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Improvisation.

Par Ananda
  plonger en soi, trouver les mots, s’en aller, ne pas s’arrêter, puiser dans les mots, en soi ou ailleurs, peu importe d’où ils viennent, écrire ainsi, aube fracturée, nuit assagie, où, quand, comment, peu importe, il faut écrire, se laisser porter par la grande vague, la déferlante des mots, la déferlante de la musique, écrire, il faut ciseler ces terres encore arides, il faut les ciseler, en extraire lave et silex, aplanir la matière qui te tente, démonter la mécanique de la peur, il y a là-bas en toi, des rythmes saturés de toutes les semences de la parole et du vertige, écrire donc, ne pas s’arrêter, les mots gangrènent la page, les mots dévalent, comme des divinités éblouies, le long de tes artères, il y a là-bas, des blessures si vives qu’elles ont aboli toutes les métamorphoses du sanglot, peu importe, écrire, ne pas s’arrêter, tu as longtemps cru qu’il te suffirait d’ériger un temple pour fasciner le sang, tu as longtemps cru qu’il te suffirait de délaver ses yeux avec des fragments de bleu, tu as longtemps cru qu’il te suffirait de délibérer les réquisitoires de la douleur, mais peu importe, il faut écrire, ne pas s’arrêter, il faut que les mots, comme un troupeau de bêtes ensauvagés, martyrisent la page, que l’écriture soit un lieu de dépassement, il n’y aura ici ni intermède, ni interruption, rien ni personne ne résistera à l’ordalie des mots, écrire, écrire, encore, toujours, ici régnera, sous ta chevelure devenue coupole, tout ce qui est fluide, tout ce qui est lumière, toutes les règles sont des impostures, toutes les lois des mensonges, écrire, ne pas s’arrêter, puiser en toi mais pas seulement en toi, puiser dans cette beauté qui renverse les tristes présages de la mort, puiser dans ce linceul dont l’étreinte est semblable au friselis des ailes de la nuit, écrire, ne pas s’arrêter et j’ai parfois vu là-bas la grande drive de ces rêves encombrés de ronces et de lianes et j’ai parfois vu là-bas un crépuscule cannibale altérer la mer et ses lamentations et j’ai parfois vu là-bas le souffle enragé d’un minuit constellé de boutures d’astres et j’ai parfois vu là-bas tous les jaillissements d’une apocalypse avortée et j’ai parfois vu là-bas tant de choses qu’il faudrait bafouer la langue, qu’il faudrait leurrer toutes ses avanies, qu’il faudrait la décharner, livrer la langue à la meute des mots, qu’ils l’assassinent, qu’ils le transforment, qu’ils les rendent malléables à ma volonté, qu’ils dépoussièrent la langue pour en faire une lumière qui éclipse toutes les semonces de la raison mais en attendant, écrire, ne pas s’arrêter, puiser en toi, ou ailleurs, les mots, toujours les mots, ne pas s’arrêter, il y a là-bas en toi un fleuve, mais plus que ca, il y là-bas en toi des univers, qui dépeuplent la chair et étendent l’espace de tes cauchemars, il y là-bas en toi les ferments de l’infini, tu es sans doute possédé mais peu importe, écrire, ici ou ailleurs, où, comment, pourquoi, peu importe mais ainsi ravaler la multitude, le délire, la soif, l’amour, la pénitence, le désir, les rêves, la révolte, ravaler tout, tout, ravaler ce trop plein, tu es sans doute possédé mais peu importe, ravaler donc ce trop plein, ces terres excessives et embourbées pour en faire une parole, pour forger le devenir d’un poème, du poème, écrire donc, ne pas s’arrêter, surtout pas.


Umar TIMOL.


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