Magazine Culture

Une saison blanche et sèche d'André Brink

Par Sylvie

AFRIQUE DU SUD
Une Saison blanche et sèche
Editions Stock, 1979
André Brink est l'une des grandes figures de la littérature sud-africaine. D'origine afrikaner (descendants des colons hollandais, principaux instigateurs de l'apartheid), il fait des études en France et découvre très tôt l'iniquité du système de l'apartheid.
En s'attaquant de front à l'élite blanche du pays, Une saison blanche et sèche fut interdit de publication dès sa sortie. Un récit poignant, quasi journalistique, racontant l'engagement d'un homme blanc pour comprendre la mort de son jardinier noir, a priori tué par les services de sécurité.
Ben du Toit est un professeur d'Histoire sans "histoire" ; marié et père de deux filles, sans grande ambition, il se contente de ce qu'il a. Prônant la discrétion, il cultive son jardin. Jusqu'au jour où sa vie va basculer.
Jonathan, le fils de Gordon, son jardinier noir, est arrêté par la police lors des émeutes de Soweto. Gordon s'insurge contre les autorités en découvrant que son fils est sans doute mort sous la torture.
Puis c'est au tour de Gordon d'être arrêté par la police de sûreté. C'est alors que Ben du Toit sort de sa réserve habituelle et enquête lui-même auprès de la police...quelques jours plus tard, on apprend que Gordon s'est suicidé.
Persuadé qu'il s'agit d'un mensonge et que Gordon a été assassiné, Ben s'engage pour découvrir la vérité. Il est à son tour persécuté par les autorités...
Un beau récit de l'engagement d'un homme blanc pour défendre la cause noire. L'homme solitaire devient un fervent humaniste. André Brink s'inspire d'Albert Camus, qu'il cite plusieurs fois dans son roman ; ayant étudié en France dans les années 60 à la Sorbonne, il est fortement influencé par l'idée d'engagement.
Le personnage de Ben du Toit n'est pas sans évoquerla figure du héros camusien ; à mesure qu'il marche sur le chemin de la solidarité, il devient un homme de plus en plus solitaire qui se coupe de son milieu d'origine. Ce dernier, d'ailleurs, l'ostracise et le punit de l'avoir trahi. Sa famille, ses collègues et l'Etat le condamnent.
Le système narratif du roman est intéressant ; le narrateur est un écrivain à succès, spécialiste des romans à l'eau de rose, qui reçoit en testament les écrits intimes de Ben ; il publie au grand jour l'histoire de son ami pour défendre ses idées et est à son tour menaçé..;On ne peut qu'y voir le double d'André Brink qui publie des histoires critiquant l'Etat Sud-Africain.
Mais Brink évite tout manichéisme : Ben du Toit est aussi attaqué à la fin par la société noire qui l'identifie d'abord à un ennemi blanc. D'autre part, la société blanche n'est pas monolithique : on note bien la différence entre les afrikaners conservateurs et les anglophones, plus libéraux, qui à l'étranger et par l'intermédiaire de la presse, dénonce les abus des anciens boers.
Brink réussit avec talent à mêler destin individuel et collectif en focalisant son point de vue sur la descente aux enfers d'un blanc qui découvre la vérité sur son pays ; le récit, social et politique, évolue vers une sorte de thriller où les pouvoirs en place mènent une véritable chasse à l'homme. A noter également l'importance des personnages secondaires comme Stanley, le conducteur de taxi noir à la marge, vivant de petits trafics, apportant une dose d'humour au roman.
Mes bifurcations
A noter qu'André Brink vient de publier ses Mémoires, Mes bifurcations, qui illustrent son destin d'Afrikaner rebelle.


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Sylvie 700 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazines