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Ma réponse aux Géographes de Bretagne

Publié le 09 mars 2010 par Chacalito

Europe-Ecologie-BreizhCandidat sur la liste du Morbihan et moi-même adhérent de l'association Géographes de Bretagne, je me devais de répondre au courrier qu'Yves Lebahy a lancé aux candidats. La lettre officielle d'Europe Ecologie Bretagne sera publiée ou non, mais je me permets de publier ici, sur mon blog, ma réponse par respect pour ma formation initiale. Après tout, il ne reste que 5 jours avant le premier tour donc c'est maintenant ou jamais.


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Lorient, le 4 mars 2010

Objet : réponse à l’association des « Géographes de Bretagne » au sujet des élections Régionales.

Chers collègues géographes,

N’ayant pas connu l’époque du CELIB, je me plais à imaginer cette période d’espoir durant laquelle géographes, politiques et acteurs du monde économique ont lutté pour faire reconnaître des spécificités bretonnes dans un Etat hyper-centralisé. Il est indéniable que ces acteurs, par la seule volonté politique, ont réussi à sortir la Bretagne du marasme économique.

L’esprit du CELIB, j’en suis persuadé, est toujours présent et se manifeste sous forme de frondes sociales et de mobilisations tant sur la désertification hospitalière que judiciaire ou sur la privatisation de la Poste, bref sur le refus d’un monde ultra-libéral. Mais loin d’être simplement contestataire, cet esprit se traduit par les constructions ici ou là d’alternatives portées par des associations (AMAP, Système d’Echanges Locaux…) que j’ai toujours suivies avec attention. Les écoles Diwan (le germe) sont un parfait exemple de l’inventivité de la société bretonne refusant la résignation.

Les Régions ont ici un rôle essentiel à jouer car elles sont l’échelon pertinent pour répondre efficacement aux urgences auxquels nous faisons face. L’UDB le clame depuis 45 ans et pour la première fois de l’histoire, l’ONU vient de s’aligner sur cette position au sommet de Copenhague.

Croyez bien que je partage vos constats tant en matière d’urbanisme et d’étalement urbain qu’en matière de politique maritime. Toutes ces problématiques font en réalité partie d’un tout, d’un système. Emprunter une route équivaut à ne pas s’attarder sur les autres et je pense que notre société est dans une impasse et refuse de l’admettre. Mon engagement à l’UDB et consécutivement dans ce rassemblement Europe-Ecologie Bretagne repose sur la volonté de proposer des alternatives à ce système :

- Alternative au système de gouvernance centralisé qu’a adopté la France. La centralisation a vidé les territoires de leur matière grise, de leur originalité culturelle ou sociale et conduit à la monopolisation par quelques villes des bénéfices produits par tous. « Paris nous pompe » n’est pas un slogan très flatteur, mais il n’en reste pas moins vrai. Je milite au contraire pour une autonomie qui laisse la possibilité aux Bretons de décider d’une part de leur avenir eux-mêmes. Régulièrement accusé d’être féodaliste, je constate au contraire que les parlements régionaux seraient un formidable contre-pouvoir et permettraient de renforcer la démocratie remise en cause petit à petit par Nicolas Sarkozy. Lui qui se targue d’être républicain ferait bien de relire Montesquieu ! Créer des métropoles, c’est adopter un système féodal, créer l’autonomie, c’est appliquer le principe de subsidiarité.

- Alternative au capitalisme qui laisse sur le côté les personnes les plus fragiles. Aujourd’hui, les acteurs politiques se contentent trop souvent d’accompagner les décisions économiques rabaissant le Politique au rang de subalterne de l’Economique. Ce suivisme et le manque d’imagination ont abouti à la situation que vous décrivez si bien dans votre courrier : polarisation des activités économiques, éloignement des jeunes des centres actifs, urbanisation insoutenable sur le littoral, désertification du centre-Bretagne, zonage de l’espace de façon arithmétique et non plus humaine, continentalisation et métropolisation à Rennes et Nantes…

- Alternative au découpage technocratique du territoire français. Retrouver un rapport à notre environnement et ainsi faire coincider administration et territoire vécu me semble primordial. D’où mon engagement en faveur de la réunification de la Bretagne. L’UDB a, en 2007, proposé une alternative au découpage de « l’ouest français » : réunification des deux Normandies, réunification de la Bretagne, intégration de la Vendée (Bas-Poitou) au Poitou-Charentes et création d’une région Val de Loire. Une proposition comme une autre qui mérite au moins qu’on s’y attarde.

- Alternative au tout routier. La réunification est une opportunité de réouverture sur la mer. A l’heure actuelle, aucun plan stratégique du Conseil régional n’intègre le port de Nantes-St Nazaire, administrativement… ailleurs ! Or, il est impossible de mener une politique maritime cohérente sans en tenir compte. Le cabotage, par exemple, est un serpent de mer que chaque liste ressort lors des élections. Pour quel résultat effectif ? L’idéal serait que le Conseil régional se dote d’une flotte de caboteurs et puisse enfin changer les règles du jeu car il faut être conscient qu’en adoptant la règle internationale, les ports Bretons sont condamnés. Il faut donc trouver un moyen d’associer les chargeurs routiers au transport maritime pour éviter les concurrences route-mer et enfin cesser ce jeu stupide qui consiste à adapter nos ports aux navires ! Dans quel système ubuesque vit-on ?

