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Afrique : inventer un système éducatif en cohérence avec un autre développement ?

Publié le 05 mars 2010 par Musengeshikatata

05 mars 2010

Afrique : inventer un système éducatif en cohérence avec un autre développement ?

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Commentaire sur l´article de Pambazuka News du 01.03.2010 : "L'éducation et la démocratie devraient être une construction commune" http://www.pambazuka.org/fr/category/features/62669

 

Dans l'esprit de Joséphine Ouedraogo, les défis immédiats posés aux mouvements sociaux africains sont énormes : recréer une façon de faire de la politique, proposer des voies nouvelles pour la participation citoyenne, inventer un système éducatif en cohérence avec un autre développement... A un an du Forum social mondial de Dakar, dont son organisation assume le secrétariat, la secrétaire exécutive d'Environnement, développement, action (Enda Tiers monde) souligne aussi que l’Afrique de base doit être présente à ce rendez-vous qui se tient pour la deuxième fois en Afrique, après Nairobi en 2007.

Il n´existe pas « d´autre développement », il n´existe que le développement ; personne ne marche avec les pieds du voisin, ne parle ou ne mange avec la bouche d´un autre…

Souvent ce n´est pas le résultat immédiat qui compte; les résultat, on peut toujours les discuter et les améliorer. C´est l´effort, l´amour qu´on a mis à chercher sa voie, à collectionner ces détails de peines, de contraintes et de joies qui nous ont conduit à l´aboutissement. Derrière cette riche expérience se trouve ce qu´il y a de précieux en nous : l´amour et la patience déterminée à aboutir à une victoire. Et cela, c´est une richesse inestimable parce qu´on peut toujours l´employer pour vaincre de nouveau. MK  

Bien sûr que l´éducation et la démocratie sont les pièces de la même médaille, seulement, il ne faut pas inverser l´ordre d´entrée dans la phénoménologie sociale réelle ! Ce que les africains font pourtant actuellement en roulant en voitures étrangères et en d´endettant pour consommer importés sans penser le moins du monde à produire eux-mêmes ou du moins aboutir à leurs propres technologie de mobilité, de production de biens et de moyens de développement. Et pour revenir à l´éducation, c´est bien elle qui précède à la démocratie parce qu´elle discute, conquiert et développe les instruments et les moyens de réalisation sociale et individuelle. Et sur le chemin critique de sa réalisation elle s´aperçoit qu´il lui faut un système de valeurs efficace soutenant ses idéaux sociaux et les organisant au mieux autour de la politique et d´un processus déterminé par lequel les forces démocratiques se sécurisent, s´articulent, se discutent et échangent leurs enjeux.

En Afrique on semble, chère madame, mettre la charrue devant les bœufs dans bien de domaines, comme vous le dites si bien en conseillant aux intellectuels de se rapprocher de leurs peuples et de leurs arrières pays. Là où je ne vous suis pas, c´est de prétendre que ces intellectuels doivent employer la langue du paysan ou que l´Afrique devrait suivre ou prendre exemple sur l´exemple de Paulo Freire et sa pédagogie de la libération en Amérique latine…hem, chère madame, on ne peut tout de même pas importer des méthodes d´éducation qui sont propres à une culture et une psychologie culturelle étrangère à l´Afrique pour y résoudre des problèmes d´une tout autre nature socioculturelle ! On peut s´en instruire, certes, mais l´Afrique a sa personnalité culturelle propre. C´est aux intellectuels de faire leurs devoirs d´analyse et de compréhension de leur contexte et offrir aux leurs un système de valeurs éducatives actives et dynamisantes répondant à la fois à leurs cultures respectives qu´aux défis devant lesquels ces cultures se trouvent dans le temps et l´espace. Notons ici qu´abrutir les jeunes africains avec des normes sociales inefficaces est tout aussi empoisonnant pour l´avenir que les laisser analphabètes, sans instruction et formation professionnelle digne de ce nom.

C´est ici que commence le grand problème des intellectuels africains avec la question : savent-ils au moins devant quels défis rationnels, techniques, scientifiques leurs cultures sont confrontés face au développement, à l´industrialisation, à la connaissance et au développement des techniques et des sciences comme principe universel contemporain de réalisation sociale ? Certains intellectuels surmenés pensent qu´il s´agit d´un phénomène de la mondialisation, or on oublie que la mondialisation a commencé en Afrique au 7e-8e siècle avec les invasions et l´esclavage islamique, puis au 15e-16e siècle avec l´esclavage occidental qui dura 400 ans. Qu´est-ce qui fait donc la différence entre la mondialisation primitive d´hier et celle d´aujourd´hui ? Hier comme aujourd´hui on fit l´abus et la chosification économique ; aujourd´hui il s´agit plutôt de tenir les gens à œil et à la laisse en contrôlant leurs marchés, leurs politiques, leurs économies subtilement. Ou de savoir réagir rapidement sur des marchés étrangers. Pour le reste rien n´a changé : les pauvres s´appauvrissaient ou s´endettaient et ne parvenaient pas à se subvenir á eux-mêmes et de l´autre côté avec le système économique et financier de son côté, la technique et les technologies de production, les riches s´enrichissaient de plus en plus. C´est aux intellectuels africains de se rendre compte de ce piège de stagnation et de fourbir des plans efficaces pour en sortir, sinon, quelle est leur utilité ? Certainement pas rouler en limousines étrangères, brader leurs marchés commerciaux et leurs accumulations socioéconomiques aux producteurs étrangers !

