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Sarkozy en Françafrique

Publié le 26 février 2010 par Juan
Sarkozy en FrançafriqueAprès Haïti, la Martinique et la Guyane la semaine dernière, Nicolas Sarkozy voyage encore, cette fois-ci en Françafrique. Le voici au Gabon, puis au Rwanda. Rappelez-vous ces déclarations, pas si vieilles que cela: « Nous ne soutiendrons ni les dictatures, ni les pays dirigés par des régimes corrompus. [...] Je ne passerai jamais sous silence les atteintes aux droits de l’Homme au nom de nos intérêts économiques. » Deux ans plus tard, la Françafrique est bien là. Le petit crochet par le Gabon est là pour le rappeler à tous.
Le Gabon reconnaissant
En juin dernier, Nicolas Sarkozy avait été hué lors des funérailles d'Omar Bongo. Les sifflets étaient plutôt destinés aux médias français, avait-il expliqué. Il était surtout le seul chef d'Etat occidental présent à cette cérémonie, signe d'un attachement indéfectible. En août dernier, un scrutin présidentiel contesté plaçait Ali, fils d'Omar, à la tête du pays. Des émeutes font une quinzaine de morts (3 selon la police). La France n'avait pas de candidat... officiellement. Le secrétaire d'Etat Alain Joyandet explique que l'élection a été «acceptable». La France est neutre, la Françafrique, c'est fini ! Puis, patatras ! Un avocat lobbyiste historique de la Françafrique, Robert Bourgi, rappelait publiquement et brutalement le gros morceau que tout le monde savait : Jean-Marie Bockel, prédécesseur de Joyandet à la Coopération, a été viré de son poste sur un simple coup de fil d'Omar Bongo l'an passé. La Françafrique est bien vivante. Sur place, Nicolas Sarkozy a démenti tout soutien au fils Bongo lors du dernier scrutin: «J'ai grande confiance dans votre président, mais je défie quiconque de pouvoir démontrer que la France avait un candidat dans l'élection présidentielle. Ceux qui qui disent cela ne connaissent pas l'Afrique et ne connaissent pas la France». Et si c'était justement l'inverse ?
Pour ce voyage, Nicolas Sarkozy est allé s'incliner, évidemment, devant le mausolée de feu le président Omar Bongo Ondimba. Bernard Kouchner est du voyage, lui qui fut salarié - pardon - consultant de l'Etat Gabonais jusqu'à quelques jours avant de prendre ses fonctions de ministre des Affaires Etrangères en 2007. Alain Joyandet accompagne aussi son président. Il commerce souvent avec l'Afrique. Son entreprise de distribution de bateaux de plaisance utilise des bois précieux africains. Au Gabon, Nicolas Sarkozy a promis l'annulation d'une partie de la dette gabonaise en échange d'un programme de lutte contre la déforestation... Sans blague ?
Nicolas Sarkozy aime les dictateurs quand ils sont utiles. Et utile, le Gabon l'est assurément. La semaine dernière, la France a dû se résoudre à fermer sa base militaire au Sénégal. Il ne restera qu'une implantation militaire française en Afrique... au Gabon. Comme le rapporte Régis Soubrouillard (Marianne2), l'Elysée a fait préparer un plan d'action stratégique avec le Gabon pour solidifier son implantation : « appui aux forces armées gabonaises dans un cadre régional » ; « formation de la police et de la gendarmerie dans la perspective de la Coupe d’Afrique des Nations 2012 » ; « bonne gouvernance avec la réforme de l’administration » ;  annulations de dettes « reconverties pour la préservation de la forêt » ; ainsi qu'une flopée de nouvelles aides au développement dans les domaines des infrastructures de transport ou d'énergie. Le Gabon est également un site crucial pour la filière nucléaire française. Et partout en Afrique, la France s'inquiète pour l'avenir de ces ressources cruciales pour la crédibilité de son discours pro-nucléaire. Au Niger voisin, l'Elysée voit ainsi d'un mauvais oeil les tentatives chinoises et iraniennes.
Nicolas Sarkozy a justement visité le «Centre international de recherche médicale de Franceville», le Cirmf. Ne vous y trompez pas. Cet établissement est financé par Total, ainsi que les Etats français et gabonais. Il y a quelques jours, le CIRMF était soupçonné d'avoir déversé des produits chimiques dans la nature. Une filiale d'Areva a porté plainte contre X.
Rwanda, la réconciliation ?
Le pouvoir rwandais n'a cessé d'accuser la France d'avoir été complice du génocide des Tutsis en 1994. Aujourd'hui serait venu le temps de la réconciliation. Certains voient dans cette visite de Sarkozy une mauvaise affaire. Le Rwanda a peu de ressources naturelles, peu d'habitants (9 millions) et n'a jamais été une colonie française. La visite étonne. Nicolas Sarkozy aime les dictateurs quand ils sont utiles. En quoi Paul Kagame est-il «utile» ?
Pendant cette visite, Nicolas Sarkozy a dénoncé les «graves erreurs d'appréciation, une forme d'aveuglement quand nous n'avons pas vu la dimension génocidaire du gouvernement du président qui a été assassiné, des erreurs dans une opération Turquoise engagée trop tardivement et sans doute trop peu». «Ce qui s'est passsé ici est inacceptable, mais ce qui s'est passé ici oblige la communauté internationale, dont la France, à réfléchir à ses erreurs qui l'ont empêchée de prévenir et d'arrêter ce crime épouvantable». Le Monarque reconnaît donc les erreurs de la France, mais ne s'excuse pas. Un curieux concept, très diplomatique. Pas de repentance, Nicolas Sarkozy déteste cela. Un journaliste lui a tendu pourtant la perche, en citant les exemples de la Belgique et de Bill Clinton, qui ont présenté des excuses au Rwanda. Sarkozy s'est agacé : «chaque pays a son histoire». «Nous ne sommes pas ici pour s'amuser, pour faire la course au vocabulaire». Plus tard, lors d'une visite d'un musée retraçant l'histoire du pays, le président français n'a pas bronché quand le guide l'interpela - «à deux reprises» rapporte l'envoyé spécial du Figaro - sur le rôle de la France dans le génocide de 1994. Le visage à peine souriant marqué par ses voyages successifs, la chaleur et la tension particulière de cette visite, Nicolas Sarkozy s'est prêté au jeu de la photo «serrage de main» avec son homologue rwandais.
Au Rwanda, Nicolas Sarkozy souhaite se donner une stature qu'il n'a pas. Le processus de réconciliation entre la France et le Rwanda a été long. Le paradoxe est qu'il fallut attendre un Monarque élu sur une promesse de cesser toute repentance pour en arriver là.
Lire aussi :
  • Nicolas Sarkozy et la Françafrique (Survie.net)

