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Retraite: les bonnes questions à se poser

Publié le 07 février 2010 par Blanchemanche
Contrairement aux idées reçues et aux annonces catastrophistes, la pérennité des régimes de retraite par répartition peut être garantie dans les prochaines décennies. Voici pourquoi.
Quel est l'état du système de retraite ?
Le déficit est de plus de 8 milliards d'euros en 2009, selon la Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav), et la situation devrait s'aggraver dans les prochaines années. Il serait de 10,7 milliards d'euros en 2010 et s'élèverait à 14,5milliards d'euros en 2013. Xavier Darcos, ministre du Travail, a rappelé aussi que « nous avons aujourd'hui 1,8 cotisant pour un retraité ; dans une dizaine d'années, nous serons à 1,5 ; et en 2050, à 1,2 » , affirmant que, « dès 2010, une retraite sur dix [ne sera] plus financée » . À l'horizon 2040-2050, les déficits seront « abyssaux » : entre 70 et 100 milliards d'euros. Cette catastrophe annoncée pour les prochaines décennies a au moins le mérite de souligner que les précédentes réformes n'ont pas « sauvé » le régime par répartition.
Les menaces sont-elles fondées ?
Le principal argument des réformistes libéraux est d'ordre démographique. L'allongement de la durée de la vie et la baisse du nombre de cotisants avec le départ en retraite de la génération du « baby-boom» entraînent une charge de plus en plus lourde pour les actifs. Mais le Medef et le gouvernement considèrent comme immuables l'allongement de l'espérance de vie (d'un trimestre par an) et la baisse du nombre de cotisants à l'horizon 2050. Or, ces données ont été revues par le Conseil d'orientation des retraites (COR), qui s'est appuyé sur les prévisions de l'Insee (2006). Ainsi, la population active continue de croître, ce qui réduit les effets du départ en retraite de la génération du baby-boom. Selon le COR, le besoin de financement des retraites ne devrait plus s'élever qu'à 1% de la richesse produite (PIB) en 2020 (soit 25 milliards d'euros) et 1,7% en 2050.
Ce besoin pourrait être comblé par une très faible augmentation annuelle de la part patronale et de la part salariale dans les cotisations sociales. En outre, on ne peut imaginer que la baisse de la part des salaires et des cotisations sociales dans la richesse produite se poursuive, à moins d'appauvrir considérablement la population active. Pourquoi ? En vingt ans, cette part a chuté de 10 points, passant de 70 à 60% (180 milliards d'euros de perte chaque année). Et la richesse produite devrait quasiment doubler en quarante ans, à moins que des crises financières à répétition ne contredisent cette prévision. Mais, dans ce cas, l'ensemble de l'économie s'effondrerait !
Plus d'un million de retraités vivent en dessous du seuil de pauvreté. PACHOUD/AFP Pourquoi les pensions baissent-elles ?
Les effets négatifs sur le niveau des pensions viennent essentiellement des précédentes réformes. La retraite par répartition ne garantit plus un taux de remplacement du salaire suffisant (il était inférieur à 50% en 2008 pour le régime général). L'allongement de la durée de cotisation, passée à 40 ans et bientôt 41 (au lieu de 37,5 ans avant 1993), le calcul de la retraite sur les 25 meilleures années au lieu de 10 pour les salariés du privé, ainsi que l'indexation sur les prix (et non plus sur les salaires et la productivité) ont conduit à une baisse des pensions de 15 à 20%. Plus d'un million de retraités vivent en dessous du seuil de pauvreté, une retraitée sur trois perçoit moins de 700 euros par mois et 600000 personnes âgées dépendent du minimum vieillesse.
Faut-il obligatoirement travailler plus longtemps ?
Ce serait la recette miracle pour sauver le système de retraite. En 2009, les retraités ont en moyenne liquidé leurs droits à 61ans et demi, au lieu de 61 ans en 2008, en raison du durcissement du dispositif de départs anticipés pour carrière longue. « Beaucoup de femmes ne partent pas avant 65 ans, car elles n'ont pas suffisamment de tri -mestres » , indique aussi Danièle Karniewicz, présidente de la Cnav. Mais, en 2006, seulement 54 % des actifs de 55 à 59 ans occupaient un emploi, dont une forte proportion à temps partiel. À 60 ans, il n'y en avait plus que 40%, les autres étant au chômage, en invalidité, en préretraite ou dispensés de recherche d'emploi. L'allongement de l'activité des seniors n'est en fait souhaité ni par les entreprises ni par les actifs. Repousser l'âge de départ à la retraite reviendrait donc à diminuer les pensions.