Je vous rejoins, chère madame Joséphine Ouedraogo, lorsque vous dites : « En Afrique subsaharienne, les politiques éducatives produisent la même chose que le modèle du système: exclusion, chômage, pauvreté. Même problème, même résultat ». On ne peut pas vous reprocher de ne pas avoir vu et compris exactement ce qui se passe, notamment que l´économie ne marchait pas en Afrique. Or celle-ci ne peut marche que s´il y a technologie et production. Mais si vous dites qu´il faut employer le langage des paysans pour produire ou faire avancer l´économie. Je vais croire qu´il s´agit ici de langues vernaculaires locales, ce qui serait absolument vrai. Mais la technique et la science ont le même langage partout dans le monde : un sens rationnel, descriptif normé des processus et des applications ; croire qu´on peut se développer ou produire mieux sans instruction, sans formation professionnelle et technique appropriée…on a joué à ce jeu en Afrique jusqu ici en abandonnant l´agriculture et l´élevage aux incultes et aux analphabètes, cela n´a en rien fait avancer les choses. Il faut donc redoubler d´efforts dans la formation professionnelle et la qualification de la main d´œuvre en Afrique afin que l´efficacité et la qualité fassent enfin leur apparition.

Au-delà de tout cela se trouve l´économie qui n´est rien d´autre que la mise en jeu de facteurs et de moyens permettant d´arriver à produire et satisfaire aux besoins et nécessités contemporaines de la vie. Si au départ on achète et dépense les produits étrangers et méprise les siens propres, ceux-ci ne vont ni trouver acquéreur, ni inciter aux investissements incessibles dont ils ont besoin pour s´épanouir sur le marché. L´éducation est aussi un produit de l´organisation culturelle sociale née de l´évidence qu´il faut donner des instruments de connaissance, de formation professionnelle, de compréhension et capacités rationnelles aux membres de la société afin qu´ils viennent remplir plus ambitieusement le rôle individuel et social qui les attend. Mais derrière cette éducation, ce qui est absolument important est la conscience culturelle de l´élite qui a mis les paramètres éducatifs à jour et les rajuste en permanence pour les adapter aux défis progressifs des temps ; cette élite, en effet, doit être animée du devoir de mettre entre les mains de la société autant que celle de l´individu d´un instrument d´éducation, de normes efficaces, ambitieuses mais aussi réalistes et flexibles permettant au fameux jeu de miroir social de ne pas enfermer la société ou l´acteur social individuel dans un piège de suffisance et de reproduction servile, mais bien d´encenser la créativité, la joie intellectuelle, esthétique et professionnelle ouvrant tous sur un amour de soi, de la beauté, de la perfection, de l´invention et de la curiosité permanente comme lieu d´assouvissement et de réalisation individuelle et sociale.

A mon sens, et sûrement issu du fait que les cultures africaines sont en retard technique et scientifique, les intellectuels africains ont tendance á ne pas prendre les choses par les racines et rester conséquents. Pourquoi ? Mais parce qu´ils se réalisent, la plupart du temps, hors de l´univers culturel et économique des leurs. Leurs livres sont étrangers, leurs diplômes aussi, leurs voitures, la langue administrative qu´ils emploient pour gérer et gouverner l´Etat, etc. Et ils sont bien conscients que l´étranger les juge et les manipulent en exerçant une certaine influence politique et économique sur eux, tandis que les leurs, eux ne savent pas exactement estimer ce qu´il faut faire ou comment il faut le faire pour aller de l´avant. Ces intellectuels doivent revenir sur terre, cela va de soi. Après tout, ils ne sont rien d´autre que des enfants de ce même peuple qui leur réclame, au nom de la légitimité du pouvoir qu´ils exercent ou leur vocation d´intellectuel, qu´ils les organisent et dirigent l´avènement de leur meilleur épanouissement. Derrière tout cela se trouve bien une question de fierté culturelle et intellectuelle, d´amour des siens et de soi-même comme savante projection de la société. Les intellectuels africains doivent bien se demander s´ils sont capables d´exercer leurs devoirs adéquatement et si on peut leur faire confiance. Est-ce réellement le cas actuellement ? Il ne faut pas croire que pour être un intellectuel il faut seulement parler les langues coloniales, arborer un diplôme dont on n´arrivait pas à prouver l´utilité, consommer étranger, courir de conférence en conférence inutile et rouler en limousine étrangère pour mériter la reconnaissance et les acclamations de son peuple. C´est tout de même plus que cela !

Musengeshi Katata

« Muntu wa Bantu, Bantu wa Muntu »

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Posté par Musengeshi Kat à 11:55 - Le tissu économique de l´avenir - Commentaires [3] - Rétroliens [0] - Permalien [#]
Tags : Afrique, culture, démocratie, développement, Joséphine Ouadraogo, économie, éducation

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