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Etat chronique de poésie 814

Publié le 15 février 2010 par Xavierlaine081

814

Que Dany réapparaisse au beau milieu d’un charnier, entre deux matelas, sur un terrain de tennis attenant à l’hôtel déstabilisé qui l’accueille est bien pour nous réjouir.

Mais que tant, désormais, ne revoient plus le jour, et que tant encore ait au programme leur rencontre avec la mort dans les jours, les mois, les années qui viennent, voilà qui tempère les réjouissances.

On voit se succéder au balcon les pitres qui gouvernent. Les voilà qui y vont de leur surenchère humanitaire, qui se réveillent enfin, maintenant que tout ou presque est consommé. Ce sont les mêmes qui hier, avaient boudé la grand messe du FAO, qui coupent les vivres des organisations humanitaires…

Il n’est pas jusqu’aux plus livides de ces fantômes, ci-devant sinistre d’une identité nationale inconnue qui vienne promettre d’accueillir les réfugiés : unhaïtien pour combien d’afghans expulsés ?

Triste marchandage que celui-là. Abjecte tractation, désormais qu’un île, la plus miséreuse qui soit, amis aussi celle qui donne à la langue française le rayonnement de son immense culture, sombre dans la tectonique des plaques…

Se lèverait-il un Toussaint Louverture pour abolir tout geste de condescendance, pour ouvrir les bras au partage équitable des richesses en ce monde.

Mais, peut-être, voici un peuple qui paie la rançon de sa gloire passée, au prix fort. On ne secoue pas impunément le joug d’occident. On ne lui secoue pas les puces sans qu’elles ne vous piquent…

Alors, voilà, quand un humain sait que pour lire, il lui faudra choisir de ne point manger, et qu’il fait ce choix, il nous donne la preuve que ce qui nous distingue encore un peu, c’est notre soif de culture…

« Quand tout s’écroule, il reste la culture » proclame Dany Laferrière, debout devant le matelas posé au sol qui sera son hôtel, désormais.

C’est justement ce que nient les pitres qui se précipitent sur la dépouille, après l’avoir discrètement affamée…

*

Alors, mes yeux cherchent en vain un phare qui puisse rassurer ma boussole.

J’ai, depuis si longtemps quitté ces rivages où des pantins hypocrites font signe aux marins perdus.

J’observe, en ces terres de vin et de miel, l’errance solitaire de ces voyageurs intérieurs, qui font de l’écriture leur viatique.

Ils oublient ce qu’une poignée de main peut faire comme bien à leur inspiration.

Ils oublient que les mots sont prononcés bien avant d’être audibles, se déclinant en vagues impression sur la mer de commune humanité.

Qu’Haïti sombre n’ébranle rien de leur certitude à faire œuvre.

Leur nombril est une île. Ils tournent autour, en oublient le boire et le manger.

Pris de vertige au millième tour, ils ne savent même plus dans quel sens tourne leur planète, ni que quelque part, bien au-delà de ces phrases prononcés qui ne font plus sens, des hommes attendent un infini message de bonté, de la part de ceux qui se réclament du poème…

*

Dans la noire torpeur de l’aube

Gueule de bois d’avoir trop bu

Gueule de bois d’avoir trop pleuré

Sur les épaules divines

.

Dans la noire torpeur de l’aube

Vomir au caniveau du destin

Saisir la rambarde salvatrice

Franchir le cap d’espérance

.

Dans la noire torpeur de l’aube

Faire la chaîne humaine

Tirer l’eau lustrale du puits

Fraîche obole gratuitement déposée

.

Aux pieds nus de digne misère

.

Manosque, 15 janvier 2010

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