Les retraites peuvent-elles être financées dans l'actuel régime ?
Depuis des décennies, une part importante des cotisations sociales a été soustraite du financement du régime par répartition avec l'explosion des exonérations fiscales. Ces exonérations représentent près de 65 milliards d'euros, dont une partie n'est pas compensée par l'État, mettant ainsi en danger la Sécu. La Cour des comptes a évalué un manque à gagner annuel compris entre 30 et 34,5 milliards d'euros, et elle a aussi évalué à plus de 21 milliards d'euros en 2008 les exonérations de cotisations sociales sur les salaires, qui constituent dans certains cas un effet d'aubaine pour les entreprises. La même Cour des comptes avait estimé en 2005 que l'exonération de la participation et de l'intéressement représentait une perte de 3,8 à 5,2 milliards d'euros pour la Sécu. L'idée de réduire certaines exonérations et d'élargir l'assiette des cotisations, sans que cela nuise à la « compétitivité » des entreprises, n'est pas absurde : « En un peu plus de vingt ans, les dividendes sont passés de 5 % à 25 % dans la valeur ajoutée des entreprises non financières » , explique la CGT. Il y a donc de quoi financer l'ensemble du système et même l'améliorer...
« Réduire les inégalités de pensions »
Deux économistes, Jean-Marie Harribey et Thomas Piketty, débattent d'un changement du mode de calcul des retraites. Au centre de leur échange : la question de la solidarité.
Le mode de calcul des retraites fait l'objet d'un débat depuis que le Conseil d'orientation des retraites (COR) a consacré son septième rapport, rendu public le 28 janvier, à ce thème, à la demande du Parlement. La loi de financement de la Sécurité sociale de décembre 2008 avait fixé la remise de ce rapport aux commissions des affaires sociales de l'Assemblée nationale et du Sénat « avant le 1er février 2010 » .
Outre le traditionnel état des lieux du système de retraite, le COR a étudié les « modalités du passage éventuel à un système en points ou en comptes notionnels » (voir encadré page suivante). L'idée de revoir le système de retraite par répartition est dans les têtes depuis 2007, quand une mission d'information d'évaluation et de contrôle de la Sécurité sociale du Sénat a proposé de « réformer la protection sociale » en s'inspirant de « la réussite exemplaire » de la réforme du système de retraite suédois. Le débat a ensuite été lancé avec la publication en 2008 d'une étude d'Antoine Bozio et de Thomas Piketty préconisant « une refonte complète des régimes actuels et la création d'un système unifié de comptes individuels de cotisations offrant les mêmes droits et les mêmes règles à tous les travailleurs » .
L'éventualité d'un nouveau modede calcul n'est évidemment pas sans conséquences sur la pension qui sera versée aux retraités ni sur le caractère solidaire du système. La « retraite par points » est préconisée depuis plusieurs années par le Medef. Sa présidente, Laurence Parisot, a rappelé récemment cette proposition de réformer le régime général en lui appliquant un tel système, déjà en place dans les caisses complémentaires, et de l'accompagner d'un système par capitalisation. La CFDT est pour sa part favorable à une « réforme d'ampleur du système par répartition » , a déclaré François Chérèque, sans rien dire de ses préférences avant le congrès de la centrale syndicale en juin. La CFDT pousse cependant les partenaires sociaux à étudier d'autres systèmes, comme la retraite par points ou les comptes notionnels, ce qui n'est pas le cas de la CGT, de FO et de la CFTC, qui estiment qu'un tel changement systémique entraînerait une baisse des pensions.
Voici ce qu'en pensent les économistes Jean-Marie Harribey, membre du conseil scientifique d'Attac, et Thomas Piketty, de l'École d'économie de Paris.
POLITIS I En vue du « rendez-vous 2010 » sur les retraites, le Parlement a demandé au COR une étude sur la transformation du système actuel en un système « par points » ou « par comptes notionnels », proche du système suédois. Pensez-vous qu'un tel système est envisageable ?
