Avec un portfolio plutôt bien garni, Saddo fait partie de cette génération qui fait beaucoup avec peu de matos ! Pluridisciplinaire et inspiré, voilà un bout de temps qu’il roule sa bosse sur papier, toile, bois, collage ou peinture aérosol.
Originaire de Roumanie et exilé à Berlin, son style Funky-Bizarre où personnages aux allures de brûlés vifs évoluent dans un univers organico-industriel sur une constellation lointaine, nous a de suite interpellé.
Rencontre avec ce touche-à-tout représentatif d’une scène actuelle qui aime se jouer des codes.
Salut Saddo, première question = question classique : Quelle heure est-il à Berlin ?
Hey, tout juste 21h30.
Peux-tu rapidement nous parler de ton parcours ?
Je n’appellerais pas ça un parcours, mais une succession de faits plus ou moins hasardeux, avec ce que cela comporte de temps forts ainsi que de moments plus sombres. Je ne suis pas certain de savoir vers où cela me mène, mais ce dont je suis certain c’est que je n’arrêterais pas..
Etant originaire de Roumanie, tu t’es cependant installé à Berlin depuis quelque temps, en es-tu satisfait ?
Non pas vraiment, en même temps je ne sais pas précisement ce que j’attendais en venant m’installer ici. Certes Berlin est une belle ville d’un point de vue touristique ou lorsqu’on est un natif d’ici, que l’on parle la langue, que l’on a des amis de longue date, etc…
Mais aujourd’hui, j’en suis plutôt déçu, pas envers la ville en elle-même, mais plus envers ce qui m’a été permis de réaliser ici. C’est un bon endroit pour créer, rencontrer des gens, sortir en club (bien que je n’avais aucune expérience avant d’habiter à Berlin). Cependant je pense revenir à Bucharest d’ici peu, histoire de pouvoir réfléchir au calme à mon évolution de carrière et non pas au moyen de payer ma bouffe et mon appart.
Ton travail, à l’image des personnages que tu peins, semble en constante mutation, que ce soit dans le style ou la méthode, tu as tendance à t’ennuyer rapidement ?
Effectivement, peindre de la même façon pendant plusieurs mois n’est pas facile pour moi car je ressent toujours l’envie d’essayer de nouveaux trucs, de nouvelles techniques, m’adapter à de nouveaux supports. Je suis aussi influencé par tout un tas d’artistes d’horizons différents, ce qui me pousse à constamment me renouveler !
Parle-nous de l’illustration que tu as faite pour nous sur le thème Jekyll et Hyde ?
Je n’y ai pas vraiment réfléchi avant de commencer (ce que je fais habituellement avec mes autres pièces). J’avais par contre une idée générique de ce qu’était « Jekyll et Hyde » en tête, ce sur quoi je suis parti, en tentant de ne pas rester trop conventionnel.
J’ai représenté Hyde comme une agglutination démoniaque camouflée dans l’ombre guidant Jekyll dans ses actions quotidiennes. Puis, j’ai ensuite eu l’idée de faire une tâche de sang et un couteau pour illustrer la conséquence des pêchés commis par cette entité, le tout au-dessus d’une petite ville tranquille loin de se douter de la menace que Hyde représente pour ses citoyens.
Ton travail est aussi propre et appliqué, quel temps en moyenne passes-tu sur un dessin ?
En fait, ce n’est pas si propre et appliqué qu’il n’y paraît. Pour ce qui est du temps, je ne regarde pas ma montre lorsque je dessine et bien qu’il me semble que je travaille rapidement, un dessin peut me prendre plusieurs jours.
Tu parlais précédemment de ta faculté à constamment changer de techniques et de supports, mais y en a t-il une que tu privilégies actuellement ?
Cela dépend beaucoup de mon humeur ou du type de pièce que je suis en train de réaliser. Si j’ai envie de faire quelque chose de vraiment détaillé et illustratif, je choisis le papier (comme par exemple pour l’illustration Jekyll et Hyde), par contre si j’ai envie d’expérimenter ou de travailler sur les textures, j’utilise le bois et la toile.
