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Le Messager : « Tu seras vision, elle sera écriture… »

Publié le 23 février 2010 par Vance @Great_Wenceslas

Le Messager : « Tu seras vision, elle sera écriture… »Un livre de Eliette Abécassis, illustré par Mark Crick, éditions Baker Street 2009.

: Sur le port, une jeune femme croise la route d'Anaël, un voyant. Celui-ci lui raconte son itinéraire et lui confie sa vision, révélant les secrets de son étrange pouvoir.

Sans savoir pourquoi, elle accepte de le suivre pour une traversée qui la conduira vers un monde où le réel et l'imaginaire se rejoignent, pour laisser place au merveilleux et à la légende.

Cheminement intérieur, quête des origines et voyage initiatique...

Une chronique de Vance

Ce livre est un cadeau.

Les circonstances dans lesquelles je l'ai trouvé, discrètement posé dans mon casier à l'école, accompagné d'un mot tout aussi discret mains sincère, suffiraient à expliquer pourquoi j'y attache plus d'importance qu'il ne devrait en avoir. Mais, après tout, c'est ainsi de tous les livres. De toutes les œuvres d'art. Elles font écho au sentiment, aux émotions que l'on ressentait au moment d'entrer en contact avec elles. Le livre, de par sa forme parfaite, s'inscrit précisément dans un processus de communication entre les personnes qui ont été mêlées à son existence, de l'auteur (et ici le dessinateur) à son dernier récipiendaire, en passant par les éditeurs, vendeurs et acheteurs précédents.

On me l'a offert. Pour me consoler, partager un peu de ma douleur et aider le temps à la déliter.

Geste profondément touchant, et juste. De la part d'une " simple " collègue. Qui ne travaille même plus à l'école.

On ne saurait en être plus reconnaissant.

Non pas que ce don efface tous les autres, les témoignages d'affection et les sollicitudes de ces derniers temps. C'est juste que, par son côté décalé, différent, il se détache et prend une valeur considérable.

Le Messager : « Tu seras vision, elle sera écriture… »
Le coin du C.L.A.P. : Ce petit roman, au format poche de 92 pages, je l'ai dévoré.

Une bonne moitié avant Sherlock Holmes (fort heureusement, j'avais cette fois prévu le coup et l'inévitable sac contenant nos lectures était à nos côtés), l'autre le soir suivant, assis bien droit dans mon lit, sachant que la fin surviendrait très tôt.

Le Messager : « Tu seras vision, elle sera écriture… »
L'ai-je aimé pour autant ? Difficile à dire. L'objet en lui-même est fort beau avec ses pages de bonne qualité, agréables au toucher, sa mise en page claire, aux grandes marges et aux caractères larges, sa couverture à volets légèrement glacée sans atours inutiles, dont la 1 e s'orne d'une des splendides aquarelles de Marc Crick, présenté comme photographe, dessinateur et auteur, signant ici, pour la première fois, des illustrations pour un autre écrivain.

Cependant, au départ, il m'a un peu agacé et j'en ai appréhendé la lecture : sa présentation laissait augurer d'une sorte de quête personnelle chargée de symboles obscurs, mais surtout d'une description d'un personnage singulier, qui existe réellement, sorte de gourou mondain conseiller de dirigeants et globe-trotter. De fait, c'est à peu près ce qu'il se passe : la narratrice (l'auteur) se fait aborder par un homme qui la harcèlera gentiment en lui révélant des fragments d'une vision la concernant, concluant sa diatribe par la question : Peux-tu traduire cette vision comme tu la ressens ?

La narratrice, elle-même philosophe, cartésienne et attachée à la vérité, se refuse d'abord à entrer dans son jeu. Mais, progressivement, tout en écoutant la manière dont Anaël se décrit et raconte son passé, elle se met à comprendre les tenants et aboutissants des visions et finit par déterminer qu'elles impliquent non seulement son avenir, mais également son passé, et la manière dont le voyant et elle sont inextricablement liés.

Par ce dialogue, Anaël expose sa propre philosophie, d'une manière presque comique tant elle est convenue, mais qui force le respect par sa sincérité. Certes, on pourrait dire à l'instar de Coluche : Il a des idées sur tout ; il a surtout des idées. Je vous ai sélectionné quelques-unes de ses pensées ci-dessous.

Au final, ce n'est pas tant le portrait de ce singulier voyant qui retient l'attention, mais la manière dont le glissement s'opère entre la réalité un peu floue du départ (la narratrice monte sur un bateau dont elle ne connaît pas la destination) et les escales qui sont autant d'interstices entre le passé légendaire et des bribes d'un avenir indistinct, où s'inscrivent en filigrane les sagesses héritées de traditions ancestrales (africaines) dont Anaël se pénètrera au cours de ses voyages d'enfance. A la suite du dévoilement de ce passé, Eliette insère les briques qui fonderont son avenir, un avenir où elle devra servir de vecteur au message que lui ont inspiré les visions.

Pas de rhétorique fumeuse ni de phrases trop pesantes, le style est fluide et clair. On y parle amour, compassion et compréhension. On y échafaude un futur un peu plus rayonnant.

Ca se lit vite, et les aquarelles offrent une fenêtre chaleureuse et pertinente à des passages parfois vains.

Merci à Delphine.

Le voyant est arrivé sur le port.

Je ne l'aurais pas remarqué dans la rue, je me serais pas retournée sur son passage, je ne l'aurais pas cru s'il m'avait dit qui il était. Je ne lui aurais pas fait confiance, d'emblée, mais je ne me serais pas méfiée de lui. J'aurais pu dire : c'est un homme comme un autre. Et c'est ainsi qu'il se définissait : un homme comme un autre.

Chapitre 2, p. 16 : Anaël parle à la narratrice.

La poésie nous emmène vers nous-mêmes. La religion fait descendre le ciel sur terre.

Chapitre 5, p. 28 : idem.

Le rire [...] nous permet de dire l'indicible. Il nous fait parler du tragique, évoquer ce que personne n'ose dire. Le rire est une force subversive qui surgit en plein quotidien.

Chapitre 13, p. 72 : un homme sans âge révèle son avenir à Anaël.

Tu seras vision, elle sera écriture, vous serez le messager.

Chapitre 14, p. 85 : la narratrice s'exclame, confrontée à une vision d'avenir.

Y a-t-il un sentiment plus vrai que celui d'une mère qui donne le sein à son enfant, se laissant boire et manger, parfois même dévorer par lui ?


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