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Les Français se méfient des banques

Publié le 17 février 2010 par Delits

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Le groupe BNP Paribas a annoncé mercredi un bénéfice net (part du groupe) de 5 832 millions d’euros en 2009, en hausse de +93% par rapport à 2008. Si ce bénéfice est bien en dessous des niveaux d’avant crise (7 822 millions d’euros en 2007), il ne manquera pas de faire réagir. Pourtant le groupe fait attention et envoie des signaux positifs : bonus annoncé comme « le plus bas taux de rémunération de la profession» , promesse de 7 milliards de prêts au TPE/PME en 2010, la direction soigne ses annonces et prend acte des difficultés d’image accumulées depuis quelques années. En septembre dernier, Délits d’Opinion soulignait ces difficultés et faisait le point sur l’évolution des rapports des Français avec les institutions bancaires1.

Le constat était alors sans appel : alors que nos concitoyens affichaient une satisfaction et une image positives des banques jusqu’en 2006, l’augmentation progressive des plaintes auprès de la DGCCRF (Direction Régionale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes) jusqu’en 2009 a tout d’abord rompu cette idylle. La crise financière et la large responsabilité perçue des banques dans ce naufrage finissent d’achever cette tendance, accentuée par l’impression que les banques ne prennent pas la mesure de leurs responsabilités dans l’octroi de crédits.

Une défiance constatée en interne

Ce constat de défiance fut constaté en interne par les employés eux-mêmes dans une enquête réalisée en juin 2008 par Wincor Nixdorf, auprès de cadres exerçant des responsabilités au sein des plus grandes banques françaises. Pour 72% des cadres interrogés, la crise financière internationale a modifié la perception qu’ont les consommateurs de leur banque. 58% des répondants vont même jusqu’à affirmer que « les consommateurs ont moins confiance dans leur banque ». Cependant, près des trois quarts des interviewés (74%) pensent que la crise n’a pas encouragé les consommateurs à changer de banque.

Le pragmatisme ou la réalité des affaires l’emporte donc peut-être : 72% des répondants estiment que la situation de crise ne décourage pas les consommateurs à solliciter leur organisme pour un prêt à la consommation. Il est vrai qu’il parait délicat de ne plus passer par une institution bancaire pour l’obtention d’un crédit, du moins pour les projets les moins importants. Ce pourcentage tombe en effet à 56% pour les prêts immobiliers, preuve que les consommateurs effectuent un arbitrage et reportent la réalisation de leurs projets les plus importants.

Ces modifications des comportements des consommateurs ont incité les banques à modifier leurs projets : le développement commercial constitue un tiers des projets modifiés.

La sortie de cette crise de confiance passerait par une meilleure relation avec les clients. La proximité (53%) et la relation personnalisée (59%) constituent la piste à privilégier selon les cadres. La mission première de la banque s’inscrit donc dans une optique de banque de détail, mission initiale des banques puisqu’elle vise à financer l’économie, et mission la mieux comprise par les citoyens puisque permettant la plus grande proximité avec eux. L’amélioration de la vie quotidienne (59%) constitue à la fois pour l’agence bancaire la principale priorité et la possibilité de jouer un rôle de premier rang.

Début 2010 : qu’en est-il aujourd’hui ?

Une étude comparative entre Français et Britanniques2 nous donne quelques enseignements. La leçon principale est assez simple : les Français ne font pas confiance ni au système financier, ni aux banques, qu’il s’agisse de son efficacité, de son éthique ou même de sa solidité.

Plus de huit Français sur 10 (83%) estiment ainsi qu’existe « une forte probabilité qu’une nouvelle crise économique et financière se produise dans les prochaines années ». Nos amis britanniques sont 71% à le penser également. Ce sentiment est largement partagé par toutes les catégories de population, dans les mêmes proportions, bien que les sympathisants de gauche affichent un niveau légèrement plus élevé que les sympathisants de droite (87% contre 80%).

Face à la première crise, les deux tiers de nos concitoyens considèrent que le Gouvernement « a eu raison d’intervenir pour soutenir le secteur bancaire » quand les sondés anglais, qu’on aurait pu imaginer moins friands d’interventionnisme étatique, voient 70% de leurs troupes partager cet avis. En France, les aînés et les sympathisants de droite sont les plus fréquents à partager cette position (81% et 80%) pour seulement 57% des 35 – 49 ans et 60% des sympathisants de gauche.

Un impact moins important sur la survie des banques françaises

Concernant plus particulièrement le secteur bancaire français, nos concitoyens craignent plutôt moins pour la survie des institutions bancaires que les Britanniques : 40% d’entre eux estiment que l’on peut avoir confiance en la solidité des banques, contre seulement 31% des Britanniques interrogés. Ce résultat peut sembler assez logique dans la mesure où les institutions anglo-saxonnes se trouvaient en première ligne des faillites et risques de faillite. Côté français, cette crainte est particulièrement vive auprès des femmes (67%) et des sympathisants de gauche (65%).

Concernant le rôle premier du secteur bancaire – financer l’économie – les Français restent particulièrement sceptiques : à peine plus d’un sur quatre (27%) considère que « les banques accordent suffisamment de crédits aux entreprises pour soutenir leur activité ». En Angleterre, ils sont près d’un sur deux (48%). Plus particulièrement, les commerçants et artisans, premiers concernés par la question, sont près de 9 sur 10 à affirmer leurs doutes concernant le rôle des banques.

Les leçons de la crise mal assimilées

Sur les comportements ayant entraîné cette crise, les Français ne se font guère d’illusion : 80% ne pensent pas que « les banquiers ont tiré les leçons de la crise et ont adopté des comportements moins risqués ». Une fois encore, les plus de 65 ans et les commerçants / artisans sont les plus dubitatifs (86% et 88% à ne pas croire aux leçons tirées).

L’idée d’une taxe sur les bonus, déjà adoptée en Grande-Bretagne, récolte une large adhésion (83% en France, 81% en Grande-Bretagne). Pourtant, si cette taxe est plébiscitée, son efficacité laisse à désirer : en France comme en Grande-Bretagne, plus de 70% des personnes interrogées estiment qu’elle ne sera pas efficace car « les banques mettront en place d’autres systèmes pour rémunérer leurs traders et financiers ».

Si le chemin pour rétablir une confiance durable semble encore long, nul doute que la communication mise en place actuellement – qui correspond remarquablement bien à ce que nous écrivions ici-même en septembre dernier , insistant notamment sur la responsabilité économique et sociale des banques au sein de la société française, par le biais notamment de prêts aux TPE/PME et une démarche de proximité auprès des clients – devraient porter leurs fruits. Vu le niveau d’épargne déjà particulièrement élevé des ménages, il semble de toute façon peu probable que ceux-ci ne repassent pas à plus ou moins court terme par une institution bancaire afin de financer leurs projets. Reste à voir si la défiance actuelle ne poussera pas les clients à rationnaliser encore davantage leurs comportements vis-à-vis des banques en faisant jouer la concurrence, voire à remettre en cause de façon plus sytématique certaines pratiques.


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