Jean-Marie HarribeyI Le rapport du COR intervient à un moment particulier. Nous sommes plongés au coeur d'une crise profonde, directement responsable de l'aggravation des déficits sociaux et qui rapproche les échéances dont nous savions qu'elles verraient les classes d'âge du baby boom peser sur l'équilibre financier des caisses de retraite : plus de 10 milliards de déficit en 2010. De plus, nous vérifions que les réformes de 1993, 2003 et 2007 n'ont rien résolu, en dépit d'une importante détérioration de la condition des retraités, entraînée par l'allongement de la durée de cotisation de 37,5 ans à 40 et bientôt 41 ans, le calcul de la retraite sur les 25 meilleures années au lieu de 10 pour les salariés du privé, et l'indexation sur les prix et non plus sur les salaires et la productivité. Le résultat est sans appel : le taux de remplacement du salaire net par la retraite a baissé de 10 points au moins.
C'est dans ce contexte que le COR étudie l'hypothèse d'une transformation radicale de notre système de retraite vers un système par points ou par comptes notionnels. Dans les deux cas, il s'agirait de se débarrasser de la contrainte d'avoir à assurer un taux de remplacement minimal du salaire. Cet objectif serait atteint dans un système par points en jouant sur la diminution de la valeur du point, et, dans un système par comptes notionnels, en neutralisant l'effet de l'âge de départ à la retraite puisque la somme perçue par le retraité pendant tout son temps de retraite serait répartie en fonction de l'espérance de vie de sa génération. Dans les deux cas, les salariés pauvres et effectuant les travaux pénibles seraient obligés de travailler toujours plus longtemps.
«Le coeur de la formule actuelle cache des redistributions à l'envers, des plus pauvres vers les plus riches.»

L'allongement de l'activité des seniors n'est souhaité ni par les entreprises ni par les actifs. TANNEAU/AFPThomas Piketty ILe système de comptes notionnels est tout à fait envisageable, et c'est ce que vient de confirmer le rapport du COR. Le diagnostic que nous avions fait dans notre ouvrage Pour un nouveau système de retraite. Des comptes individuels financés en répartition Pour un nouveau système de retraite. Des comptes individuels financés en répartition, Antoine Bozio et Thomas Piketty, Éditions Rue d'Ulm-Presses de l'École normale supérieure, 2008. en sort renforcé. Plusieurs arguments militent en faveur d'une telle réforme. Premièrement, le système de retraite français actuel est complexe et morcelé. Chaque salarié dispose de droits dans de multiples régimes (de base et complémentaires), dont les règles sont différentes et en changement permanent. La conséquence de cet enchevêtrement de règles est que les droits des salariés n'apparaissent pas clairement. La réforme Balladur de 1993 est l'exemple même du manque de lisibilité des droits à la retraite : les pensions ont été réduites sans toucher au taux de remplacement, simplement en modifiant le mode de calcul du salaire de référence. De plus, cette illisibilité des droits crée de l'angoisse pour les salariés, les incitant soit à épargner de façon individuelle, soit à vouloir précipiter leur départ en retraite de peur d'un changement ultérieur des règles. Il faut sortir de ces exercices de rafistolage permanent !
Deuxièmement, le coeur de la formule actuelle des pensions cache des redistributions à l'envers, des plus pauvres vers les plus riches, qui rendent particulièrement opaque et inefficace la redistribution du système. Le rapport du COR renforce aussi ce diagnostic : « Certaines règles au coeur même du calcul des retraites en annuités (décompte de la durée d'assurance, calcul du salaire de référence...) opèrent une redistribution peu lisible et qui ne bénéficie pas toujours aux assurés à carrière courte ou à bas salaire. » Le rapport présente ainsi des simulations très intéressantes, réalisées par la Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav) et l'Insee, sur les effets redistributifs d'un passage aux comptes notionnels. Pour une même masse de cotisation, les pensions les plus faibles sont gagnantes, tandis que ceux qui ont les pensions les plus élevées sont « perdants » : il s'agit donc bien d'une réduction des inégalités de pension !
La raison qui explique cette réduction des inégalités vient du fait que, dans le système actuel, les salariés qui travaillent aux environs du Smic pendant toute leur longue carrière sont pénalisés par la formule de pension : leurs cotisations au début de leur carrière sont mal prises en compte, alors que les hauts revenus bénéficient à plein de leurs hauts salaires en fin de carrière. Une autre façon de présenter cette réduction des inégalités est de dire qu'une réforme vers un système de comptes notionnels demanderait un effort de report de l'âge de la retraite plus important pour les salariés aux salaires élevés que pour ceux avec de faibles salaires.