- Alternative à l’axe ouest-est Breton. La Bretagne, région maritime, était historiquement tournée vers la mer. La concentration des pouvoirs de décisions à Paris et aujourd’hui à Bruxelles a tourné la Bretagne vers l’est et s’est accompagné du développement d’infrastructures, notamment ferroviaires, vers ces deux capitales. Résultat, il est aujourd’hui plus rapide d’aller de Lorient à Paris en train que de Lorient à Lannion ! La réhabilitation des lignes ferroviaires Nord-Sud m’apparaît donc comme une priorité du mandat à venir. Ces lignes permettraient en outre de s’insérer plus efficacement dans l’Arc Atlantique, projet politique qui ne parvient pas à s’imposer, parallèlement à la centralisation bruxelloise ou à l’élargissement à l’est de l’Union.

- Alternative au productivisme agricole. En premier lieu, il faut favoriser la consommation de produits locaux, non par préférence nationale, mais bien par nécessité écologique. Notre empreinte écologique doit être la plus faible possible à l’heure où les Etats les plus riches font peser sur le monde entier un risque de catastrophe climatique majeure. Le paysan (Breton), longtemps considéré comme un plouc regagne aujourd’hui ses titres de noblesse eut égard à son utilité sociale : fixation d’une activité sur le territoire, production de qualité, emploi non délocalisable… C’est pourquoi le Conseil régional doit engager un processus de valorisation de l’agriculture soutenable et encourager les productivistes à reconvertir leur activité.

- Alternative à la résidentialisation et au tourisme de masse. L’économie de villégiature a conduit au mépris du territoire et à une urbanisation complètement irraisonnée. La tempête de la semaine dernière est une preuve de plus que lutter contre les éléments est une chimère et il ne tient qu’à nous d’adapter l’urbanisme à notre environnement et pas l’inverse. Pour ne prendre qu’un exemple, on se souvient du sort du centre aquatique de Trégastel, les pieds dans l’eau, lors de la tempête de 2007. Foncier de Bretagne, l’établissement public, devrait permettre d’apporter quelques réponses à ces problèmes. Favoriser la mixité générationnelle plutôt que de laisser faire la ségrégation spatiale actuelle (taux de résidences secondaires phénoménaux dans certaines communes) permettrait sans doute d’éviter la mono-activité, celle qui « tue l’activité permanente » pour reprendre les termes de Jean Ollivro.

- Alternative énergétique. La Région Bretagne doit prendre sa part de responsabilité et tenter d’enrayer le gaspillage énergétique. Pour cela, il serait utile de revoir notre rapport au transport et à la vitesse. En effet, ce que l’on a appelé « progrès » durant des décennies nous a conduit à adapter la ville à la voiture de même que s’adaptent aujourd’hui les ports aux navires. Une fuite en avant qui est digne d’une pièce de Ionesco… Les jeunes ménages sont rejetés dans les terres et alimentent des villes dortoirs dans lesquelles le travail est absent et les condamnant à se déplacer toujours plus loin. Or, l’énergie que l’on ne produit pas n’est-elle pas la moins polluante ? En parallèle d’une véritable politique énergétique, la Région Bretagne devra donc se pencher sur ces économies d’énergie : reconstitution des bocages permettant de meilleurs rendements contre le vent, vision stratégique du transport permettant des coopérations plutôt que de la concurrence, concentration et réhabilitation de l’habitat, répartition du travail sur l’ensemble des pays...

- Alternative à l’uniformisation culturelle. La Bretagne est riche de ses identités et il est triste de constater que les Bretons ne s’en rendent souvent pas compte. Au folklore, nous opposons une réelle prise en compte culturelle. Réconcilier Nature et Culture n’est plus une option, mais une nécessité eut égard aux urgences écologiques, sociales et économiques que connaît notre planète. Or, les langues sont les principaux vecteurs de ce territoire : parler une langue, c’est lire un paysage !

Je terminerai cette lettre par un appel à l’aide. Vous n’êtes pas sans savoir que Nicolas Sarkozy prévoit une réforme des institutions qui devrait prendre effet à partir de 2014. Or, ce projet ne règle pas le mille-feuille institutionnel (puisque le département jugé inutile par de nombreux observateurs perdure). Il complexifie davantage la lisibilité politique en créant des « métropoles » aussi puissante que des Régions et même plus puisque le fait régional, eut égard au mode de scrutin, risque de n’être à l’avenir qu’un doux rêve. Or, si je suis persuadé que notre empreinte écologique doit être la plus faible possible, je crois au contraire que nous avons tous le droit d’imprimer notre empreinte culturelle sur nos territoires. La Bretagne, terre de marins et de paysans, terre de solidarités et de cultures devrait-elle être uniformisée par un Etat qui ne reconnaît la diversité culturelle qu’à des dizaines de milliers de kilomètres ? J’espère que vous nous aiderez à dénoncer ce projet réactionnaire et dangereux pour la démocratie.

Ma gwellañ sonjoù a hetan deoc’h.

Gael Briand

Candidat de la liste Europe Ecologie Bretagne.


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