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La guerre d’Espagne et ses nouveaux révisionnistes.

Publié le 15 mars 2010 par Marx

                                       Après avoir lu un vieil article sur « El Pais » à propos de l’ouvrage d’un historien français sur la Guerre d’Espagne, que l’auteur de l’article qualifiait de « révisionniste », je me suis mis à feuilleter quelques livres en question. Bien avant la première lecture du quotidien espagnol, j’en avais fait reproche à un ami historien , ancien élève de l’auteur de l’ouvrage dénoncé. « Révisionnisme » le terme est un peu fort. Ce n’est qu’un ouvrage dans  « l’air du temps » qui ne veut pas choquer  les « bien pensants », qui tous les protagonistes dans le même sac et qui renvoie les responsables et les victimes « dos à dos ».
                                 Ce qui me surprend toujours, c’est le terme de « Guerre civile », comme si en 1936 une partie du peuple, civils, combattaient une autre partie civile du peuple espagnol. Tel ne fut pas le cas, c’est un soulèvement militaire, appuyée par la grande bourgeoisie et l’Eglise catholique, contre un gouvernement légal et légitime. C’est une guerre menée par la majorité de l’armée  avec l’appui massif de deux armées étrangères, contre un gouvernement et une République défendue par l’essentiel des forces vives du  peuple en armes. Ces forces vives, légitimistes et révolutionnaires et parfois opposées dans une guerre civile à l’intérieur de la guerre d’Espagne. La guerre civile est le produit de la main mise stalinienne au sein du camp républicain et non pas celle qui oppose le fascisme à la république. Celle ci est une guerre, le début de la seconde guerre mondiale. La République et le peuple espagnol se défend face au fascisme  européen qui tente de la renverser par guerre déclarée
                            A l’évidence, et les auteurs ont raison, il faut chercher les causes de la guerre dans l’histoire de l’Espagne. Ces facteurs historiques sont importants mais ils ne sont pas les seuls et pas déterminants pour justifier le soulèvement militaire. C’est justement l’inverse, le processus historique espagnol a conduit à l’instauration de la République, qui en est le produit naturel. C’est la victoire de la modernité et l’instauration de la « démocratie bourgeoise ». Les nouvelles forces l’emportent sur la vieille Espagne féodale et traditionaliste . Dans ces nouvelles forces et malgré une situation féodale dans de nombreuses régions, il y a un prolétariat des villes et des champs qui vit souvent dans des conditions misérables. Ce prolétariat est particulièrement organisé , avec un niveau de conscience élevé, politique et sociale. C’est un prolétariat rebelle et révolutionnaire avec deux grandes organisations syndicales, l’UGT et la plus puissante des organisations ouvrières, la CNT, une organisation anarchiste, la FAI et un grand Parti Socialiste, le PSOE avec une puissante aile gauche de Francisco Largo Caballero, également dirigeant de l’UGT et de Araquistain le théoricien du socialisme révolutionnaire. En Catalogne des groupes fondent le POUM, il y a le PSUC (stalinien) et dans de nombreuses villes catalanes, des syndicats locaux de tendance libertaire, comme à Gava.
                            Ces forces révolutionnaires sont de plus en plus puissantes avec des militants et des dirigeants exceptionnels. La « révolution d’octobre » des Asturies donne la mesure en 1934, déjà écrasée par le général Franco, aux ordres de la bourgeoisie républicaine de la CEDA, qui finira dans le camp fasciste. D’ailleurs, celui qui nous est présenté comme un centriste, le démocrate chrétien Gil Robles, chef de la CEDA, se rend au Congrès Nazi de Nuremberg, c’est un habitué des rencontres avec des dignitaires fascistes et Nazi. La guerre n’a pas débuté en 34, malgré les conditions  de tensions extrêmes, et non, la droite est au pouvoir. Intrinsèquement,  le processus historique espagnol est très insuffisant. Les événements de 34 ne remettent pas en cause la République, le mouvement révolutionnaire veut une transformation radicale et remet en cause l’ordre bourgeois.
                             Enfin il y a des arguments particulièrement puérils et qui n’ont pas de place dans le débat politique et qui n’ont du point de vue historique que valeur d’anecdote. Ce sont les rapports vifs et tendus entre Gil Robles et Largo Caballero, qu’un éminent auteur verse dans les causes. Comme si les rapports étaient différents entre dirigeants européens depuis l’arrivée du fascisme en Italie et du nazisme en Allemagne. Que dire des rapports politiques entre gauche et droite depuis l’assassinat de Jaurès en France et les rapports à gauche depuis la scission communiste et ensuite la période stalinienne. Le rapports politiques en Espagne sont peu différents du reste de l’Europe et ne constituent pas une particularité, pas même un facteur, c’est un produit .