Que proposez-vous qui se distingue de l'étude du COR et pourquoi ?
T. P.Chacun est dans son rôle. Le COR n'est pas là pour renverser la table, il compte de nombreux responsables des caisses de retraite, et il est normal qu'il soit prudent et tende à privilégier le maintien du système existant. Notre position extérieure au système nous autorise davantage de liberté. Mais, pour finir, nous sommes d'accord sur l'essentiel : le COR conclut que la remise à plat que nous défendons est techniquement et socialement possible, et que sa réalisation est avant tout une question de choix politique.
Quelques définitions sur les retraites

Retraites par répartition :L'actuel système fonctionne sur la base d'une solidarité entre les générations. Les cotisations versées par les actifs et par leurs employeurs sont immédiatement utilisées pour payer les retraites.
Système par annuités :Dans le système actuel, quand le nombre d'annuités requis est atteint pour bénéficier d'une retraite à taux plein, dès l'âge de 60 ans, le montant de la pension est égal au taux de remplacement multiplié par le salaire de référence. Dans le régime général de la Sécurité sociale, le taux de remplacement est de 50%. À cela, s'ajoute la retraite complémentaire de l'Agirc pour les salariés cadres et de l'Arrco pour les autres salariés du privé.
Taux de remplacement :Montant de la retraite en proportion du dernier salaire. Avant les réformes de 1993 et de 2003, il était d'environ 75%.
Système par points:La retraite à la liquidation est le produit du nombre de points acquis par l'assuré au moment du départ à la retraite et de la valeur de service du point à cette date. Chaque année, le nombre de points acquis par l'assuré est obtenu en divisant les cotisations versées par la valeur d'achat du point.
Système en comptes notionnels: Chaque salarié est doté d'un compte sur lequel on enregistre le niveau de ses cotisations pour constituer son capital virtuel (il ne s'agit pas d'un placement boursier). La retraite est obtenue à partir du capital virtuel acquis par l'assuré, auquel on applique un coefficient en fonction de l'âge de départ à la retraite et de l'espérance de vie de la génération à laquelle appartient le salarié.
J.-M. H. ILes conclusions du rapport ne laissent pas de surprendre. Alors que tous les gouvernements avaient jusqu'ici juré que les réformes avaient pour but de sauver les retraites et que jamais le niveau des retraites ne baisserait, tous les scénarios bâtis par le COR prévoient une baisse de 15 % en moyenne de ce niveau si l'on change de système. Sur le papier, un système notionnel s'équilibre automatiquement puisque chacun n'accumule pas de droits au-delà du total de ses cotisations. Dans la réalité, il n'y a pas d'auto-équilibrage parce que le système reste sensible aux chocs économiques et aux évolutions démographiques éventuelles, notamment à l'allongement de l'espérance de vie des retraités après leur départ. Il conduit à un accroissement de l'écart entre hommes et femmes, et à une baisse du taux de remplacement plus marquée également pour les travailleurs les moins qualifiés.
Au final, un système par comptes notionnels ne satisfait même pas aux critères qui sont présentés comme décisifs par ses promoteurs : il reste soumis aux contraintes de l'évolution économique et de l'évolution démographique. En un mot, les incertitudes qui sont le propre de tout système de retraites ne sont pas gommées. Mais, en diminuant les droits non contributifs, un système par points ou par comptes notionnels tend à aligner le système par répartition, vidé ainsi de son contenu, sur un régime d'épargne individuelle.
« Aucune technique ne permet en elle-même d'assurer le retour à l'équilibre financier d'un régime de retraite déséquilibré, notamment avec l'arrivée à l'âge de la retraite des générations nombreuses du babyboom» , dit aussi le COR, qui renvoie aux « trois leviers » traditionnels : « le niveau des ressources, le niveau des pensions et l'âge moyen effectif de départ à la retraite» . Est-ce aussi votre avis ?

