Magazine Science

L'Inde dans les mathématiques

Publié le 10 mars 2010 par Olivia1972

Alors que l’école mathématique décline dans le reste de l’Inde, elle prospère dans le Kerala entre le XIVème et le XVIIème siècle. Il faut mentionner Madhava de Sangamagramma (1340-1425), dont les travaux ne sont pas très connus alors que leur intérêt vient du fait qu’ils sont antérieurs au développement du calcul infinitésimal à l’ouest. Trois siècles avant Newton, Madhava connaissait les séries sin x = x x puissance 3 divisé par 3 !, plus x puissance 5 divisé par 5 ! etc.


Il connaissait aussi la série pour l’arc tangente (pour nos lecteurs qui auraient séché des cours de maths, la fonction tangente de x est x= sin(x)/cos(x) et la fonction arc tangente est -tout simplement- la fonction réciproque de la restriction de la fonction tangente !), que J. Gregory devait retrouver en 1667. Les mathématiciens d’aujourd’hui considèrent que Madhava est l’un des fondateurs de l’analyse moderne et qu’il est un des rares mathématiciens à disposer d’une intuition aussi développée que celle de Ramanujan.

Ramanujan02.jpg

Srinivasa Ramanujan (1887–1920) est un personnage essentiel de l’histoire des mathématiques en Inde. Nous avions déjà consacré un article à ce mathématicien en juin dernier (http://www.indiablognote.com/article-32081097.html). Malgré son décès prématuré dans sa 33ème année, il a laissé une œuvre considérable et extrêmement originale, faisant preuve d’une intuition incroyable, qui laisse perplexe sur la manière dont pouvait fonctionner son cerveau.


Il est né dans le Tamil Nadu. Sa famille, de caste élevée (Brahmane), était très pauvre. Sa mère, astrologue, a certainement été la première à éveiller son intérêt pour les nombres. Après une scolarité au cours de laquelle son unique intérêt était les mathématiques, ayant négligé toutes les autres matières, il échoue à l’examen d’entrée à l’Université de Madras. En 1903, il se procure un livre de G.S. Carr,
A synopsis of elementary Results in Pure and Applied Mathematics, qui va profondément l’influencer, notamment dans sa conception même des mathématiques. Ce livre compile des listes d’énoncés sans démonstration, représentant autant de défis pour Ramanujan, qui va s’attacher à démontrer chacun des 6165 théorèmes, sans aide extérieure.


La plus grande partie des
notebooks de Ramanujan se présentera sous une forme semblable, avec des énoncés sans démonstration. Ce style peut rappeler d’ailleurs celui des sutras utilisés par les mathématiciens indiens dans les anciens temps. Dans le même ordre d’idée, l’habitude qu’avait Ramanujan d’utiliser une ardoise est aussi dans la tradition des anciens hindous.


De 1903 à 1914, alors qu’il passait d’un emploi à un autre pour gagner sa vie, il consigne dans ses notebooks 3254 résultats mathématiques. Ses recherches sur les
séries divergentes seront plutôt un obstacle pour qu’il soit reconnu par les mathématiciens établis. En 1912 il obtient un emploi de bureau dans un service financier de Madras, et il ne reçoit une bourse de recherche de l’Université de Madras qu’en 1913. L’année suivante il est invité par G.H. Hardy à Cambridge, et l’Université de Madras lui donnera une bourse pour cela. Pendant les cinq années qu’il va passer à Cambridge avec Hardy, il publiera 21 articles, dont cinq avec Hardy. En 1916 il est diplômé de l’Université de Cambridge grâce à son mémoire sur les nombres hautement composés, puis il reçoit le prestigieux Fellowship of the Royal Society en février 1918. Il est élu Fellow of Trinity College en octobre de la même année.


Quelques mois plus tard, malade (peut-être de tuberculose), il rentre en Inde, ou il décèdera le 26 avril 1920.

Ses travaux font preuve d’une grande originalité. D’après Hardy, en algèbre l’essentiel du travail de Ramanujan concerne les séries hypergéométriques (identités de Douglas-Ramanujan et Rogers-Ramanujan) et les fractions continues.


La
méthode du cercle, une des plus puissantes méthodes de théorie analytique des nombres, trouve sa source dans ses travaux avec Hardy. Une part importante de ses recherches concerne la théorie des partitions. Les identités de Rogers-Ramanujan sont découvertes par Ramanujan dès 1914. Sa conjecture sur la fonction tau sera démontrée en 1974 par P. Deligne.


En ce qui concerne ce qu’on appelle l’équation de Ramanujan-Nagell, Ramanujan avait trouvé les seules solutions en entiers positifs et cela a été établi par T. Nagell en 1948.


En 1976, G.E. Andrews découvre à Trinity College (Cambridge) dans les documents
provenant de la succession de G.N. Watson les cahiers de Ramanujan. Il s’agit de 138 feuilles de papier contenant quelques 650 énoncés écrits en Inde par Ramanujan au cours de la dernière année de sa vie ; ces théorèmes, énoncés sans démonstration, continuent d’être étudiés aujourd’hui.

Le grand mathématicien français André Weil (1906 – 1998), qui avait passé deux années dans une université indienne évoquera « le potentiel intellectuel illimité de cette nation et la possibilité de voir l’Inde prendre bientôt une place de choix dans la communauté mathématique internationale ».

L_Schwartz_4.jpg

Le Tata Institute de Bombay a bénéficié, dès ses débuts, du soutien de nombreux mathématiciens français parmi les plus influents. Dès les années 50, Laurent Schwartz (photo) y fit plusieurs séjours, suivi de H. Cartan, Bruhat, Koszul, P. Samuel, B. Malgrange, J. Dieudonné, Gabriel, M. Demazure, et bien d’autres, invités par le directeur de l’époque, K. Chandrasekharan.

Source

Michel WALDSCHMIDT « Les Mathématiques en Inde et la Coopération Franco-Indienne en Mathématiques », Décembre 2002


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Olivia1972 1305 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte