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L'Amérique abandonne la Lune, l'édito d'Alain Cirou

Publié le 19 février 2010 par Cieletespace

20080701_AlainC_38.jpg On ne reverra donc pas de si tôt des hommes sur la Lune. Trente-huit ans après la dernière expédition d’Apollo 17, dans les décors grandioses des collines de Taurus-Littrow, le président Barack Obama a tranché dans le vif en supprimant le programme Constellation, qui prévoyait un débarquement lunaire vers 2020.

Exit donc les lanceurs Arès 1 et Arès 5, la capsule Orion et le module d’alunissage Altaïr, toutes pièces indispensables au Meccano du retour conçu par la Nasa. Même si une bonne dizaine de milliards de dollars ont déjà été dépensés et que des images d’animation — conçues sous les deux présidents Bush — laissaient penser que l’engagement de ce programme était inéluctable…

Il fallait être bien naïf — et ne pas lire Ciel & Espace — pour penser qu’un programme encore mal défini, basé pour une large part sur des technologies disponibles et nécessairement budgétivore, ne pouvait être annulé. D’autant que, la crise économique aidant, le programme spatial américain, autrefois si populaire, ne dispose plus dans l’opinion publique d’une image d’intouchable. Pour la Nasa, le retour sur Terre est brutal. D’autant que, pour la première fois depuis 50 ans, le dogme du vol habité est mis à mal.

Certes, la vie de la station internationale est prolongée jusqu’à la fin de la décennie – il faut profiter des opportunités scientifiques offertes par cette infrastructure orbitale, qui aura coûté 115 milliards de dollars (1) depuis 35 ans.

Certes encore, le nouveau budget prévoit l’étude et la réalisation, via des sociétés privées, d’un moyen de transport d’équipages et de fret vers l’orbite basse. Mais, à l’horizon 2025, les astronautes américains n’auront plus de destinations et, peut-être même, plus de raison d’être.

La rupture est violente, mais sans doute nécessaire. En partageant la vision des experts du rapport Augustine (“Le programme spatial habité américain est sur une trajectoire non viable. Il perpétue la périlleuse pratique qui consiste à poursuivre des buts sans leur attribuer de ressources”), la Maison Blanche adopte aussi une grande partie de leur point de vue sur le futur. Mars reste une destination légitime, “en ligne de mire”, mais elle ne pourra être atteinte sans la mise au point de techniques innovantes. Sans une révolution totale des moyens du voyage spatial : carburants, moteurs, matériaux, systèmes vie, etc. Une nouvelle génération de fusées et de vaisseaux devra voir le jour pour rendre crédible le projet d’une mission internationale vers la planète rouge.

D’ici là, l’observation de la Terre et de son climat, la surveillance du Soleil, la détection des astéroïdes géocroiseurs, l’exploration robot des planètes et satellites du Système solaire, et la mise sur orbite d’observatoires dédiés à l’étude de l’Univers placent la Nasa au service de la science, du public et de ses décideurs politiques. En mettant la balle “Lune” dans le camp de la Chine et de l’Inde, et en se retirant du terrain, Obama place la Nasa sur une orbite excentrique. On jugera, dans d’autres générations, si elle est le début d’une révolution copernicienne.

(1) Chiffre estimé par Jacques Villain, historien de l’espace.

Alain Cirou

Directeur de Ciel & Espace

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A lire aussi, le hors série du moment :

Origines, comment tout a commencé

et De l'eau sur la Lune - sélection spéciale de Ciel & Espace.

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