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LES COMMENTAIRES (2)

Par EBOUMA KUKUGN
posté le 28 février à 11:34
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Il fallait être effectivement naïf pour penser que la Françafrique serait vite enterrée par Sarkozy, en dépit de ses promesses. Ne dit-on pas que tout flatteur vit aux dépens de celui qui l'écoute.Les discours de Sarkozy constituent une sorte d'anesthésie destinée à nous endormir. Le croyez-vous capable de scier la branche sur laquelle il est assis? Ce qui importe pour la France ce sont ses intérêts même si ceux-ci peuvent être défendus par un dictateur. ce ne sont pas d'abord les conditions de vie des africains qui l'intéressent. Ce sont les africains eux-mêmes qui doivent se battre pour sortir de leur esclavage. Personne d'autre ne le fera à leur place. Ils ne peuvent le faire avec des gens qui les ont exploités depuis des décennies, les anciens barons des anciens partis uniques. Au Gabon, la plupart de ceux qui se réclament de l'opposition radicale aujourd'hui font partie du groupe qui a mis le Gabon par terre, aux côtés de BONGO ONDIMBA.Ils se sont servis du Gabon pour devenir des multimilliardaire et n'ont pas aidé le défunt Président gabonais à développer le pays. Ils étaient soit Premier ministre soit responsable d'un département ministériel stratégique tel que les TP, l'Education Nationale. Ils condamnent la France aujourd'hui. Qu'ont-ils fait du Gabon quand ils étaient aux affaires, au moment où le pétrole coulait encore à flot? Quelles leçons peuvent-ils donner à ALI BONGO? Beaucoup d'entre eux ont travaillé aux côtés de son père avant lui. Qu'ont-ils fait? Qu'ont fait les MYBOTO, OYE MBA, EYEGHE NDONG, MBA OBAME qui se faisait passer pour le fils de BONGO ONDIMBA. Faites un tour dans les localités d'origine des intéressés. Aucune trace de leur passage aux affaires. Le Département d'origine du secrétaire exécutif de l'Union Nationale ressemble à un campement. Un seul mot peut le caractériser: la misère. La France est-elle responsable de cela? MBA OBAME est l'un des grands concepteurs du système de fraude électorale au Gabon. Aujourd'hui,"opposant", il est victime de son invention. Il a passé plus de 20 ans à combattre farouchement l'opposition. Donc à combattre l'alternance. Ce genre d'hommes politiques ne peuvent sortir les gabonais de la situation actuelle.

Par NKÔT DZINGO
posté le 28 février à 10:59
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L'auteur de l'article restitue la vérité des faits.Je pense personnellement que ceux qui avaient cru à la mort de la françafrique sont naïfs. La françafrique est bel et bien là. Elle a encore de beaux jours devant elle. ce ne sont pas les discours démagogiques de Sarkozy qui me contrediront. La lecture du memorandum des membres de l'Union Nationale et de ceux de l'ACER revèle que ces opposants gabonais s'en rendent effectivement compte. Eux qui croyaient que le pouvoir était à leur portée. C'est pourquoi l'apprenti sorcier André Mba Obame, en dépit de sa longue présence au Gouvernement de Bongo Ondimba, était sûr que le pouvoir ne pouvait lui échapper. Car, disait-il, la clé de la victoire était dans sa poche; Albert Bourgi lui a prouvé que c'est effectivement la France qui fait et défait les rois chez nous. Je crois qu'il doit regretter amèrement les insultes qu'il a adressées aux autorités françaises après les élections du 30 août 2009. C'est ce sujet qui a dû faire l'objet de son entretien avec JOYANDET, dans une villa de la Sablière à Libreville, le mercredi 24 février 2010, à l'insu du Président de son parti, Zacharie MYBOTO. Les opposants gabonais sont certainement revenus sur terre. Le seul à avoir compris la leçon plus tôt c'est bien le leader du Rassemblement Pour le Gabon(RPG), le Père Paul MBA ABESSOLE qui a été confronté à cette situation en 1993 et 1998. C'est une personnalité politique gabonaise à suivre.