Dans le futur, j’aimerais peindre un énooorme mur. J’ai bien entendu déjà réalisé de grandes fresques murales, mais jamais quelque chose de véritablement immense et extrêmement détaillé…
En parlant de format, les collages que tu réalises sont aussi plutôt imposants (certains étant quasi de taille humaine). Et pourtant tu le fais à l’unité, de manière artisanale, ce qui doit être d’autant plus frustrant lorsque ceux-ci sont décollés ou arrachés… Est-ce important pour toi de garder cet aspect traditionnel ?
Tu sais j’ai commencé le collage par des prints… Bon il est vrai que je travaillais dans une imprimerie, ce qui me facilitait la tâche pour réaliser mes artworks à coût zéro.
Enfin toujours est-il que je ne considère pas vraiment mes affiches comme de l’art, ce qui aide à ne pas trop m’y attacher. Et puis le travail que je réalise ne se prête pas vraiment à la multiplication. Du coup aujourd’hui voir mes dessins tirés sur des prints me paraîtrait vraiment bizarre.
Lorsque tu aperçois quelqu’un dans la rue observant un de tes collages, ou un de tes murs, qu’espères-tu secrètement provoquer dans sa tête ?
Evidemment j’aimerais que ça lui plaise ! Après si ce n’est pas le cas, je ne vais pas lui en vouloir. La rue appartient à tout le monde, et chacun (plus ou moins) est libre d’y faire ce qu’il désire, et ensuite d’aimer ou de détester, d’admirer ou d’arracher.
D’ailleurs de quel oeil observes-tu le balai du street-art aujourd’hui ?
Hmmm…. Je n’y ai jamais vraiment prêté attention. Je ne suis pas un old timer dans le milieu du street art, car j’y suis actif depuis à peine trois ou quatre ans.
Enfin je pense néanmoins que cela reste extrêmement motivant, poussant chaque artiste à se surpasser pour pouvoir sortir de la masse. Et puis cela permet également à des personnes talentueuses de pouvoir se faire repérer et de vivre de leur art. C’est un bon moyen pour attirer l’attention sur soi aujourd’hui.
Tu es également plutôt bien connecté sur tout ce qui est réseaux sociaux, blogs et communauté d’artistes. Est-ce important aujourd’hui d’être tant assidu sur la promotion web ?
Oui bien sûr. Cela m’a permis de faire de nombreuses connections, de rencontrer d’autres artistes, d’être contacté par des galeries et puis aussi de vendre certains de mes travaux… J’ai même rencontré ma copine sur un réseau d’artistes, alors imagine !
Un vrai geek quoi… D’ailleurs l’autre fort du geek est d’être pas mal axé sur le symbolisme, et effectivement on retrouve bon nombre de symboles récurrents dans ton travail. Une explication ?
Euh, non pas vraiment…
Et alors avec les zombies ? C’est un peu ton personnage fétiche quand même…
Les zombies c’est mon truc ! Une sorte de plaisir solitaire auquel je m’adonne bien souvent en effet !
Ce que j’aime surtout avec eux, c’est la possibilité de réaliser de nombreux détails complètement irréalistes avec leur visage !
Après, on peut y voir un message sociétal ou politique, qui ne constitue pas ma première approche, mais auquel on peut faire référence. Par exemple, ma dernière série de zombies s’intitule « Zombies in Berlin » et symbolise les Hipsters / Bobos qui se donnent tant de mal pour paraître cool et différents mais qui finissent tous par être de pur véritable clone ! Après, je m’en fous pas mal. Par contre je trouve qu’en effet le personnage du zombie leur va à merveille, à la fois cool et pas original !
Comment décrirais-tu ton univers en un mot ?
Oh… Je sais pas pas, Eclectique peut-être ?
Notre société en un mot ?
Conditionnée
Le monde de l’art en un mot ?
Accablant
Et finalement le dernier mot pour la fin ?
Achète !
Question bonus: quelle question aurais-tu aimé que l’on te pose ?
Quelle est ma couleur préféré ? (à vous de trouver)
Saddo Behance
Saddo Society6
Saddo Flickr
Jeu de briques
Snake
Pacman
Bubble