                            Alors , fondamentalement , pourquoi la guerre en 36. Tout simplement parce que l’Europe est dominée par le fascisme et le nazisme, sans qui Franco et Mola ne pouvaient lancer leur offensive avec leurs propres forces, sans être écrasés par la République et le peuple espagnol en armes. La guerre d’Espagne n’est possible que par l’existence des forces que représentent l’Allemagne nazie et l’Italie fasciste et leur intervention ensuite. L’affrontement espagnol n’eut certainement pas eu lieu sous cette forme et la guerre n’eut certainement  pas éclaté ou son issue eut été différente. C’est le facteur déterminant dans le cadre des tensions existantes. A ce propos, deux Généraux de l’Etat Major de l’armée française, partisans de l’intervention en Espagne (dont je ne me souviens plus les noms), pensent et disent que c’est le début d’un conflit international et que c’est en Espagne que l’on peut vaincre Hitler. C’est la raison de leur position.
                           Enfin la question religieuse et des deux Espagnes, « l’une avec la croix et l’autre derrière avec un bâton ». C’est inverser les rôles puisque cela fait apparaître celle du bâton comme celle de la répression, contrairement à la réalité et à la vérité. L’Eglise espagnole est oppressive et répressive depuis des siècles. Elle est anti républicaine et s’oppose à toutes les réformes démocratiques et à toutes les modernisations et ne cache ses sympathies pour le fascisme et le nazisme. C’est une institution sanguinaire et sanguinolente, avec comme les grands propriétaires ses hommes de main les « pistoleros » qui font régner la terreur dans les milieux laïques, tel le cardinal de Sarragosse ,Soldevilla ( voir l’affrontement avec les justiciers d’Ascaso et Durruty). L’Eglise s’élève contre les institutions, contre la constitution de la République, dont certains auteurs écrivent qu’elle est  violée par ailleurs , en ne faisant toutefois pas le compte des constitutions violées dans d’autres pays , pourtant de tradition « démocratique ». L’Eglise milite ouvertement et en toute impunité pour une guerre et la destruction de la République et pour la mise à mort des républicains. Elle ne fait pas dans la nuance, ni dans le second degré. Au fait, le combat républicain en France a certainement fait plus de victimes dans les rangs des prêtres réfractaires et du clergé vendéen. L’inventaire des biens de l’Eglise après le vote de la loi de 1905, n’a pas été une partie de plaisir non plus et supposons que l’Eglise en France où ailleurs soutienne une rébellion pour une dictature militaire , contre la République, combien seraient poursuivis et emprisonnés.
                                 Certains font ainsi une répartition des responsabilités, ce qui leur évite de choisir un camp en renvoyant dos à dos l’assassin et la victime, sous prétexte que la République violée aurait griffée le visage de son agresseur en se défendant. Comment peut on mettre dans le même sac celui qui défend la liberté et la démocratie , avec le peu de moyens dont il dispose et celui qui veut imposer la dictature par la violence. Mettre les antagonistes et les différents protagonistes de la guerre d’Espagne sur le même plan , c’est favoriser le plus fort et le plus brutal, c’est le choix d’excuser le fascisme et le dédouaner partiellement de ses responsabilités et de ses horreurs. Ceux qui ont fini dans les camps d’extermination en seraient donc partiellement responsables, si l’on suit la logique de certains.
                             Curieusement, en reprenant les lots de griefs contre la République, sur quelques livres, d’auteurs qui se disent du camp républicain, on se demande toujours quels sont ceux retenus contre les vainqueurs , en dehors du fait qu’ils ont vaincu qui il fallait pas. Pauvres vaincus, vaincus et accusés de tous les maux, y compris d’avoir collectivisé en Aragon, des terres, ailleurs des usines, d’armement en particulier. En dehors de l’aspect politique, c’était aussi se donner les moyens d’alimenter les populations, les troupes sur le front, de fabriquer des munitions, des armes et de ne pas dépendre que de l’aide extérieure, particulièrement maigre du à la lamentable Non intervention. De ne pas dépendre non plus de Staline. La socialisation des moyens de production et d’échange dans une économie de guerre fut un grand moment, achevé par la force et la violence du stalinisme. Le Poum, la CNT , les socialistes révolutionnaires et les trotskystes ont été les victimes de la guerre civile, d’une guerre civile à l’intérieur de la guerre d’Espagne.

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