choses qui l'occupent. " Cet espace ouvert ne peut être créé puisque cela équivaudrait à créer l'univers. En outre, vu qu'il n'y a jamais un seul moment où l'espace ouvert n'existe pas, c'est un concept vide de sens. En réalité, l'espace ouvert dévoilé n'existe pas. C'est pourquoi des philosophes bouddhistes, tel Nagarjuna, disent que l'expérience de la vacuité est, elle-même, ouverture immatérielle.
L'une des conséquences de l'immédiateté, c'est qu'il n'y a pas d'acte de perception. Comme le disent égale­ment les Sûtras du Cœur :

" Dans la sphère de l'ouverture, il n'existe pas d'yeux, ni d'oreilles, ni de nez, ni de langue, ni de corps ou d'esprit, et il n'y a ni formes, ni sons, ni odeurs, ni goûts, ni objets matériels ou objets de l'es­prit . "

Puisqu'il n'y a pas de perceptions, il n'y a per­sonne qui perçoit, pas plus qu'il n'y a d'objet de percep­tion. Comme l'écrit Harding : " En fait, ces formes colorées se manifestent en toute simplicité, débarrassées de toutes les nuances fabriquées comme proche ou loin­tain, ceci ou cela, m'appartenant ou pas, perçu par moi ou bien offert à ma vue. Toute dichotomie - toute dualité de sujet et d'objet - disparaît, complètement démentie par la réalité présente. " Cela n'a plus de sens de dire que le monde est dehors ou dedans, car l'espace ouvert n'est ni extérieur ni intérieur. Il n'y a rien qu'il ne dévoile ; il ne peut donc être à l'intérieur, à moins que rien ne soit à l'ex­térieur. De la même manière, il ne peut être à l'extérieur puisque tout ce qui se trouve à l'intérieur est dévoilé par cet espace. De même, puisqu'il n'existe ni extérieur ni intérieur, on ne peut dire que cet espace soit large ou petit, dilaté ou contracté, caché ou révélé, ici ou là.
En plus, comme l'ici ou là n'a pas de sens dans cet espace ouvert, on ne peut pas davantage faire l'expé­rience de la distance. Le sentiment d'être plus proche de certaines choses et plus éloigné d'autres est une illusion créée par la double croyance que les choses restent constantes en taille, même lorsque leurs dimensions changent, et qu'elles peuvent s'obstruer entre elles. En conséquence, étant nous-mêmes l'espace, nous ne sommes pas localisés à l'intérieur de cet espace." La sagesse sans contenu, Peter Fenner, dans La transmission spirituelle, Le relié.


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