J.-M. H. IQu'est-ce qui explique une telle obstination à vouloir par tous les bouts diminuer les droits à la retraite ? Il y a un point aveugle ou un tabou gigantesque dans tous les discours officiels, qu'ils soient experts ou gouvernementaux : il ne faut surtout pas toucher à la répartition fondamentale entre travail et capital. Donc, on raisonne à masse salariale (cotisations sociales incluses) au mieux constante relativement aux profits. Cela se traduit par l'interdiction d'augmenter si peu que ce soit les cotisations dites patronales, soit par le biais du taux, soit par celui de l'élargissement de l'assiette.
Thomas Piketty, promoteur du système notionnel, est certainement conscient du fait que là réside la difficulté à équilibrer le système de retraite au fur et à mesure que les besoins augmentent, car il propose d'abonder le Fonds de réserve des retraites pour passer la bosse du babyboom. Mais on retombe dans le mirage des fonds de pension que même une débâcle financière mémorable n'a pas réussi à éliminer complètement. Dès lors, si l'on veut éviter les déficits et l'appauvrissement des retraités et assurer le coût de l'accroissement de l'espérance de vie, il faut bouger le curseur de la répartition des revenus en faveur du travail, par le biais des salaires et des cotisations, et par la baisse du temps de travail pour améliorer l'emploi. Vouloir changer de système pour éviter de poser la question de la répartition, c'est-à-dire in fine de la progression des cotisations, relève du tour de passe-passe.
T. P. I Aucune technique ne permet en effet d'éviter la question de l'équilibre financier des retraites. Notre analyse diffère néanmoins de celle du COR en ce sens qu'il n'existe pas vraiment « trois leviers » : l'âge de la retraite effective n'est pas un paramètre de choix du système de façon indépendante du niveau des pensions. Le seul vrai paramètre de choix est le taux de cotisation, et la réforme des comptes notionnels vise à clarifier le débat public sur ce taux de cotisation. Notre conviction est que, sans une remise à plat du système, il sera très difficile d'avoir un débat serein sur cette question en France.
Laurence Parisot est favorable à la retraite « par points ». PIERMONT/AFP .
Thierry Brun Politis
La retraite à 60 ans, à taux plein !
TRIBUNE Leila Chabi, Gérard Filoche et Willy Pelletier, membres de la Fondation Copernic Leila Chaibi (cofondatrice de Jeudi noir) est coprésidente de la Fondation Copernic, Gérard Filoche (CN du PS, Fondation Copernic) est inspecteur du travail, et Willy Pelletier (sociologue) est coordinateur général de la Fondation Copernic, démontrent, chiffres à l'appui, que d'autres choix que ceux du gouvernement sont possibles en matière de retraite.
La droite l'affirme : « Débattre de l'âge légal de la retraite ne sert à rien. » Seul compterait l'âge « réel » du départ. Elle se félicite néanmoins que « saute » le « tabou » de la retraite à 60 ans. C'est qu'effectivement subsistent quelques liens entre âge réel et âge légal de départ en retraite. Et c'est pourquoi il ne faut rien céder sur l'âge légal !
Le premier lien concerne le million de salariés qui ont déjà cotisé tous les trimestres nécessaires à une retraite à taux plein. À présent, ils restent au travail jusqu'à 60 ans. Demain, ce serait jusqu'à 61 ou 62 ans, si sautait le verrou du droit à la retraite à 60 ans. Or, il s'agit d'abord de salariés peu qualifiés, occupant des tâches d'exécution. Ceux dont l'espérance de vie moyenne est la plus courte.
Le second lien entre âge légal et âge réel de la retraite concerne les retraites complémentaires. En 2000, le Medef voulait refuser que l'Arrco et l'Agirc financent les retraites complémentaires du secteur privé entre 60 et 65 ans. La mobilisation de deux millions de salariés l'avait fait reculer. Différer l'âge légal de la retraite serait, pour lui, un solide levier pour mettre son chantage à exécution, lors de la négociation sur les retraites complémentaires, en 2010.
