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ma vie en carton

Par Jilcaplan
A ma gauche un sac poubelle de 50 L
presque vide
à ma droite, des cartons, du gros scotch
qui se remplissent à une vitesse phénoménale
j'ouvre les tiroirs
encore des photos
encore des vieux agendas
encore des trucs, des machins
des cartes postales reçues du bout du monde
ou du coin de la rue
j'ouvre une boîte rouge,
épaisse, le ventre gonflé de choses éparses,
des stylos,de vieux portefeuilles, de brouillons de chansons,
des carnets de notes
des dessins jamais terminés
la tentation est grande
foutre tout ça au feu
et de n'en plus parler
alors je jette,
puis, prise de remords je fouille mon sac poubelle
"non, je peux quand même pas jeter ça"
et hop, aller-retour sac poubelle-carton
encore un carton rempli de choses inutiles,
que je stock et je ne regarde jamais.
allez hop,on n'y pense plus, on ferme le carton avec le gros scotch...
Puis des vieux journaux intimes d'une vie décousue
où les états d'âme s'étalent largement
je parcours le cahier
allez hop, ça oui, à la poubelle
et cette fois sans regret
au feu, les souvenirs de rien
les époques passées, révolues.
Puis les livres ah! les livres !
on me dit de jeter, de trier, de m'alléger.
alors je trie ...
mes polards ? ah non je garde,
quand j'aurais ma maison au bord de la mer,
ce sera bien d'avoir de la lecture pour les amis/ la famille/ les enfants
mes livres de poches ? ah ça je les garde,
mes bouquins cornés, lus et relus,
ces lignes précieuses qui m'ont fait voyager
mes livres d'art qui pèsent 3 tonnes ?
ah ça pour tout l'or du monde je ne m'en séparerais
mes gros livres de photos, de peinture,
mes dictionnaires, mes biographies
jamais, JAMAIS!
les cartons se remplissent
je travaille bien
je suis couverte de poussière, j'ai la gorge sèche
les mains craquelées
et mes livres sont bien au chaud, bien protégés
c'est l'essentiel
on me dit "alors, tu as bien trié tes livres?"
Mais oui mon amour, regarde !
j'ai mis de côté pour les donner une dizaine de volumes !
et les CD ! j'en ai viré une cinquantaine ! Un exploit !
Devant moi, grise mine.
Évidemment, voyager léger, c'est bien.
J'aimerai être détachée de tous ces livres, disques, photos, archives.
Mais voilà, je ne peux pas.
Je pense à mon père et à sa chambre aux étagères qui montent jusqu'au plafond ;
tssss....
y'aurait-il un gène d'archiviste???
ma vie en carton

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