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Erreur de jeunesse 2 : Vivre sur son secteur de travail

Publié le 15 mars 2010 par Yann Frat / Un Infirmier Dans La Ville

Là aussi quand on débute, on se dit que ça serait trop le rêve : travailler directement dans sa rue, dans son quartier... Pas de bouchon le matin, pas de bouchon le soir: juste se réveiller et sauter dans sa voiture...

Oui, bien sûr...
...
...
Mais non, en fait non, surtout pas.

Vivre sur son secteur de travail c'est aussi (et surtout!) croiser les patients tous les jours alors qu'on ne travaille pas, patients qui en général on toujours des tonnes de choses à vous dire quand vous faites vos courses ou quand vous êtes pressé... Des choses passionnantes en plus à base de "j'ai pas été la selle depuis trois jours" à "j'ai une plaie en haut de la cuisse, là vous voyez?" et puis "mes jambes, elles n'ont pas gonflé mes jambes non? vous en pensez quoi vous?" etc, etc, etc...

En plus, au bout d'un moment (disons 6 ans au hasard tiens) vous avez tellement réduit le nombre de rues autour de chez vous pour passer quand vous êtes de repos ("Ouh là je ne passe pas là, Mme B vient de mourir et la famille va m'accrocher", "pas dans celle là non plus la vieille madame Z marche l'après-midi avec le kiné et j'en aurais pour deux heures"...) que techniquement vous ne pouvez presque plus sortir de chez vous; que techniquement vous êtes obligés de vous rallonger en permanence quand vous marchez à pieds...
En regardant le trottoir...
En écoutant un baladeur...

Bref, en fait, rapidement, c'est un calvaire.

En plus les patients (malins!) finissent bien sûr par repérer votre adresse et pensent tous que " ben au lieu de passer un coup de fil je vais aller sonner chez lui"... Ben oui quoi non? C'est plus convivial (et puis ça économise du téléphone) !!! Et puis je suis là pour ça non?... Tellement ravi d'ouvrir ma porte sur des patients quand je suis de repos...

Note : Le pompon dans le genre a été détenu par ma première collègue qui avait fondé le cabinet carrément chez elle dans son salon (c'était possible à l'époque)... Erreur fatale... En plus de devenir le centre d'attraction du quartier (super sympa en cas de divorce... En 4 heure toute la ville sait tout...et vous en parle "c'est pas votre mari qui est parti en hurlant dimanche soir?"), elle était devenue un dispensaire gratos ouvert 24 heures sur 24; 7 jours sur 7... ("ouille je me suis coupé" (un dimanche aprés midi); "ouille j'ai une prise de sang à faire demain matin" (à 22 heures aprés le film) etc etc etc...)

Bref, encore une fois, même si dans l'absolu ça à l'air tentant, toi jeune padawan qui débute et toi qui te poses la question , je te donne la réponse : N'habite JAMAIS sur ton secteur...

Pour ma part j'ai définitivement pété les plombs cet été... J'ai pas mal bossé tout l'été car ma collègue était absente (et quand je dis "pas mal" je veux dire entre 15 et 20 jours non stop, plusieurs fois) et le soir, peu à peu, malgré la fatigue je me sentais de plus en plus oppressé... Il a fallu qu'un soir, totalement à bout de nerfs j'aille me balader droit devant moi dans la ville pour comprendre le problème... Ma respiration n'est redevenue normale qu'à partir du moment où j'ai enfin quitté mon secteur, quitté ces rues qui m'enfermaient comme un piège du matin au soir... et finissaient pas devenir une obsession, une véritable prison... l'impression obsédante de ne jamais débaucher en fait...

Au fait vous ai je dit que mon nouvel apart n'est pas sur mon secteur ;)))

PS:A toi aussi qui te demande comment te comporter quand tu croises dans la vraie vie ton médecin, kiné, infirmier ou podologue... Voici donc la réponse : un sourire et un signe de tête grand max, merci pour eux...

Tout d'abord sache qu'en gros, vu qu'il ne pense pas à toi en permanence (si, si), il ne te reconnaitra que dans 20 minutes... ou pas du tout... Sache ensuite que si vraiment ton cas l'inquiète c'est lui qui viendra vers toi... Donc un sourire et un signe de tête c'est bien, c'est telllement biiiien... ;)))


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