Mais, nous dit-on,les allongements de durée de cotisation imposés ces dernières années rendent caduc le maintien de la retraite à 60 ans. Pour partir à 60 ans, ne faut-il pas que les salariés aient cotisé 41 ou 42ans pour jouir d'une retraite à taux plein ? Les discours gouvernementaux oublient - mais à dessein - un fait central : la durée moyenne de cotisations est restée aujourd'hui, dans la vie réelle, de 37,5 annuités de cotisation. Car deux salariés du privé sur trois ne sont plus au travail avant 60 ans. Ils sont au chômage, en préretraite, en maladie, en invalidité. On compte, dans ce pays, 4 millions de chômeurs, un million en fin de droits, 600 000 chômeurs partiels contraints, 15 % de précaires. Le montant des retraites perçues a déjà baissé, avec la prolongation des durées nécessaires de cotisation à 41 ou 42 ans. Reculer la retraite à 61 ou 62 ans l'abaissera encore. Mais cela concernera peu les directeurs financiers, qui cotisent auprès d'assurances privées. Diminueront les retraites des salariés aux revenus faibles ou moyens. On nous parle de démographie : nous connaissons un « boom » des naissances. Quand seront maintenus les seniors au travail, les jeunes n'en auront pas. Il faut parler «richesses». Et le Conseil d'orientation des retraites le soulignait, en 2001 : sur quarante ans, la richesse de la France (avec un taux de croissance modéré, de l'ordre de 1,7 % par an) devrait doubler en termes réels (hors inflation). Avec une augmentation de 1700 milliards d'euros de la richesse nationale, en 2050, comment nous faire croire qu'il est impossible de financer les 200 milliards d'euros supplémentaires (6% du PIB) nécessaires au maintien des retraites telles qu'elles étaient avant les contre-réformes Balladur et Fillon?
Il resterait même,après renflouement du financement des retraites, 1 500 milliards d'euros pour les salaires directs, les investissements publics et privés ! Cette donnée est exclue du débat public. Pour une raison simple. L'augmentation prévisible de la richesse nationale doit-elle aller aux salaires et aux retraites, ou aux profits, au Fouquet's, aux propriétaires de «Rolex avant 50 ans» ? Et tant pis si plongent dans la pauvreté la majorité des retraités. À partir des « beaux quartiers », ces retraités-là, personne n'en connaît.
En dépit des nombreuses mobilisations, le gouvernement veut relever l'âge de départ à la retraite. En réalité, dès 2001,le Conseil d'orientation des retraites spécifiait clairement les choix offerts. Premier choix: ne pas augmenter les cotisations retraites et ne pas diminuer le montant des retraites. Il aurait fallu augmenter de 9 ans la durée de cotisation. Deuxième choix : ne pas augmenter les cotisations retraites et ne pas allonger la durée des cotisations. Dans ce cas, les retraites auraient diminué en moyenne de 78 % à 43 % par rapport au salaire net, soit pour un salaire net de 1 200 euros, une retraite de 516 euros au lieu de 936 euros. Troisième choix : ne pas allonger la durée de cotisation, ne pas baisser le montant des retraites, mais augmenter de 15 points le montant des cotisations retraites entre 2003 et 2040.
Jamais cette troisième option n'a pénétré le débat public. C'est pourtant l'option la plus acceptable. Car 15 points d'augmentation des cotisations en un peu moins de 40 ans représentent 0,37 point d'augmentation des cotisations retraites par an, pendant 40 ans. À raison d'une augmentation de 0,25% pour les cotisations patronales et de 0,12% pour la part salariale des cotisations retraites. Qui prétendra que cette solution n'est pas préférable à un allongement de 9 ans de la durée de cotisation ou à une baisse de 25 points du montant des retraites ? C'est la discussion de cette option qu'il faut imposer au Medef et au gouvernement. Pour préserver ce droit qu'est la retraite à 60ans à taux plein, un reversement à 75%, pas de retraite inférieure au Smic, et avec une durée de cotisation qui coïncide avec la durée réelle des carrières.
L'augmentation prévisible de la richesse nationale doit-elle aller aux salaires et aux retraites, ou aux profits et aux propriétaires de Rolex ?
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LES COMMENTAIRES (1)

Par laglobule
posté le 14 avril à 07:43
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Monsieur

58 ans, 163 trimestres cotise et 174 valides , au chômage depuis cinq ans,(cause restructuration des arsenaux ) , à chaque entretien d'embauche on me répond que je suis trop âgée, que je ne resterai pas assez longtemps dans l'entreprise, que j'ai trop d'expérience ou trop de personnalité (??????), a quand ma retraite du prive que l’on en finis , j’espère ne pas être pénalise encore une fois avec une demi retraite de l’état de 850€ par mois.

       Salutations                      Marc CHENE

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