L’AUTRE DUMAS de Safy Nebbou

Après la confrontation tendue Bonnaire/Frot, Safy Nebbou remet cela, filmant au plus près le duo/duel entre Depardieu et Poelvoorde, tout deux épatants en inséparables meilleurs ennemis, rongés dans leur chair par une relation d’amour/haine surpuissante suivant le mouvement complexe création/révulsion. Alors oui, Nebbou ferme les yeux sur des pans essentiels de la condition de Dumas (créant la polémique en choisissant Depardieu pour incarner l’écrivain qui était métis), et le fait souvent passer pour un opportuniste un peu lubrique. Mais, sa justesse d’observation concernant les liens unissant les deux hommes atteint, le plus souvent, des sommets d’intelligence. Grâce aux prestations complexes et formidables de ses comédiens, il saisit au vol toute la jalousie empreinte de tendresse que partageait ce couple d’écriture, incapable de (presque) rien l’un sans l’autre et dévoré par le ressentiment et le besoin de vampirisation. Dumas sans Maquet, Maquet sans Dumas, c’est finalement une figure incomplète, vidée d’une substance qui ne marche qu’à l’unisson, prise dans les rouages d’une séduction latente de l’autre, un peu comme l’élève qui cherche à surpasser le maître, le cadet souhaitant impressionner l’aîné, le faible et le fort comme autant de faces d’une même médaille, enchaînés l’un à l’autre, le dominant et le dominé, interchangeables, impossibles à séparer. Autour d’eux, des femmes, des mots, des révolutions et des complots qui viennent alimenter une intrigue captée au plus près des visages et des sensations, successivement étouffante, brillante, nerveuse et contemplative. Et un Poelvoorde merveilleux en amoureux transi, déchiré par la passion dévastatrice d’idéaux intouchables, les promesses des feux (des exaltations de l’amour et de la gloire) réduites en cendres par son double, son miroir, son complément, un Dumas touchant et fragile derrière l’esbroufe d’une signature.