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De quoi Ron Paul est-il le nom ?

Publié le 05 mars 2010 par Copeau @Contrepoints
De quoi Ron Paul est-il le nom ? Les médias français s'intéressent plus au projet d'assurance maladie de l'administration Obama qu'à sa contestation populaire. Quand elle n'est pas totalement ignorée, elle est réduite à l'expression désordonnée de quelques « rednecks », de fondamentalistes obtus, de maniaques du port d'armes ou d'anti-darwinistes primaires.

Mais pour une fois, les journalistes français ont quelques circonstances atténuantes. Jusqu'à une date récente, tout l'etablishment politique de Washington observait avec le même mélange de mépris et de condescendance le tea party movement, jusqu'à ce qu'ils prennent conscience de son pouvoir de nuisance. Ce mouvement de protestation spontané, à l'origine plutôt conservateur, antifiscaliste, et anti-élitiste semble s'être invité dans le débat public pour faire tomber des têtes au sommet du parti républicain. Déjà, plusieurs candidats à la législature d'Etat ont du faire les frais de la colère des tea partiers. Charles Crist en Floride, Trey Grayson au Kentuky mais aussi la Californie ou le Colorado ont vu fleurir des oppositions libertariennes aux conservateurs, avec le soutien bienveillant des insoumis.

Plus récemment encore, l'American Conservative Union a organisé comme chaque année le Cpac (Conservative Political Action Conference) qui rassemble activistes, politiciens et supporters de grassroots organizations de droite. Sans être forcément affiliés au parti républicain, ils font vivre le mouvement conservateur, et jauge de la popularité de ses stars du moment. Pour clôturer la convention, les participants ont été sondés sur leur favori aux prochaines présidentielles. Surprise : c'est le représentant républicain du Texas, Ron Paul, qui est arrivé en tête, loin devant Mitt Romney et Sarah Palin. Ron Paul est plus connu pour ses positions libertariennes que républicaines. Il s'insurge régulièrement contre les accointances du parti républicain avec les néoconservateurs, s'est opposé aux expéditions militaires américaines dans le cadre de la guerre contre le terrorisme, et a toujours refuser de voter l'augmentation du budget de l'Etat fédéral. La croissance du pouvoir central lui est insupportable, tant il l'interprète comme une défiguration de l'idéal constitutionnel posé par la convention de Philadelphie de 1787. Libéral conséquent, il milite pour l'abolition de la Federal bank of America. Sa confiance dans le marché libre semble toutefois s'arrêter à la frontière mexicaine : Paul souhaite en effet la dérégulation à l'intérieur du pays, mais reste hostile à l'ouverture complète des frontières.

Pour la plupart des commentateurs, la popularité sans précédent de Ron Paul est un signe. Il incarne la protestation populiste et antifiscaliste qui menace de déstabiliser le parti républicain de l'intérieur, si toutefois elle n'est pas intégrer le plus rapidement possible. C'est pourquoi depuis quelques temps, le discours des élites du parti républicain a changé, et la protestation populaire leur est devenue aimable. De manière assez symptomatique, même le très néoconservateur Weekly Standard qui n'est pourtant pas connu pour ses positions populistes, encense Sarah Palin, qu'il semble assimiler à la même sensibilité populiste. Dans The American Conservative (TAC, 1 avril 2010 "Tea Party Crashers"), MB Dougherty met toutefois en garde conservateurs et libertariens : l'institutionnalisation du tea party movement ne présage rien de bon. Elle révèle même peut être sa vraie nature, à savoir servir l'OPA lancée par le parti républicain contre sa contestation libertarienne. Après plusieurs années au pouvoir, les républicains espèrent peut-être se refaire une virginité aux yeux de leur base électorale en adoptant le discours de la radicalité, comme ils l'ont fait en 1994 avec le contrat avec l'Amérique.

Dans ce petit jeu de dupe, les grands perdants risquent d'être les authentiques défenseurs de la liberté. Une fois de plus, il n'est pas impossible qu'ils servent de marchepied aux ambitions électorales des politiciens professionnels du GOP.

Image : Ron Paul. Image libre de droits.

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